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Agriculture, Viticulture et Développement rural
1er rapport de la Cour des comptes européenne sur le régime de paiement unique (RPU) dans le cadre de la PAC - La mise en œuvre du RPU a entraîné l'émergence d'éléments "contestables"
29-06-2011


La Cour des Comptes européenneLe régime de paiement unique (RPU) est le principal mécanisme permettant d'apporter un soutien financier aux exploitants agricoles de l'UE. Il a pour objectifs d’encourager les exploitants agricoles à mieux répondre à la demande du marché et de promouvoir des pratiques agricoles respectueuses de l’environnement. Le RPU est actuellement appliqué dans 17 des 27 États membres de l’UE. En 2009, les dépenses correspondantes se sont élevées à quelque 28,8 milliards d’euros et constituent le poste de dépenses budgétaires le plus important de l'UE. Le Luxembourg, où le RPU a été introduit en 2005,  est concerné au titre de quelques 35 millions d’euros

Le rapport de la Cour des comptes européenne vient de publier porte essentiellement sur les bénéficiaires de la politique, sur les conditions d’accès au régime et sur la définition des terres éligibles.

La Cour a également examiné dans quelle mesure le régime contribue à la réalisation des objectifs consistant à soutenir le revenu des exploitants agricoles et à maintenir les terres dans de bonnes conditions agricoles et environnementales.

La Cour relate, comment, en 2008, la Commission et le Conseil ont engagé une révision de la PAC, dite "bilan de santé". Il a été reconnu au cours de ce processus que l’aide au titre du RPU ne devait pas être octroyée à "une personne physique ou morale dont les activités agricoles ne constituent qu’une part négligeable de l’ensemble de ses activités économiques ou dont l’activité principale ou l’objet social n’est pas l’exercice d’une activité agricole". Or, constate la Cour, "aucun État membre n’a encore appliqué ce principe pour mieux cibler les bénéficiaires du RPU". Mais elle relève néanmoins que "certains États membres s’efforcent de réserver l’aide au titre du RPU à des catégories d’exploitants agricoles déterminées." Et elle cite "à titre d’exemple" le Luxembourg qui "exige des demandeurs qu’ils disposent des machines ou de l’équipement agricoles nécessaires".

Elle a aussi constaté que l’accès au RPU a parfois été restreint pour les nouveaux bénéficiaires potentiels.

En outre, les critères d’éligibilité des terres n’étaient pas suffisamment clairs et le seuil d’activité agricole minimale était parfois réduit au point de ne plus exiger d’activité du tout.

Les paiements directs, qui comprennent le RPU et l’aide couplée, constituent une part importante du revenu agricole. La Cour constate que la majeure partie de l’aide est versée à un petit nombre de gros bénéficiaires, tandis que la grande majorité des bénéficiaires ne reçoivent chacun qu’une aide d’un montant peu élevé.

Le bénéfice de l’aide au titre du RPU est subordonné au respect des obligations en matière de conditionnalité. Toutefois, la Cour a constaté l’absence de lien direct entre l’aide au titre du RPU et les coûts supportés par les exploitants agricoles pour respecter ces obligations. De même, il est impossible d’établir une corrélation entre cette aide et les externalités publiques positives résultant des activités agricoles.

Plusieurs possibilités (ou «modèles») ont été offertes aux États membres pour la mise en œuvre du RPU. Le choix d’un modèle particulier a eu une incidence considérable sur la répartition de l’aide au sein des États membres (entre les différents exploitants agricoles). En conséquence, le RPU est actuellement un régime qui n’est pas suffisamment ciblé pour permettre de soutenir le revenu des exploitants agricoles.

La plupart des États membres ayant introduit le RPU ont opté pour le modèle historique; en l’occurrence, les montants de l’aide sont essentiellement déterminés sur la base de paramètres établis entre 2000 et 2002, qui ne reflètent plus l’activité actuelle. Lorsque les autorités des États membres n’imposent pas les restrictions nécessaires, ce modèle peut également donner lieu à des transferts à des fins spéculatives et à une accumulation de droits au paiement par les bénéficiaires.

Le modèle régional favorise une répartition plus équitable de l’aide. Cependant, il a été démontré que ce modèle renforce la "capitalisation" de l’aide dans le prix et le loyer de la terre. Cette capitalisation existe dans tous les systèmes d’aide fondés sur la surface des terres exploitées, mais davantage encore dans le mode régional de mise en œuvre du RPU.

Le Luxembourg a quant à lui opté pour un modèle régional hybride qui permet de réduire la composante historique de la valeur des droits au paiement et donc d’ajuster ces derniers en les rapprochant des valeurs régionales.

La mise en œuvre du régime de paiement unique a entraîné l'émergence d'éléments "contestables".

D’une manière générale, la Cour des comptes est d’avis que le RPU a contribué à la réalisation des objectifs de la PAC, notamment en encourageant les exploitants agricoles à mieux répondre à la demande du marché et en soutenant globalement le revenu dans le secteur agricole. Cependant, la conclusion générale de l'audit est que la mise en œuvre du régime a entraîné l'émergence d'éléments que la Cour juge "contestables" :

  • la définition des bénéficiaires du régime a été formulée, puis appliquée, de telle manière que des personnes ou entités n'exerçant aucune activité agricole ou qu'une activité agricole marginale ont pu bénéficier de paiements au titre du RPU. La Cour a relevé des cas où ce système a favorisé les investissements de la part d’opérateurs qui ne s'intéressent guère à l’agriculture en tant qu’activité, mais qui profitent des rendements garantis que leur offre le RPU;
  • dans certains États membres, l'entrée de nouveaux exploitants dans le secteur agricole est souvent freinée par les conditions actuelles d'accès aux droits au paiement (pouvant nécessiter des investissements substantiels);
  • la définition des notions de terres éligibles à l'aide de l'UE et d'activité agricole éligible est vague. Par conséquent, les exploitants agricoles peuvent recevoir des paiements sans avoir à exercer une quelconque activité d’entretien; en outre, il n'existe pas de lien direct entre le niveau de l’aide octroyée au titre du RPU et les coûts supportés pour maintenir les terres dans de bonnes conditions agricoles et environnementales;
  • quelque 20 variantes du RPU sont actuellement appliquées dans l'UE. Dans le cadre de la principale variante (le modèle historique), le montant de l'aide est calculé sur la base de celui perçu par les exploitants agricoles entre 2000 et 2002. Avec le temps, les paiements ont été dissociés des conditions d'exploitation actuelles des différentes régions; (à noter que le Luxembourg a opté pour la variante "modèle hybride statique")
  • le RPU profite essentiellement à quelques grands bénéficiaires.

Les recommandations de la Cour des comptes

A partir de ces éléments, la Cour a formulé un certain nombre de recommandations que la Commission est invitée à prendre en considération pour garantir une meilleure gestion financière du RPU, notamment:

  • octroyer l'aide aux exploitants agricoles "en activité";
  • définir les terres éligibles et les activités agricoles de manière plus précise, afin d’exclure les activités qui ne contribuent pas à augmenter la productivité agricole ainsi que les parcelles non consacrées à l'agriculture;
  • tenir compte du coût des activités qui contribuent de manière positive à la préservation ou à l’amélioration de l’environnement;
  • calculer la valeur des droits en tenant compte des conditions d'exploitation du moment dans les différentes régions de l'UE;
  • une répartition plus équilibrée de l'aide entre les différents exploitants agricoles.