Le Conseil "Justice et affaires intérieures" qui tient à Luxembourg une session de deux jours, les jeudi 27 et vendredi 28 octobre 2011, a débattu le jeudi sous la présidence de Jerzy Miller, ministre polonais de l'Intérieur, sur l'état d'avancement des travaux relatifs au régime d'asile européen commun. Les ministres ont également eu une discussion sur l'examen des progrès accomplis dans la mise en œuvre du plan d'action national de la Grèce pour la réforme du droit d'asile et la gestion des migrations, notamment en provenance de Turquie, ainsi que sur la situation migratoire de l'Europe du Sud et du Sud-Est. C’est de ces derniers points, qui intéressent particulièrement le Luxembourg, que le ministre de l’Immigration, Nicolas Schmit, qui a participé pour le Luxembourg au Conseil, a rendu compte lors d’une rencontre avec la presse.
La Grèce voit arriver quotidiennement plus de 300 personnes qui franchissent la frontière turque et demandent l’asile politique. Cela met le pays, qui est en crise, dans une situation difficile tant du point de vue financier que sécuritaire. D’un côté, on exige de la Grèce qu’elle respecte des normes humanitaires strictes pour l’accueil de ces réfugiés, et d’un autre côté, la troïka lui octroie des économies budgétaires qui ont pour effet entre autres la réduction des effectifs des personnels chargés de cet accueil et des installations nécessaires. Pour l’agence Frontex, la frontière turque est pourtant actuellement le point le plus vulnérable des frontières extérieures de l’UE et de l’espace Schengen.
D’autres incertitudes, liées aux développements de la rébellion arabe, sont venues s’ajouter au dossier. Que vont faire les réfugiés libyens, et surtout non-libyens qui ont quitté la Libye au cours de la guerre civile ? Que feront les Tunisiens ? La Syrie est un autre point sensible, avec la répression qui s’abat sur la population et qui conduit des milliers de personnes à franchir la frontière turque. Frontex constate que les voies traditionnelles de la migration sont en train de bouger. Un facteur important est la levée de l’obligation de visa vers la Turquie pour les citoyens des pays qui se sont libérés de leurs dictatures. La Turquie est de ce fait devenue pour de nombreux ressortissants nord-africains une voie d’entrée sur le continent européen et vers l’UE via la Grèce. En même temps, la Turquie ne réadmet pas les personnes en provenance de son territoire dont la demande d’asile politique a été rejetée par un Etat de l’UE. Et elle lie l’accord de réadmission que l’UE veut négocier avec elle à une levée de l’obligation de visa pour tous les citoyens turcs.
La deuxième frontière extérieure sensible de l’espace Schengen est la frontière hongroise. L’Autriche et la Slovénie, les premiers pays touchés par la faible gestion de cette frontière, ont beaucoup insisté ces dernières semaines pour que ce dossier soit abordé par le Conseil. La Hongrie a, selon Nicolas Schmit, reconnu au Conseil JAI que sa frontière connaît trop de franchissements illégaux en provenance des Balkans occidentaux et qu’elle accepte de recevoir l’aide de Frontex. A noter que la plupart des demandeurs d’asile qui affluent vers le Luxembourg depuis le printemps 2011 en provenance de Serbie et de Macédoine passent par cette frontière.
Confrontés à des situations difficiles à cause de l’afflux de personnes en provenance de Serbie, de Bosnie-Herzégovine, de Macédoine et du Kosovo, le Luxembourg – 1 400 personnes depuis janvier 2011 - et la Belgique – 4000 personnes – ont écrit une lettre commune à la commissaire en charge, Cecilia Malmström. Elle entend de son côté veiller à une action adéquate de Frontex à la frontière hongroise et mener, en coordination avec les Etats membres qui sont des pays cibles de ces migrations, un dialogue bilatéral avec les pays d’où partent ces migrations dans les Balkans occidentaux. Ce qu’elle a d’ailleurs fait une première fois en Macédoine, où elle a rencontré il y a deux semaines les responsables politiques compétents de la région. Il faut savoir que tout cela se déroule sur fond de discussions sur la levée de l’obligation de visas pour les Kosovars, une mesure qui risque de déclencher de nouvelles migrations massives.
Toutes les mesures de contrôles renforcés aux frontières extérieures envisagées à court ou à moyen terme s’avèrent néanmoins difficiles quant à leur efficacité, car selon le ministre Schmit, "les causes de ces migrations sont complexes".