Au Luxembourg, le taux de risque de pauvreté est passé de 13.5 % en 2008 à 14.9 % en 2009. D’autres indicateurs sociaux ont-ils évolué dans le même sens ? Dans le numéro 15 de la publication Regards, Paul Zahlen, qui officie au Statec, s’attache à présenter quelques indicateurs de privation matérielle calculés sur la base de l’enquête communautaire EU-SILC (European Survey on Income and Living Conditions) réalisée au Luxembourg sous la responsabilité du STATEC en collaboration avec le CEPS/INSTEAD.
Dans cette publication, le statisticien se concentre sur des indicateurs liés aux difficultés économiques, c’est-à-dire les difficultés à joindre les deux bouts, les arriérés de paiement, les difficultés à faire face à des dépenses imprévues, l’incapacité de s’offrir des vacances, les restrictions alimentaires et la perception de la charge du coût du logement.
Au Luxembourg, 24,6 % des ménages affirment avoir des difficultés à joindre les deux bouts à la fin du mois. Avec ce taux, le Luxembourg se situe largement en-dessous de la moyenne européenne (49,2 %) et même très largement en-dessous de celle des nouveaux Etats membres (77,7%), ainsi que le souligne Paul Zahlen.
La difficulté de joindre les deux bouts est liée au niveau du revenu. Le statisticien observe ainsi que le pourcentage des ménages ayant des difficultés à joindre les deux bouts atteint près de 70 % pour les ménages considérés à risque de pauvreté, c’est-à-dire dont le revenu se situe en-dessous de 60 % du revenu médian.
Paul Zahlen note aussi que le pourcentage des ménages ayant des difficultés à joindre les deux bouts est en augmentation depuis 2006 : il est en effet passé de 18,4 % en 2006 à 24,6 % en 2009. Cette tendance est encore plus nette chez les ménages ayant des revenus se situant en-dessous du seuil de risque pauvreté, chez lesquels il est passé de 53,3 % à 69,8 %. Pour les ménages se situant au-dessus du seuil de pauvreté, le pourcentage est passé de 12,6 % à 16,9 %.
La progression est moins nette dans l’Europe des 15 où elle ne dépasse pas deux points, étant passée de 47,5 % en 2006 à 49,2 % en 2009, alors qu’elle atteint 6 points au Luxembourg.
Paul Zahlen nuance cependant son propos en soulignant que, si on fait la distinction entre ménages affirmant avoir "beaucoup de difficultés", "des difficultés" et "quelques difficultés" à joindre les deux bouts, la part des ménages affirmant avoir "beaucoup de difficultés à joindre les deux bouts" est très faible au Luxembourg où elle atteint 2 % alors que le pourcentage est de 8,7 % dans l’UE-15 et de 16,3 % en moyenne dans les nouveaux Etats membres.
Au Luxembourg, près de 70 % de l’ensemble des ménages avouant avoir des difficultés à joindre les bouts affirment n’avoir que "quelques difficultés", le reste, soit 30 % ayant soit "des difficultés" ou "beaucoup de difficultés". Dans l’UE-15, le pourcentage des ménages ayant seulement "quelques difficultés" n’est que de 55 %, tandis que 45 % des ménages disent y avoir ont "des difficultés" ou "beaucoup de difficultés".
Les difficultés à joindre les deux bouts sont plus répandues parmi les familles avec enfants (30 % de ces ménages) que parmi les familles sans enfants (18 % de ces ménages). Les parents seuls avec enfants dépendants sont les plus touchés. Près de 60 % de l’ensemble des ménages monoparentaux reconnaissent avoir des difficultés à joindre les deux bouts.
Par ailleurs, précise Paul Zahlen, l’intensité de ces difficultés est assez importante pour ces ménages : 7,3 % des ménages monoparentaux ont "beaucoup de difficultés". Là-encore le niveau de revenu joue un rôle important. Si 85 % des ménages monoparentaux dont le revenu se situe en-dessous du seuil de pauvreté ont ces difficultés, ce n’est le cas que pour 25 % des ménages monoparentaux se situant au-dessus du seuil.
Selon l’enquête EU SILC, la part des ménages ayant des arriérés de paiement – remboursement hypothécaire ou de loyer, factures courantes (gaz, électricité, eau) ou achats à tempérament – est passée de 2,4 % en 2008 à 4 % en 2009.
L’augmentation est encore plus nette pour les ménages dont le revenu se situe en-dessous du seuil de risque de pauvreté pour lesquels on est passé de 8,4 % à 11,8 %. Mais les ménages dont le revenu se situe au-dessus de ce seuil sont également concernés : ils étaient 1,4 % en 2008 et 2,6 % en 2009.
Pour autant, Paul Zahlen relève que le Luxembourg reste le pays européen où la part des ménages ayant des arriérés de paiement est la plus faible : elle atteint 9,6 % dans l'UE-15 en moyenne et 18,4 % dans les nouveaux Etats membres.
Le statisticien nuance cependant cette image pour faire observer que, pour les ménages à risque de pauvreté, les taux se rapprochent du niveau de l’UE :
La proportion des ménages déclarant avoir des difficultés à faire face à des dépenses imprévues est comparable à celle des ménages ayant des difficultés à joindre les deux bouts, soit un quart des ménages. Comme pour les autres indicateurs de difficultés économiques, Paul Zahlen note une augmentation entre 2008 et 2009 : le taux des ménages ayant des difficultés à faire face à des dépenses imprévues est passé de 19,6 % à 25,4 %. Avec ce taux, le Luxembourg se situe un peu en-dessous de la moyenne de l’UE-15 qui est de 31,4 %.
Là encore, le statisticien relève que les ménages dont le revenu se situe en-dessous du seuil de risque de pauvreté sont beaucoup plus concernés : au Luxembourg, 65,1 % de ces ménages ont des difficultés à faire face à des dépenses imprévues. Le Luxembourg dépasse même la moyenne de l’UE-15 qui est de 62,1 % pour ce type de ménages.
La part des ménages ne pouvant pas se payer une semaine de vacances loin du domicile est passée de 10 % en 2006 à 14 % en 2009. Là encore, ce sont les ménages à risque de pauvreté qui sont les plus concernés par cette privation : en 2009, 45 % des ménages dont le revenu se situe en-dessous de 60 % du revenu médian ne peuvent s’offrir des vacances loin du domicile, alors que c’est le cas pour seulement 9 % des ménages qui ne rentrent pas dans cette catégorie.
Paul Zahlen estime néanmoins que les ménages luxembourgeois s’en tirent mieux que leurs homologues européens en moyenne. Le taux pour les "non-pauvres" privés de vacances atteint 24,8 % dans l’UE-15 et 54,4 % dans les nouveaux Etats-membres. Pour les ménages "pauvres" les taux sont de 62 % dans l’UE-15 et de 88,2 % dans les NEM-12.
Seulement 1,3 % des ménages luxembourgeois affirment qu’ils sont dans l’incapacité de s’offrir un repas comportant de la viande, du poulet ou du poisson (ou un équivalent végétarien) un jour sur deux. Avec le Danemark et les Pays-Bas, le Luxembourg est le pays le mieux situé dans l’UE. Dans l’UE-15 il y a 5,7 % de ménages s’imposant des restrictions alimentaires et dans les nouveaux Etats membres, cette proportion atteint même 20,4 % des ménages.
Les ménages à risque de pauvreté sont nettement plus concernés que les autres : 5,6 % contre 0,6 %. Mais même les ménages à risque de pauvreté luxembourgeois s’en tirent bien par rapport à la moyenne européenne où ce sont 15,9 % des ménages dans l’UE-15 et même 41,8 % dans les nouveaux Etats membres qui se restreignent au niveau alimentaire.
Au Luxembourg, 35,6 % des ménages considèrent les charges liées au coût du logement comme lourdes. La tendance était plutôt à la hausse entre 2005 et 2007, cette proportion étant passée de 28,6 % en 2005 à 3,4 % en 2007, mais elle semble se stabiliser depuis. Comme pour les autres indicateurs concernant les difficultés économiques, les ménages à risque de pauvreté sont largement plus nombreux que les autres à mentionner la lourdeur de cette charge : 66,4 % pour les ménages "pauvres", contre 30,2 % pour les "non-pauvres".
En matière de perception de la lourdeur de la charge du coût du logement, les ménages du Luxembourg sont, contrairement aux autres indicateurs concernant les difficultés économiques, moins bien lotis que les ménages du reste de l’UE : dans l’UE-15, 31,7 % des ménages affirment que la charge du coût du logement est lourde.
Ce sont plus particulièrement les ménages "pauvres" qui ressentent cette charge : 66,4 % de ces ménages au Luxembourg considèrent que la charge liée au coût du logement est lourde alors que ce taux n’est que de 48,7 % pour les ménages pauvres de l’UE-15.
Paul Zahlen précise ce sont les ménages avec enfants et plus particulièrement les ménages monoparentaux qui expriment le plus de difficultés dans ce domaine A titre d’exemple, il note qu’au Luxembourg 29 % des personnes vivant seules disent avoir de lourdes charges de logement. Pour les parents seuls avec enfants dépendants, cette part passe à 57,3 %. Et, contrairement aux autres types de famille, l’écart par rapport à la moyenne européenne - la moyenne dans l’UE-15 est de 45,3 % - est important.
Pourtant, la part du coût du logement dans le revenu disponible des ménages au Luxembourg se situe, avec 13,6 %, largement en-dessous de la moyenne européenne, qui est de 23,2 % dans l’UE-15. Pour les ménages "pauvres", la part du coût du logement passe à 28 %, mais continue de se situer assez loin de la moyenne dans l’UE-15, qui est de 41,7 % pour les ménages pauvres.