Le 28 juin 2011, le Président du Conseil européen Herman Van Rompuy et le Président de la Commission européenne José Manuel Barroso sont venus présenter aux députés européens les résultats du sommet européen de la semaine dernière. L'économie, la situation de la Grèce et des autres pays endettés et la possible réintroduction de contrôles à l'intérieur de l'espace Schengen ont été débattues.
La gouvernance économique européenne a suscité quant au fond moins de ripostes de la part des députés européens que la manière dont le Conseil européen a abordé ces questions. Si le PPE était, selon le président de son groupe parlementaire, Joseph Daul, satisfait avec les résultats du Conseil européen, avec la force de l’euro et la compétitivité de l’UE, le chef du groupe socialiste, Martin Schulz, a quant à lui mis en cause la domination "de quelques agences de notation de crédit à New York" sur les questions liées à la crise. Pour lui, les mesures imposées à la Grèce sont le fait - indirect - des agences de notation. Enfin, il s'est dit sceptique sur la prétendue unanimité des Etats européens, en particulier en ce qui concerne un mécanisme automatique de sanctions en cas de déficit public excessif. Il a reproché aux chefs d’Etat et de gouvernement de légiférer au lieu de décider des grandes orientations, comme cela est prévu par le traité européen. Le leader des libéraux, Guy Verhofstadt, est allé dans le même sens, et s’est moqué de l’idée que les Etats membres puissent être capables de décider d’éventuelles sanctions contre un de leurs pairs.
Mais c’est la restauration des contrôles aux frontières intérieures de l'espace Schengen qui a suscité les foudres de la grande majorité des groupes politiques et des députés.
Joseph Daul du PPE fut encore modéré en déclarant de manière appuyée que "Schengen est un des piliers des plus stables de l’intégration", mais que "la suppression des contrôles aux frontières intérieures exige une grande confiance entre les Etats"
Le socialiste Martin Schulz a mis en exergue le gouffre qui existe entre les déclarations du Premier ministre polonais, Donald Tusk, dont le pays occupera la présidence tournante du Conseil lors du second semestre de 2011, et qui a déclaré que "la liberté de circulation est un bien commun des citoyens européens qu’il faut défendre contre toutes les contestations" et l’idée du président français Nicolas Sarkozy qu’il faut "contrôler la liberté de circulation". "Où est ici l’approche cohérente du Conseil européen ?" L’interrogation a été lancée par Martin Schulz.
Le leader libéral Guy Verhofstadt a été plus virulent. Il a déclaré que les deux possibilités qui existent déjà dans les règles qui gèrent l’espace Schengen d’instaurer des contrôles temporaires aux frontières intérieures – des menaces graves pesant sur l’ordre public ou la sécurité intérieure d’in Etat membre – étaient bien suffisantes. "Vous n’allez pas sauver Schengen, mais tuer Schengen, et avec Schengen, vous allez tuer l’idée de l’intégration européenne", a fulminé le leader libéral. Comme les socialistes et les Verts, il est convaincu que le Parlement européen ne va permettre à ce qu’une troisième possibilité,- celle du défaut dûment constaté par la Commission d’un Etat membre dans sa capacité d’assurer la gestion des frontières extérieures – puisse être instaurée et il n'approuvera jamais aucune restriction à la liberté de circulation. Ce sont selon lui les frontières extérieures de Schengen qu’il faudrait renforcer, et une politique commune d’immigration qu’il faudrait décider et mener, plutôt que d’introduire de nouvelles possibilités de contrôle aux frontières intérieures. Preuve en est la manière dont l’UE a réussi en 1999 à gérer l’afflux de 300 000 Kosovars, avec une politique solidaire et sans invoquer des exceptions aux règles de Schengen.
Les Verts, à travers Rebecca Harms, ont mis en garde contre un démantèlement de Schengen et ont signalé qu’ils feront tout pour que sur cette question, le Parlement européen reste dans le processus de codécision, car pour eux, il est évident que les chefs d’Etat et de gouvernement veulent exclure le Parlement européen du processus de décision.
L’eurodéputé socialiste luxembourgeois Robert Goebbels, qui est un des signataires historiques des accords de Schengen en juin 1985, s’est lui aussi exprimé lors du débat. Il s’insurge contre l’idée que l’on veuille contrôler la liberté de circulation. "Le moins qu'on puisse dire c'est que les deux présidents n'ont pas convaincu. Le fait est que le Conseil européen semble vouloir tout et son contraire", déclare-t-il dans un communiqué.
Ainsi "l'espace Schengen est présenté comme un des plus grands acquis communautaires et la libre circulation serait préservée". Mais en même temps, « la Commission veut introduire une clause de sauvegarde. Pour le dire dans les mots alambiqués du président Sarkozy, la clause de sauvegarde permettrait 'de contrôler cette liberté de circulation'."
"De qui se moque-t-on?", demande alors Robert Goebbels qui salue le fait que tous les des grands groupes politiques "ont souligné que le Parlement européen ne laissera pas démanteler Schengen".
Robert Goebbels, qui a rappelé lors de son intervention les textes, et notamment l'article 77 qui impose "l'absence de tout contrôle des personnes quelle que soit leur nationalité, lorsqu'elles franchissent les frontaliers intérieures", est particulièrement contrarié par le fait que sa question si le Conseil entendait changer le traité n'ait pas eu réponse de la part de MM. Barroso et Van Rompuy. Sa conclusion : "L'épisode montre la dérive populiste d'une partie des Etats membres, qui prônent des réformes inutiles pour des raisons de politique intérieure. Le Parlement européen, le débat l'a montré, s'y opposera."