De nouvelles règles destinées à mettre fin aux pratiques abusives sur le marché de l'énergie de gros et, par conséquent, à protéger le consommateur final, ont été adoptées en première lecture par le Parlement européen le 14 septembre 2011. Les échanges commerciaux d'énergie de gros seront désormais contrôlés de manière indépendante sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne, afin de permettre aux États membres d'empêcher et de sanctionner les pratiques anticoncurrentielles.
Le règlement de l'UE sur l'intégrité et la transparence du marché de gros de l'énergie (REMIT) - adopté par 616 voix pour, 26 contre et 24 absentions - s'applique aux échanges de produits énergétiques de gros au sein de l'Union, couvrant les contrats et produits dérivés liés à la fourniture et au transport du gaz naturel et d'électricité.
Les nouvelles règles, qui se basent sur un accord trouvé entre Parlement et Conseil suite à une proposition de la Commission européenne de décembre 2010, interdisent l’utilisation illicite d’informations privilégiées et les pratiques de manipulations de marché, alors que les sanctions nationales pour infraction au règlement devront refléter le dommage subi par les consommateurs.
"Nous voulons que les prix soient transparents pour les consommateurs, et malheureusement, il existe trop d'accords payés en fin de compte par les consommateurs avec un prix de l'énergie beaucoup trop élevé, c'est quelque chose qui touche fortement l'emploi et la croissance. L'Europe a besoin d'un marché de l'énergie plus transparent qui ne souffre pas de pratiques abusives, et c'est justement l'objectif de ce règlement", a déclaré le rapporteur Jorgo Chatzimarkakis (ALDE) pendant le débat qui a eu lieu à la veille du vote.
L'agence de coopération des régulateurs de l’énergie (ACER) assurera le contrôle des accords commerciaux, et fournira les informations aux États membres de l'Union afin qu'ils puissent enquêter sur les infractions au règlement et mettre en place des solutions. En vue de trouver un équilibre entre les pouvoirs de l'ACER et ceux des régulateurs nationaux, le directeur de l'Agence devra consulter ces derniers pour des questions liées à REMIT mais ne sera pas tenu par leurs opinions.
À la demande du Parlement, un registre européen sera créé. Il se basera sur les registres nationaux et reprendra l'ensemble des opérateurs en matière d'énergie. Aucun participant ne pourra effectuer une transaction tant qu'il ne sera pas enregistré.
D’après l’eurodéputé luxembourgeois Robert Goebbels, rapporteur de la commission ECON sur le dossier, il était connu de longue date que le marché européen du gaz et de l’électricité connaissait des manipulations, entente sur les prix ou encore délits d’initiés. Le journaliste Guy Kemp rapporte ainsi dans l’édition du Tageblatt datée du 15 septembre quelques exemples cités par l’eurodéputé socialiste. Des exemples qui ont en commun un surcoût pour l’utilisateur final… Aussi, on comprend que Robert Goebbels se réjouisse des contrôles prévus par ce règlement, et de l’obligation pour les entreprises actives dans ce secteur de s’enregistrer.
Claude Turmes, qui a expliqué à RTL.lu que le marché n’était jusqu’ici surveillé qu’au niveau national, s’est réjoui lui aussi d’un règlement qui va permettre aux Etats membres de demander à l’Agence des données afin de prévenir toute manipulation. En plénière, où il est intervenu au nom du groupe des Verts, Claude Turmes a salué les efforts faits de la part de la Commission, du Parlement et du Conseil pour faire avancer les choses : "REMIT est un véritable progrès", estime en effet Claude Turmes qui voit dans le compromis trouvé "un résultat tout à fait honnête".
Robert Goebbels regrette cependant l’absence de sanctions communes en cas de manipulation. La faute en revient selon lui au Etats membres qui ont refusé l’introduction de sanctions européennes communes dans de tels cas. "Le texte que nous allons voter est un compromis entre les deux branches législatives et, comme d’habitude, le Conseil a été moins ambitieux que le Parlement européen", plaidait-il ainsi en plénière à la veille du vote. "J’aurais vraiment préféré des sanctions plus musclées, notamment au niveau européen, et non pas uniquement des sanctions “effectives, proportionnées et dissuasives”. L’expérience nous dira si les sanctions, qui resteront nationales, seront suffisantes", expliquait-il à ses pairs. L’eurodéputé socialiste craint en effet que les manipulations n’aient justement lieu dans les pays où les peines prévues dans de tels cas sont les moins lourdes.
Un regret partagé par Claude Turmes qui a appelé la Commission à la vigilance au regard de l’application que les Etats membres feront de ce règlement. L’eurodéputé écologiste met en garde contre un possible "dumping parlementaire".
Autre regret exprimé par Robert Goebbels, le fait que le Parlement, qui revendiquait plus de personnel et des moyens financiers pour l’autorité de régulation de l’énergie, n’ait pu obtenir gain de cause. Le Conseil ne voulait pas aller au-delà de la déclaration d’intention.
Là encore, Claude Turmes est sur la même ligne, l’ACER devenant en effet une sorte d’arbitre européen dotée à ses yeux d’un personnel bien trop réduit pour pouvoir faire autre chose que du contrôle automatique. Il s’agit donc de veiller à ce que cette autorité bénéficie des moyens nécessaires pour pouvoir mener des analyses préliminaires.