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Fiscalité
Selon l’ABBL, l’accord fiscal trouvé entre l’Allemagne et la Suisse "change fondamentalement le débat sur la fiscalité de l’épargne dans toute l’Union européenne"
11-08-2011


La Suisse et de l'Allemagne ont achevé le 10 août 2011 les négociations sur des questions fiscales en suspens et ont apposé leurs paraphes sur un accord fiscal. Un dossier que suivait de près le Luxembourg dans le cadre des discussions qui ont lieu au Conseil sur la refonte de la directive sur la fiscalité de l’épargne.

L’accord germano-suisse prévoit que les personnes domiciliées en Allemagne peuvent régulariser leurs relations bancaires en Suisse, soit en acquittant un impôt supplémentaire unique, soit en révélant leurs comptes. À l'avenir, les rendements et les bénéfices réalisés par les clients allemands des banques seront soumis en Suisse à un impôt libératoire dont le produit sera versé par la Suisse aux autorités allemandes. Par ailleurs, l'accès mutuel au marché sera amélioré pour les prestataires de services financiers. Cet accord sera signé au cours des semaines prochaines par les gouvernements concernés et pourrait entrer en vigueur au début de 2013.

Le texte de l'accord paraphé par les négociateurs entend respecter d’une part la protection de la sphère privée des clients bancaires, et garantir d’autre part le recouvrement de créances fiscales justifiées. Les deux parties considèrent que le système convenu est équivalent à l'échange automatique de renseignements pour ce qui est des rendements de capitaux.

Si le texte complet de l'accord ne sera publié qu’après la signature des deux gouvernements, un certain nombre d’éléments de l’accord ont été rendus publics dès le 10 août 2011 :

  • Impôt libératoire pour l'avenir : les futurs bénéfices en capital et les rendements de capitaux seront frappés directement d'un impôt libératoire. Le taux unique de l'impôt a été fixé à 26,375 %. Il correspond au taux de l'impôt libératoire applicable en Allemagne. L'impôt libératoire est un impôt à la source; après son paiement, l'obligation fiscale envers l'État de domicile est remplie.
  • Pour éviter le placement en Suisse de nouveaux capitaux non imposés, les parties ont convenu un mécanisme de garantie permettant aux autorités allemandes de déposer des demandes de renseignements qui doivent préciser le nom du client, mais pas obligatoirement celui de la banque. Le nombre de ces demandes est limité et elles doivent se fonder sur des faits plausibles. Pour commencer, ce nombre doit être compris entre 750 et 999 pour une période de deux ans; il sera adapté ensuite en fonction des résultats. La pêche aux renseignements (Fishing Expeditions) est exclue.
  • Imposition pour le passé : pour acquitter après coup l'impôt sur leurs relations bancaires en Suisse, les personnes domiciliées en Allemagne pourront une seule fois acquitter un impôt forfaitaire. Le taux de cet impôt est compris entre 19 et 34 % du montant du capital placé en Suisse; il est fixé en fonction de la durée de la relation bancaire, du montant initial et du montant final du capital. Au lieu d'acquitter un tel impôt, les personnes concernées peuvent révéler aux autorités allemandes leur relation bancaire en Suisse.
  • La Suisse et l'Allemagne ont décidé de faciliter l'accès des instituts financiers à leur marché respectifs. En particulier, l'exécution de la procédure d'exonération ("Freistellungsverfahren") sera simplifiée pour les banques suisses en Allemagne et l'obligation de nouer des relations bancaires par l'intermédiaire d'un institut sur place sera supprimée. La problématique de l'achat de données pertinentes pour l'impôt a aussi été résolue. Quant à la solution de la problématique de la poursuite pénale contre les employés des banques, elle fait partie du train de mesures adopté.
  • Pour garantir un produit minimal de l'imposition pour le passé, d'une part, et pour manifester clairement leur volonté d'appliquer l'accord, les banques suisses se sont engagées à fournir une garantie d'un montant de 2 milliards de francs. Cette garantie sera compensée ensuite par les impôts perçus et remboursée aux banques.

Pour l’ABBL, "l’Allemagne entérine un modèle d’imposition alternatif à l’échange automatique d’informations, ce qui change fondamentalement le débat sur la fiscalité de l’épargne dans toute l’Union européenne"

Au Luxembourg, l’ABBL a réagi sans tarder, soulignant dans un communiqué que, par cet accord, "le plus grand pays de l’Union Européenne accepte le principe d’une retenue à la source libératoire sur les revenus de l’épargne transfrontalière". L’ABBL en conclut donc que "l’Allemagne entérine un modèle d’imposition alternatif à l’échange automatique d’informations, ce qui change fondamentalement le débat sur la fiscalité de l’épargne dans toute l’Union européenne".

L’ABBL, qui se dit "convaincue que cette évolution permettra d’avancer vers un accord général qui réconcilie l’intérêt de l’Etat et la protection de la sphère privée dans l’UE", annonce qu’elle analysera avec soin et dans le détail les termes de l’accord une fois connus.

Dans un commentaire publié dans le Luxemburger Wort daté du 11 août 2011, le journaliste Pierre Leyers explique en effet que cet accord permet aux contribuables allemands investissant en Suisse de continuer à rester anonymes, même s’ils doivent s’acquitter d’un impôt libératoire auprès du Fisc allemand.

"Par cet accord, la Suisse échappe à l’échange automatique d’informations que réclame l’UE et conserve ainsi son légendaire secret bancaire", résume l’observateur luxembourgeois qui relève que cet accord pourrait servir de modèle et d’argument pour le Luxembourg. "Pourquoi le Luxembourg devrait-il passer à l’échange automatique d’information sous la pression de l’UE – et renoncer ainsi à son secret bancaire – alors que la Suisse peut conserver le sien avec le consentement de l’Allemagne et de la Grande-Bretagne ?", s’interroge en effet le journaliste.