Principaux portails publics  |     | 

Institutions européennes - Citoyenneté, jumelages, mémoire
L’Europe à l’affiche : Une image en construction depuis 1950
26-03-2011


L’affiche est un moyen de communication politique très prisé, en particulier lors d’élections ou de campagnes d’opinion. Dans la plupart des cas, l’affiche tire son pouvoir de suggestion de l’image plutôt que du texte. Les affiches ont également joué un rôle important dans l’histoire de l’intégration européenne, contribuant de manière décisive à façonner l’image de l’Europe depuis les débuts du processus d’intégration dans les années cinquante.

L'Europe à l'affiche, une exposition présentée au Musée d'Histoire de la Ville de Luxembourg à compter du 26 mars 2011Le Musée d’Histoire de la Ville de Luxembourg (MHVL) propose à compter du 26 mars 2011 une exposition qui présente des exemples d’affiches politiques des soixante dernières années provenant de différents pays de l’Union européenne, parmi lesquelles la fameuse série de 1950 faisant la promotion du plan Marshall. Elle oppose par ailleurs des affiches officielles émises par les institutions de l’Union européenne à des affiches parfois critiques, conçues par des partis politiques ou des organisations indépendantes.

Les documents proviennent d’une collection privée que le musée a pu acquérir en 2010 grâce au soutien des Amis des Musées d’Histoire et d’Art Luxembourg.

Dans la mesure où l’Union européenne est un "chantier" permanent, il n’existe pas de représentation unifiée ou arrêtée de l’Europe : l’image publique de l’Europe est elle-même le fruit d’une construction sans cesse renouvelée.

Le visiteur de l’exposition notera cependant la récurrence de certains sujets censés promouvoir l’unification de l’Europe, notamment les drapeaux des pays membres, le cercle d’étoiles ou encore la carte de l’Europe. Le parcours d’exposition regroupe les affiches selon leurs sujets picturaux, illustrant ainsi les différentes stratégies visuelles employées dans la communication européenne.

Petit tour de l’exposition…

À la recherche d’une image commune

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’Europe subissait les effets de sa division politique et d’une économie en ruines. Cette situation incita les États-Unis à lancer, en 1947, le "European Recovery Plan", un vaste programme de relance économique et de reconstruction. Communément appelé le "plan Marshall" (d’après sonReyn Dirksen, All our colours to the mast, OEEC (Organisation for European Economic Cooperation), 1950 promoteur, George C. Marshall, ministre des Affaires étrangères des États-Unis d’Amérique), il devait assurer la prospérité à long terme du continent et renforcer la coopération entre les pays d’Europe occidentale. Le plan avait également pour objectif non avoué de contrer l’idéologie communiste lors de la Guerre froide.

Afin de gagner le soutien des populations civiles, l’Organisation pour la Coopération Economique en Europe (OCEE) initia un concours portant sur la création d’une affiche sur le thème de la "coopération inter-européenne pour l’amélioration des conditions de vie". Un jury sélectionna 25 affiches parmi les quelque 10 000 entrées. Représentant le "Navire Europe" ("All our colours to the mast"), l’affiche de l’artiste néerlandais Reyn Dirksen fut déclarée gagnante.

La présentation officielle des vainqueurs eut lieu le 15 mai 1950 à Paris, dans la même salle où, une semaine auparavant, Robert Schuman avait présenté son plan d’une Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier (CECA). L’Europe disposait ainsi d’une série de sujets iconographiques pour accompagner le début du processus d’intégration.

Les affiches primées connurent un véritable succès populaire, et leurs symboles – mosaïques de drapeaux, colombe de la paix, mains, chantier, pousse d’arbre, maison commune, etc. – allaient durablement marquer les représentations de l’idée européenne.

Le territoire

Si la carte de l’Europe entre dans la composition de nombreuses affiches, ses contours sont susceptibles de changer d’une affiche à l’autre. Ces différences témoignent en premier lieu de l’élargissement progressif de l’Union européenne.

Éric, Communauté européenne du charbon et de l’acier – 1er emprunt public européen en France, CECA (Communauté européenne du charbon et de l’acier), 1964Au départ, la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier (CECA) réunissait six pays fondateurs, à savoir l’Allemagne, la Belgique, la France, l’Italie, le Luxembourg et les Pays-Bas.

Or, le succès des Communautés européennes encouragea peu à peu d’autres pays à formuler leur demande d’adhésion. En 2004 et 2007, l’Union européenne, qui compte aujourd’hui 27 membres, s’est ainsi ouverte aux pays de l’Europe de l’Est.

Certaines cartes n’intègrent que les pays membres de l’Union, les autres nations européennes apparaissant alors sous la forme de taches blanches. D’autres affiches témoignent en revanche de visions géopolitiques plus larges, incluant également la Turquie et l’Afrique du Nord comme adhérents potentiels, quoique contestés.

Les différentes cartes de l’Europe représentées sur ces affiches reflètent donc des choix politiques, illustrés par l’inclusion de certains pays et l’exclusion d’autres, pour des raisons qu’il importe d’éclairer. Plus rarement, les affiches incluent d’autres continents, mais en général, le territoire représenté se limite à l’Europe, ce qui témoigne de la persistance d’un certain eurocentrisme.

Le drapeau

Tout au long des 19e et 20e siècles, drapeaux et hymnes ont été utilisés comme symboles censés définir l’identité nationale. Ils avaient ainsi pour objectif de renforcer le sentiment d’appartenance nationale dans les États-nations émergeant. L’Europe, en revanche, a longtemps manqué de symboles communs. C’est pourquoi, à partir desFréderic Guiot, Europees Parlement, Bureau d’information du Parlement européen, La Haye années quatre-vingt, la Commission européenne redoubla ses efforts pour construire une identité européenne commune.

En 1986, le drapeau du Conseil de l’Europe – un cercle d’étoiles dorées sur fond bleu – fut adopté en tant qu’emblème officiel de la Communauté européenne. Le nombre d’étoiles – douze – symbolise les notions de perfection, de plénitude et d’unité. À l’instar des signes du zodiaque, qui incarnent l’univers entier, les douze étoiles représentent l’ensemble de l’Europe. Hissé pour la première fois lors de la Journée de l’Europe en 1986 aux sons de l’hymne européen – l’Ode à la joie de Beethoven –, le drapeau européen est désormais un signe universellement reconnu. Le cercle d’étoiles se retrouve également sur les affiches, où il apparaît dans des formes et des constellations variables.

Les détracteurs de l’UE le transforment à leur tour en fil barbelé protégeant "l'Europe forteresse". Sur la plupart des affiches, les étoiles européennes sont cependant porteuses d’une connotation positive, soulignant la dimension européenne du message.

Citoyen(ne)s

L’Europe est parfois accusée d’un manque de proximité avec ses citoyens. Afin de changer cette perception et de D’Europäescht Parlament verenegt d’Biirger an der Europäescher Unioun, Parlement européen – Bureau d’Information de Luxembourgcommuniquer de manière plus directe, l’Union européenne a souvent recours à des images d’individus évoluant dans un environnement quotidien. Or, trouver des représentations adéquates relève d’un exercice délicat, car au-delà de l’effet de reconnaissance, ce type d’image pose la question de l’uniformisation.

Bon nombre d’affiches préfèrent dès lors se cantonner à des modes de représentation abstraits : le citoyen européen n’apparaît plus comme un individu identifiable, mais sous la forme d’un pictogramme ou d’un personnage dessiné. On peut cependant douter du potentiel d’identification de ce genre de représentation abstraite.

Pour accréditer la notion d’une participation active du citoyen aux processus politiques de l’Union européenne, certaines affiches emploient l’image d’une foule en liesse. Ce type de représentation sert notamment à commémorer des événements historiques tels que l’élargissement de l’Union ou son 50e anniversaire.

Les détracteurs de l’Union européenne lui opposent des images qui montrent des manifestations ou mettent en exergue des destins individuels.

Le mythe

Le mythe de l’enlèvement d’Europe par Zeus a été considéré dès l’Antiquité comme fondateur de l’identitéDie Grünen ins Europaparlament!, Die Grünen (Les Verts), 1984 européenne. Dans la mythologie grecque, Europe est une princesse phénicienne, fille du roi Agénor de Tyr. Alors qu’elle se promène au bord de la mer, Zeus se métamorphose en taureau pour la séduire. La jeune fille imprudente finit par monter sur le dos du taureau, qui s’élance dans la mer et l’emporte sur l’île de Crête, où les deux s’unissent. De leurs amours naissent trois fils, dont Minos, qui plus tard construira le fameux labyrinthe. Europe prêtera son nom au continent (jusqu’alors sans nom) qui se dresse en face de l’Asie.

La légende de l’enlèvement d’Europe a inspiré de nombreux artistes à travers les siècles. La construction communautaire européenne se réfère elle aussi à ce mythe fondateur, dans lequel elle puise une légitimation historique. L’image de la demi-déesse Europe chevauchant le taureau se retrouve sur de nombreuses affiches éditées par des institutions ou partis européens. Ces représentations, souvent teintées d’humour, expriment la confiance dans la force du mouvement européen qui va de l’avant.

Bestiaire

Stuur een waakhond naar Brussel: stem SP!, Socialistische Partij, Pays-BasLes nombreuses affiches à motifs animaliers forment un véritable bestiaire européen. Y figurent des animaux de compagnie comme le chien, le chat ou le perroquet, mais également des animaux de ferme comme la vache, le cochon ou l’oie.

Le choix du sujet est souvent en rapport avec le message de l’affiche, ainsi lorsqu’elle porte sur la politique agricole commune ou la protection du consommateur. Mais l’animal sert également à susciter la sympathie du spectateur pour mieux capter son attention. Parfois, l’animal introduit un élément de dérision ou d’ironie : ainsi, l’escargot qui s’élance sur un skateboard est une image destinée à promouvoir l’Europe de la connaissance.

Plus généralement, l’animal est censé posséder certaines qualités que l’affiche entend mettre en avant : le perroquet est réputé pour sa facilité d’apprentissage, le chien pour sa vigilance.

Unis dans la diversité

Le slogan de l’Union européenne – "Unis dans la diversité" – est traditionnellement repris sur les affiches paraissant chaque année à l’occasion de la Journée de l’Europe. Celle-ci commémore, depuis 1985, le 9 mai 1950, date à laquelle le ministre français des Affaires étrangères Robert Schuman dévoila son plan d’une Europe unie.Welcome Bulgaria and Romania to the European Union, European Commission – Directorate General for Enlargement, 2007

Le slogan reflète l’ambivalence fondamentale qui caractérise l’iconographie européenne : d’une part les affiches sont censées symboliser l’unité de l’Europe et contribuer à la construction d’une identité commune, mais d’autre part elles doivent prendre en compte les différentes cultures, traditions et langues qui constituent l’héritage particulièrement riche de l’Europe.

Pour exprimer l’idée d’unité dans la diversité, bon nombre d’affiches utilisent ainsi les drapeaux de tous les pays membres. Parallèlement, plusieurs tentatives ont visé à surpasser les références nationales et à rassembler tous les pays membres sous un même signe.

En 2001, l’architecte néerlandais Rem Koolhaas et le bureau OMA ont ainsi proposé de regrouper toutes les couleurs qui figurent sur les drapeaux des pays de l’Union dans une sorte de code barre. Leur symbole iconoclaste figura un temps sur des affiches officielles.

En 2007, à l’occasion du 50e anniversaire de la signature des Traités de Rome, fut présenté le logo "Together since 1957" (Ensemble depuis 1957). Lui aussi témoigne d’une approche différente : en associant des lettres et des signes pour former le mot "Ensemble" dans les différentes langues de l’Union, il exprime clairement l’idée d’une coopération dans la diversité.