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Justice, liberté, sécurité et immigration
Conseil JAI : Selon Nicolas Schmit, le mouvement migratoire en Méditerranée dû aux changements dans le monde arabe met à l’épreuve la capacité de l’UE à gérer ses frontières, et sa capacité à être un véritable acteur international
11-04-2011


Nicolas Schmit fait le point avec la presse à l'issue de la matinée du Conseil JAI du 11 avril 2011La première journée du Conseil JAI des 11 et 12 avril 2011 qui s’est tenu à Luxembourg a été dédiée à "la dimension migratoire des transitions en Méditerranée". Il fut question des flux de réfugiés en provenance de Tunisie qui  se dirigent vers l’Italie comme pays de transit et de ceux dus à la guerre civile en Libye. Nicolas Schmit, le ministre luxembourgeois de l’Immigration, a aussi rappelé lors de sa conférence de presse le sort de ces centaines de jeunes Tunisiens qui ne sont pas arrivés en Italie, mais qui ont coulé avec des bateaux impropres à la navigation en haute mer, victimes de passeurs sans scrupules.

Le casse-tête des jeunes Tunisiens qui affluent en Italie pour rejoindre d’autres pays en Europe 

Comment arriver à contrôler ces flux migratoires et être solidaires entre Etats membres, voire arriver à les stopper, telles sont les questions que se sont posées les ministres européens compétents. Pour Nicolas Schmit, le message à passer aux jeunes Tunisiens qui ont surpris le monde arabe, l’Europe et le monde entier avec leur révolution doit être de ne pas mettre en jeu leur vie pour venir en Europe. Mais contrôler le flux de ceux qui veulent une meilleure vie ne peut se faire que si l’UE aide la Tunisie à redémarrer économiquement, notamment dans le domaine du tourisme. Et ce qui vaut pour la Tunisie vaut également pour d’autres pays de la région.

Les Tunisiens qui arrivent en Italie, a précisé Nicolas Schmit, ne demandent pas l’asile politique. Ils s’entendent comme des réfugiés économiques, débarquent en Italie, mais veulent continuer leur périple vers d’autres pays de l’UE.

Dans ce contexte, l’Italie à demandé aux autres Etats membres de l’aider, alors que plus de 20 000 Tunisiens ont débarqué sur son sol depuis le début de l’année 2011. Les Italiens ont demandé que ces personnes soient réparties entre pays européens et se voient accorder une protection temporaire selon les dispositions de la directive sur la protection temporaire en cas d'afflux massif de personnes déplacées

Selon Nicolas Schmit, les ministres ont jugé que la directive en question n’était pas applicable au cas de figure et n’ont pas accepté non plus que les Tunisiens arrivés en Italie soient dispatchés sur le territoire de l’UE. Le ministre de l’immigration a fait remarquer que proportionnellement parlant, le Luxembourg était par ailleurs confronté à une situation au moins aussi tendue que ce qui arrive en Italie avec les demandeurs d’asile en provenance de Serbie.

Le système de papiers provisoires de l’Italie fortement critiqué

L’Italie a, devant cet afflux, prévu maintenant un système de papiers provisoires qui permettraient à leurs détenteurs de circuler librement entre 3 et 6 mois dans l’espace Schengen. Ce papier serait donné à ceux parmi les réfugiés économiques qui disposeraient de papiers – passeport, carte d’identité – et qui sont capables de subvenir à leur besoins. Il ne leur accorde pas l’asile politique, mais leur permettrait de gagner le pays de leur choix, ou de retrouver une partie de leur famille sur des territoires de l’UE autres que l’Italie. Il ne serait finalement donné qu’aux Tunisiens qui sont arrivés en Italie avant le 5 avril, date à laquelle l’Italie a signé un accord avec les nouvelles autorités tunisiennes sur un rapatriement de 60 citoyens tunisiens par jour en moyenne.

Le ministre de l'Intérieur italien, Roberto Maroni, en pleine discussion avec son homologue allemand Hans-Peter Friedrich (c) Le Conseil de l'UEUn certain nombre d’Etats membres ont rejeté cette manière de procéder, en contradiction avec l'esprit sinon avec les règles qui régissent l'espace Schengen, une critique que "le Luxembourg comprend", comme l’a précisé Nicolas Schmit, qui ne veut pas non plus "de chèque en blanc pour circuler dans l’UE". Certains pays, comme la France et la Belgique ont menacé de réintroduire les contrôles aux frontières, ce qui battrait aussi en brèche l'acquis de Schengen.

Le ministre italien de l'Intérieur Roberto Maroni, membre du parti d’extrême droite de la Lega Nord, "parti xénophobe et anti-immigré" selon l’agence de presse AFP,  n'a pas apprécié le refus de ses homologues qui ne veulent pas enfreindre les principes qui régissent l’espace Schengen. "Nous avons demandé de la solidarité, on nous a répondu: débrouillez-vous seuls. Je me demande si cela a encore un sens de faire partie de l'Union européenne", a-t-il déclaré.

Renforcer FRONTEX, aider la Tunisie

Pour Nicolas Schmit, il faut réagir sur un front plus large. Le budget de l’agence FRONTEX, d’ores et déjà presque épuisé, alors que le 2e trimestre de l’année budgétaire est à peine entamé, doit être renfloué. Les Etats membres vont soutenir les opérations conjointes Hermes, Poseidon Terre et Mer et le possible déploiement d’une opération RABITS à Malte. Les opérations voient des équipes d'intervention rapide aux frontières (RABITS) déployées pour une période limitée dans des situations de pression migratoire urgente et exceptionnelle, en particulier l'arrivée d'un grand nombre de ressortissants de pays tiers qui essaient d'entrer illégalement dans un territoire. Les compétences de FRONTEX devraient également être élargies de concert avec le Parlement européen. Tout cela en sachant que l’agence de gestion des frontières extérieures de l’UE ne peut pas tout faire.

La Commission européenne, qui se rend avec son président le 12 avril en Tunisie, veut également développer un plan plus vaste d’aide à la Tunisie et le développer dans le dialogue avec les nouvelles autorités tunisiennes, mais aussi des moyens pour l’Italie.

Le ministre de l’Immigration a admis que le Conseil avait été attendu dans un climat de tension et que certains reproches avaient été échangés entre Etats membres. Le problème des papiers italiens n’a pas pu être résolu. Une simple répartition des charges (burden-sharing) n’a pas été retenue non plus. Selon Nicolas Schmit, ce serait "un message erroné" lancé aux jeunes Tunisiens qui sont victimes du chômage et des passeurs et qui ne seront pas accueillis selon leurs attentes dans "une UE qui ne peut pas ouvrir ses portes aux réfugiés économiques". Mais la solidarité avec la Tunisie se met en place et l’aide devra être massive, "de plusieurs milliards d’euros, même si nombre de pays de l’UE ont eux-mêmes des problèmes budgétaires".

La Libye et Malte, que le Luxembourg veut mais ne peut pas encore aider

Un autre cas qui a préoccupé les ministres européens est la Libye, un pays en état de guerre  civile, avec des centaines de milliers de ressortissants étrangers qui fuient les combats, surtout vers la Tunisie. Parmi ces personnes se trouvent des Somaliens, des Erythréens, des Soudanais, qui ne peuvent pas retourner dans leur pays d’origine, sinon au risque de leur vie. D’autres ont été ou peuvent être rapatriés. Par ailleurs, Malte a vu plus d’un millier de personnes débarquer en une semaine et a aussi demandé l’aide des autres Etats membres, aide qui lui sera accordée par les pays qui se voient en mesure de le faire.

Le Luxembourg s’était déjà joint à un premier projet d’aide à Malte en juin 2009, a rappelé Nicolas Schmit, en mettant un avion au service de FRONTEX qui était équipé pour aider Malte à surveiller les abords de ses frontières. Par ailleurs, deux agents du Ministère luxembourgeois de l’Immigration s’étaient rendus à Malte pour aider les autorités locales à parfaire leurs techniques d’identification des nouveaux arrivants et de traitement administratif des dossiers de demande d’asile. Finalement, le Luxembourg avait accepté sur son territoire des personnes qui ne pouvaient pas être rapatriées dans l’esprit du burden-sharing. 

Mais cette fois-ci, le Luxembourg s’est vu dans la situation de décliner son aide, étant lui-même arrivé à un point de saturation de ces capacités d’accueil à cause de l’afflux des demandeurs d’asile serbes, a regretté Nicolas Schmit. Le Luxembourg veut être et sera de nouveau solidaire "dès qu’il aura une bouffée d’air qui lui permettra de respirer".

Reste que ces questions mettent selon Nicolas Schmit à l’épreuve la capacité de l’UE à gérer ses frontières, et par là même sa capacité à être un véritable acteur international.