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Justice, liberté, sécurité et immigration - Traités et Affaires institutionnelles
Les réactions suscitées au Luxembourg par la demande franco-italienne de "modifications au traité de Schengen" sont l’occasion de faire quelques rappels
28-04-2011


Dans un courrier adressé le 26 avril 2011 au président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, et au président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, Silvio Berlusconi et Nicolas Sarkozy appellent notamment à "examiner la possibilité de rétablir temporairement le contrôles aux frontières intérieures en cas de difficultés exceptionnelles dans la gestion des frontières extérieures communes".

Cette invitation à des "modifications au traité de Schengen" sur lesquels le chef du gouvernement italien et le président français ont décidé de "travailler ensemble" a été présentée à Rome à l’issue d’une rencontre bilatérale qui s’inscrivait dans un contexte de tensions entre les deux pays. L’enjeu des discussions qui ont animé les deux dirigeants ces derniers jours, c’est la façon de traiter le cas des immigrants venus de la rive Sud de la Méditerranée et qui sont nombreux à débarquer, en Italie notamment, depuis les bouleversements connus dans leurs pays depuis ce début d’année.

"Nous n’allons pas révolutionner quoi que ce soit", a prévenu aussitôt la Commission européenne en réponse à la France et à l’Italie

Le jour même, la Commission européenne annonçait par la voix d’un de ses porte-paroles, Olivier Bailly, qu’elle entendait redéfinir les "conditions exceptionnelles" permettant aux Etats membres de Schengen de rétablir "temporairement" des contrôles à leurs frontières nationales.

"Il est déjà possible de rétablir temporairement des contrôles aux frontières nationales", expliquait Olivier Bailly, selon lequel l’enjeu est de "préciser les conditions dans lesquelles cela sera possible". Des propositions seront formulées le 4 mai prochain par la commissaire en charge des Affaires intérieures, Cecilia Malmström, en vue d'un premier examen par les ministres de l'Intérieur de l'UE le 12 mai.

"Mais nous n'allons pas révolutionner quoi que ce soit", avertissait d’ores et déjà le porte-parole, pour qui il s’agissait "d'aider à régler les différences d'interprétation" sur ces règles. "Il s'agit de dire ce qu'il est possible de faire quand un Etat qui est frontière extérieure de l'UE ne respecte pas ses obligations ou quand il prend des décisions unilatérales", indiquait Olivier Bailly.

Nicolas Schmit rappelle l’existence de l’article 23 du traité de Schengen

Le ministre luxembourgeois de l’Immigration, Nicolas Schmit estime que, plutôt que de fermer les frontières intérieures, les Etats devraient plus coopérer pour gérer la problématique des réfugiés. Comme il l’a expliqué au Tageblatt.lu au lendemain du sommet franco-italien, Nicolas Schmit juge qu’une action menée conjointement avec les pays d’origine des migrants est d’une grande importance. Il a aussi insisté sur la nécessité de renforcer l’agence Frontex. Ce sont là deux des points mis en avant par les dirigeants français et italien dans leur lettre.

Nicolas Schmit a ensuite rappelé le fait que le traité de Schengen dispose déjà d’une clause, à savoir l’article 23, qui autorise les Etats membres, en cas de "menace grave pour l'ordre public ou la sécurité intérieure", à réintroduire "exceptionnellement", le contrôle aux frontières, pour une période d'une durée maximale de trente jours, éventuellement renouvelable tant que la menace subsiste.

Robert Goebbels rappelle que le traité de Schengen fait désormais partie intégrante du droit communautaire

Olivier Tasch se fait l’écho, dans son article paru dans Le Jeudi daté du 28 avril 2011, de la stupéfaction de l’eurodéputé socialiste Robert Goebbels, qui fut l’un des signataires de l’accord. Et il rappelle ainsi que "le traité de Schengen a été intégré au traité d'Amsterdam et n'existe plus en tant que tel, il fait partie intégrante du droit communautaire".

Robert Goebbels rappelle lui aussi que "les textes sont clairs" et qu’il n'est "pas nécessaire d'adapter les règles relatives à Schengen" pour pouvoir introduire exceptionnellement des contrôles aux frontières intérieures. "Tout cela, c'est du vent, la lettre qu'ils ont adressée à la Commission est en fait une lettre à leur opinion publique", résume-t-il ainsi, jugeant les dirigeants français et italien se perdent en gesticulations politiques.

Une analyse qui fait écho à celle, certes exprimée de façon autrement plus diplomate, par la Commission européenne dont le porte-parole indiquait que "nous sommes sensibles au fait que les Etats sont sous la pression de l'opinion publique, que les citoyens attendent des réponses des Etats et de l'Europe".

Selon Robert Goebbels, les calculs politiciens teintés de "machisme" ont néanmoins des "conséquences déplorables" pour l'UE. Il parle ainsi de "détricotage de l'intégration européenne" et regrette que la France opte pour la méthode intergouvernementale aux dépens de la méthode communautaire, qui est à ses yeux "la seule valable". Il rejoint en cela le ministre Jean Asselborn.

Jean Asselborn critique surtout la manière de procéder des deux pays

Le ministre des Affaires étrangères, Jean Asselborn, s’est en effet surtout montré critique quant à la manière de procéder de la France et de l’Italie. Le ministre a ainsi dénoncé au Tageblatt.lu "la mauvaise habitude qui s’est installée dans l’UE et qui consiste à ce qu’un Etat invente un problème pour pouvoir prescrire ensuite une solution". Jean Asselborn, partisan de la méthode communautaire, déplore la préférence qui est faite le plus souvent à la méthode intergouvernementale quand il s’agit de résoudre des problèmes.

Jean Asselborn, qui a rappelé que le traité de Schengen avait été signé en 1986 entre six pays et qui s’étend aujourd’hui à 25 Etats, a cependant reconnu que le traité devrait être adapté à des situations de crises.