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Justice, liberté, sécurité et immigration
Selon Yves Bot, les périodes de séjour accomplies sur le territoire d’un État membre conformément au droit national doivent être prises en compte dans le calcul de la durée de séjour d’un citoyen de l’UE aux fins de l’acquisition d’un droit de séjour
Pour l’avocat général de la CJUE, de telles périodes de séjour accomplies avant l’adhésion de l’État d’origine d’un citoyen à l’Union doivent également être prises en considération dans le calcul afin d’acquérir ce droit
14-09-2011


La directive relative à la libre circulation des personnes (2004/38/CE) détermine comment et sous quelles conditions les citoyens européens peuvent exercer leur droit de libre circulation et de séjour sur le territoire des États membres.

Elle met en place un système à trois niveaux, chaque niveau étant fonction de la durée de séjour sur le territoire de l’État membre d’accueil. Tout d’abord, elle prévoit qu’un citoyen de l’Union a le droit de séjourner sur le territoire de l’État membre d’accueil pour une période allant jusqu’à trois mois, sans autres conditions particulières. CJUE

Ensuite, l’acquisition d’un droit de séjour de plus de trois mois est subordonnée au respect de certaines conditions. Pour en bénéficier, le citoyen de l’Union doit, notamment, être un travailleur salarié ou non salarié dans l’État membre d’accueil ou disposer, pour lui et les membres de sa famille, de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale de cet État, et d’une assurance complète dans ledit État.

Enfin, la directive instaure un droit de séjour permanent, non soumis aux conditions qui précédent, en faveur des citoyens de l’Union ayant séjourné légalement pendant une période ininterrompue de cinq ans sur le territoire de l’État membre d’accueil.

M. Ziolkowski (Affaire C-424/10) et Mme Szeja (Affaire C-425/10), ressortissants polonais, sont arrivés en Allemagne avant l’adhésion de la Pologne à l’UE, respectivement en 1988 et 1989. Conformément au droit allemand, ils ont obtenu un droit de séjour pour des raisons humanitaires. Leur droit de séjour a été prorogé régulièrement pour les mêmes raisons. Après l’adhésion de la Pologne à l’UE, ils ont sollicité un droit de séjour permanent auprès des autorités allemandes compétentes. Suite au refus qui leur a été opposé faute d’avoir un travail ou d’être en mesure de prouver qu’ils disposaient de ressources propres suffisantes, ils ont formé un recours devant les tribunaux allemands compétents.

Le Bundesverwaltungsgsgericht (Cour fédérale administrative), saisi du litige, demande, en substance, à la Cour de justice si des périodes de séjour accomplies sur le territoire de l’État membre d’accueil conformément au seul droit national – y compris avant l’adhésion de la Pologne à l’Union – peuvent être considérées comme des périodes de séjour légal au sens du droit de l’Union et être ainsi prises en considération dans le calcul de la durée de séjour du citoyen de l’Union aux fins d’acquisition d’un droit de séjour permanent.

Les conclusions de l’avocat général

Tout d’abord, l’avocat général Yves Bot rappelle que les dispositions édictées par la directive relative à la libre circulation des personnes ne portent pas atteinte aux dispositions nationales plus favorables. Tel est notamment le cas d’un droit de séjour délivré pour des raisons humanitaires, sans que soit pris en considération le niveau de ressources de la personne concernée. Dès lors, même si la directive ne précise pas que ces dispositions nationales plus favorables sont exclues du mécanisme de l’acquisition du droit de séjour permanent, il semble que la directive les a, en réalité implicitement peut être, mais néanmoins nécessairement, validées au titre du mécanisme en question.

Ensuite, l’avocat général considère que les dispositions de la directive ne sauraient être interprétées de façon restrictive et ne doivent pas, en tout état de cause, être privées de leur effet utile. Or, la volonté du législateur de l’Union est d’arriver, pour les citoyens de l’Union qui remplissent les conditions d’acquisition du droit de séjour permanent, à une égalité totale avec les ressortissants nationaux. Il part du principe que, après une période suffisamment longue de résidence sur le territoire de l’État membre d’accueil, le citoyen de l’UE a développé des liens étroits avec cet État et est devenu partie intégrante de sa société. Il ne peut être contestable que telle est la situation qui se forme lorsque les liens entre l’individu et l’État membre d’accueil se créent dans le cadre de relations de solidarité humanitaire, ce qui est le cas en l’espèce.

L’avocat général précise également que le degré d’intégration du citoyen de l’Union ne dépend pas du fait de savoir si son droit de séjour provient du droit de l’Union ou bien du droit national. En outre, son degré d’intégration ne dépend pas non plus de sa situation matérielle dès lors que celle-ci a été prise en compte et gérée par l’État membre d'accueil pendant une période supérieure à celle fixée par la directive (à savoir 5 ans), ce qui a constitué précisément une manifestation de son intégration.

Enfin, l’avocat général considère que la directive relative à la libre circulation des personnes édicte des règles qui s’imposent aux États membres et qui feront que celles-ci une fois remplies, ces Etats ne pourront pas s’opposer à la reconnaissance du droit de séjour permanent. En même temps, et compte tenu de sa finalité, cette directive n’empêche pas les États de prévoir des règles propres plus favorables, susceptibles d’accélérer le processus d’intégration et de cohésion sociale.

Par conséquent, l’avocat général propose à la Cour d’interpréter la directive en ce sens que les périodes de séjour accomplies sur le territoire de l’État membre d’accueil conformément au seul droit national doivent être prises en considération dans le calcul de la durée de séjour du citoyen de l’Union aux fins de l’acquisition d’un droit de séjour permanent sur ce territoire.

En dernier lieu, la Cour est invitée à répondre que de telles périodes de séjour accomplies par un citoyen européen avant que son État d’origine n’adhère à l’Union doivent également être prises en considération dans le calcul aux fins de l’acquisition d’un droit de séjour permanent.

Rappel - Les conclusions de l'avocat général ne lient pas la Cour de justice. La mission des avocats généraux consiste à proposer à la Cour, en toute indépendance, une solution juridique dans l'affaire dont ils sont chargés. Les juges de la Cour commencent, à présent, à délibérer dans cette affaire. L'arrêt sera rendu à une date ultérieure.