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Greenpeace Luxembourg soutient la Commission qui veut un rapprochement des taux minimaux des accises sur les carburants dans l’UE, la hausse de la taxation du diesel et exige que le Luxembourg sorte progressivement du tourisme à la pompe
05-05-2011


En collaboration avec la fédération des ONG européennes d´environnement et de transport, Transport & Environment (T&E), l’ONG Greenpeace Luxembourg a présenté le 5 mai 2011 une étude qui analyse les impacts de la taxation des carburants sur le développement des emplois, le coût des produits pétroliers et la protection du climat dans l'Union européenne.

Soutien à la Commission qui veut augmenter les taxes sur le diesel

Selon cette étude, le niveau moyen des accises sur les carburants automobiles aurait baissé en moyenne de 10 cents par litre depuis 1999 dans l’UE. L’étude prétend  que "si les gouvernements européens n´avaient pas diminué ce niveau de taxation sur les carburants, mais l´avaient ajusté au taux d‘inflation et utilisé ce différentiel de revenu pour la réduction des impôts sur le travail, les importations européennes de pétrole auraient été inférieures de 11 milliards d´euros et environ 350 000 emplois auraient pu être sauvés ou créés. De plus, les émissions de CO2 liées au transport routier auraient diminué de 6%, soit de 60 millions de tonnes de CO2".

L'étude de T&EGreenpeace Luxembourg soutient une taxation de l´énergie qui  tient compte du contenu énergétique et des émissions de CO2 des différentes sources d´énergie. Elle appelle le gouvernement luxembourgeois à soutenir la proposition de la Commission européenne d´un rapprochement des taux minimaux des accises sur les carburants au niveau européen.

Greenpeace invite également le gouvernement "à s´occuper urgemment de la question de la réduction de la dépendance budgétaire du Luxembourg de la vente des carburants". L’organisation réclame depuis des années un retrait progressif du tourisme à la pompe au Luxembourg. Ce retrait est selon Greenpeace "la condition sine qua non que le pays doit remplir pour respecter ses engagements en matière de protection du climat et réduire sa dépendance vis à vis des combustibles fossiles".

D´un point de vue climatique et énergétique, Jos Dings, directeur de l´ONG Transport & Environment, soutient, comme la Commission européenne dans ses nouvelles propositions sur une fiscalité de l’énergie qui datent du mois d’avril 2011, que les taux d'imposition sur les carburants devraient être ajustés à leur contenu en énergie et à leurs émissions en CO2.

La logique de la Commission serait de taxer de manière équivalente toutes les sources d'énergie en fonction de leur contenu réelle en énergie, par exemple  9,6 €/GJ (gigajoules) et 20€/tonne CO2 produite. Conséquence : le  niveau de taxation d´un litre de diesel deviendrait plus élevé que celui de l´essence, un plus de 15 % d’ici 2018.

De plus, Jos Dings exige que l´UE ajuste automatiquement les taux minimaux des accises au taux d'inflation et mette une fin aux exemptions pratiquées actuellement pour l'aviation, la navigation et la pêche. En ce qui concerne les agrocarburants, Jos Dings exige que ceux-ci soient imposés en fonction de leur contenu énergétique et de leurs impacts climatiques, comme tous les autres produits énergétiques.

Le Luxembourg, pour Greenpeace un "paradis fiscal pour les carburants"

Quelques petits pays bien placés géographiquement comme le Luxembourg ou plusieurs pays d'Europe de l´Est maintiennent leurs taxes sur les carburants à un niveau inférieur à ceux de leurs pays voisins et bénéficient des revenus issus principalement de la vente de diesel pour les poids lourds.

L´étude de T&E met a sa manière en évidence les conséquences d´une telle politique au niveau européen. Selon Jos Dings, les taux minimaux de taxes de carburant sont importants à l'échelle européenne. "Les paradis fiscaux pour les carburants jouent un rôle nocif en Europe. Cette attitude restreint de façon significative la liberté de leurs pays voisins sur leur façon de fixer leurs propres taxes sur les carburants. Cette politique de dumping, utilisée notamment par le Luxembourg, a des impacts négatifs sur la politique européenne en matière de transport et donc forcément sur la politique climatique."

Pour Greenpeace, le Luxembourg profite depuis les années 90 de façon importante de la vente des carburants à des consommateurs étrangers. D'une part, les exportations de carburant sont une source importante de revenus pour le budget de l´Etat, d'autre part, elles affectent de façon significative le bilan "climat" et les objectifs de la politique énergétique du pays. Pour Greenpeace, "les estimations indiquent que 40 % des émissions nationales de CO2 et de la consommation d'énergie du Luxembourg proviennent du tourisme à la pompe".

L’argument du revenu budgétaire n’est pour Greenpeace pas un argument pour surseoir à la sortie du tourisme à la pompe

Au premier abord, - étant donné l'importance des recettes provenant de la vente de carburant – il serait pour Greenpeace "compréhensible" que le gouvernement luxembourgeois s´oppose aux plans de l'UE de restructurer le cadre européen de la taxation des produits énergétiques. Cependant, estime l’ONG, "un blocage de la proposition de la Commission européenne ne serait pas approprié".

Pour Greenpeace, une telle position impliquerait malgré tout une évaluation de l’effet négatif sur le budget luxembourgeois d’une harmonisation des taxes sur le diesel étalée sur une période de plusieurs années. Néanmoins, "la question budgétaire ne doit en aucun cas servir d'excuse au gouvernement luxembourgeois pour ne pas soutenir la proposition de la Commission européenne, voire de la rejeter", a déclaré Martina Holbach, chargée de campagne climat et énergie de Greenpeace Luxembourg.

"La protection du climat, l'efficacité énergétique et la sortie du tanktourisme ont été déclarées comme priorités dans la déclaration gouvernementale", a martelé Martina Holbach. "Mais, maintenant que le gouvernement doit passer des paroles aux actes, ce gouvernement se trouve face à ses contradictions." Pour elle,  la taxation des carburants en fonction de leur contenu énergétique et de leurs émissions en CO2 est un outil important pour accélérer la transition du secteur transport vers des modes de transport et l'utilisation de sources d'énergie durables.

A la page 41 du programme gouvernemental, on lit : "Le secteur des transports représentant toujours la part la plus importante des émissions de gaz à effet de serre (53 % en 2008), notamment à cause de l’influence disproportionnée sur nos émissions des carburants vendus au Luxembourg mais non consommés par le parc automobile luxembourgeois (près de 40 % de nos émissions totales), le Gouvernement s’efforcera à parvenir à une réduction progressive dans ce secteur. Il ne s’agit pas d’opter pour un 'phasing-out' radical de l’exportation de carburants, mais le Gouvernement entend augmenter progressivement la contribution changement climatique 'Kyoto-cent', en tenant compte des cours des marchés. Les recettes ainsi générées, qui seront affectées au fonds de financement des mécanismes de Kyoto, permettront de financer les mesures mises en œuvre en vue de la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre tant au niveau national qu’à l’étranger (mécanismes flexibles), ainsi que les mesures d’adaptation et notre participation à l’architecture financière internationale d’un accord post-Kyoto." Il n’est ni question de sortir radicalement de l’exportation de carburants, ni d’aller dans le sens d’une fiscalité harmonisée au niveau européen, mais de dégager des recettes permettant de financer la réduction des émissions.    

Indépendamment du débat actuel sur l'augmentation du taux d'accises minimum sur les produits énergétiques, Greenpeace encourage donc aussi le gouvernement luxembourgeois à mener une étude approfondie sur l'abandon progressif du tourisme à la pompe. "Les carburants fossiles deviennent plus rares et plus chers, et il est grand temps que le pays et sa trésorerie deviennent indépendants d´une source de revenu qui pourrait se tarir rapidement", a déclaré Paul Delaunois, directeur de Greenpeace Luxembourg.

Premières réactions luxembourgeoises aux propositions de la Commission: ne pas perdre de vue la dimension sociale d’une augmentation des prix

Le ministre luxembourgeois Luc Frieden avait déjà au mois d’avril 2011 mis en avant le fait que "beaucoup de gens doivent, dans beaucoup d’endroits, aller travailler en voiture", et il appelait donc à la plus grande prudence avant d’augmenter les prix. Car des prix élevés du carburant ne sont pas liés au revenu. Si la question de la taxation de l’énergie est essentielle à ses yeux, Luc Frieden estime ainsi qu’il ne perdre de vue "la dimension sociale" de la question.

L’eurodéputé luxembourgeois Robert Goebbels (S&D) a quant à lui annoncé la couleur dès la publication de la proposition de la Commission, dénonçant ses "errements dogmatiques". "Il va falloir s’attendre à de la résistance", prévient le parlementaire socialiste qui souligne qu’il n’est pas seul au Parlement européen à avoir prévu de s’opposer aux propositions de la Commission. Robert Goebbels a appelé par ailleurs le gouvernement luxembourgeois à mettre son veto à la proposition de la Commission, ce qui suffirait selon lui à sonner le glas de cette initiative.

Entretemps, l’Allemagne et le Royaume Uni ont déjà signalé leur opposition au projet de la Commission.