L'événement a réuni des représentants des communautés religieuses et de conviction non-religieuse, professionnels des médias traditionnels ainsi que des experts, des universitaires et des représentants d'organisations internationales et des ONG. Le secrétaire général du Conseil de l’Europe, l’ancien Premier ministre norvégien Thorbjørn Jagland, et le vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères du Luxembourg Jean Asselborn ont tenu des discours d’ouverture le 28 novembre 2011 en présence de tous les participants et ils se sont ensuite adressés à la presse.
Pour le ministre Asselborn, la thématique abordée est au cœur de l’actualité mondiale et européenne, et sur un certain nombre de plans, l’Europe en souffre dans la mesure où les échanges entre personnes d’origine religieuse et non-religieuse sont de moins en moins acceptés et que les discours xénophobes se multiplient au point de provoquer des tragédies, comme en été 2011 en Norvège ou récemment en Allemagne. Roms et immigrés deviennent une cible de plus en plus fréquente d’un discours haineux, et "nous aussi, au Luxembourg, nous ne sommes pas complètement parés contre cette mentalité, comme le montrent certaines réactions contre des demandeurs d’asile". Or, selon Jean Asselborn, l’histoire du Luxembourg prouve qu’immigration séculaire et prospérité vont de pair.
Jean Asselborn s’est dit être "très sensible" au rapport commandé par le Conseil de l’Europe sur le "vivre ensembl",, rédigé par un groupe des sages présidé par l’ancien ministre des Affaires étrangères allemand, Joschka Fischer. Il a souligné qu’il ne s’agissait pas d’un rapport du Conseil de l’Europe, n’ayant pas été avalisé par le Comité des Ministres, et qu’il s’adressait aussi à l’UE. Il a aussi mis en évidence la proximité entre les idées du groupe des Sages qui a rédigé le rapport "Vivre ensemble" et les idées sur lesquelles travaillent les "Amis de l’Alliance des civilisations" dirigés par l’ancien président portugais Jorge Sampaio sous l’égide des Nations Unies. "Le 21e siècle a été assez dévastateur en termes de coexistence en Europe", pense Jean Asselborn, pour qui il est temps que "les cultures de l’Ouest et les cultures de l’Est fassent un pas réciproque l’une vers l’autre" afin qu’il y ait "un progrès vers une coexistence paisible". Et se tournant d’un air complice vers Thorbjørn Jagland, qui est aussi le président du comité du prix Nobel de la paix, tout en s’interdisant de faire du lobbying, Jean Asselborn a déclaré que pour le prix Nobel (de la paix), on devrait peut-être tenir compte des efforts de ceux qui veulent ainsi rapprocher les cultures.
Quant à Thorbjørn Jagland, il a expliqué qu’il ne suffisait pas de mettre en avant la diversité en Europe, mais aussi ce qui nous lie. "Si vous venez en Europe, vous avez le droit de vivre votre identité, et vous avez même le droit de vivre votre multiple identité, si c’est le cas. Mais vous devez aussi reconnaître les valeurs qui lient tout le monde en Europe, et celles-ci sont inscrites dans la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH)". Le rapport "Vivre ensemble" désigne les acteurs qui ont une responsabilité primordiale dans ce vivre-ensemble : les éducateurs et enseignants, les gens des médias, la société civile, les leaders religieux, les leaders politiques. Et ici, a-t-il insisté, "le problème ne sont pas les leaders et les partis extrémistes, mais le danger que les idées d’intolérance envahissent le centre, les partis politiques traditionnels". Il a regretté que nombre de conflits sont exagérés par les médias. Et les nouveaux médias "appauvrissent les gens" selon le secrétaire général, pour qui il est inacceptable que souvent, ceux qui interviennent dans des débats sur Internet, puissent garder leur anonymat.
Ce fut ensuite au tour d’Anne Brasseur, membre luxembourgeoise de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) et auteure d’un rapport sur "la dimension religieuse du dialogue interculturel", de défendre le point de vue selon lequel il faut d’abord regarder ce qui nous unit et non pas ce qui nous sépare des autres. "Toutes les religions doivent se soumettre aux valeurs du Conseil de l’Europe, aux droits de l’homme", telle est sa thèse. Pour elle, il faut par ailleurs approfondir le débat, notamment avec les médias, sur une éthique pour traiter les questions liées aux religieux et aux non-religieux. Les médias devraient devenir une partie de l’éducation formelle et informelle de la société. Des formations devraient être données aux acteurs des médias sur les stéréotypes religieux, ethniques, etc., afin de les éviter dans leurs produits. Le grand public devrait être lui aussi éduqué pour mieux utiliser l’Internet, et des initiatives dans ce sens devraient avoir lieu sur les deux rives de la Méditerranée. D’un autre côté, les communautés religieuses devraient développer le dialogue avec les non-croyants et les médias. Finalement, les communautés religieuses et les institutions humanistes ou de non-croyants devraient participer à la promotion des droits de l’homme et de la démocratie.
Interrogé sur les victoires électorales et la progression des islamistes en Afrique du Nord, Thorbjørn Jagland a déclaré que l’islam jouait indéniablement un rôle majeur dans ces sociétés. L’hypothèse qu’ils finiront par imposer la sharia et des régimes autoritaires existe bel et bien. Mais, pour Thorbjørn Jagland, il n’y pas moyen d’avancer dans cette région sans inclure ces mouvements. En Egypte, la majorité des islamistes sont selon lui en train d’adopter une approche modérée, et sans eux, il n’y a pas de démocratie possible là-bas. D’autre part, a-t-il insisté, il faut faire passer le message que sans les femmes, rien n’ira, que sans elles, la démocratie échouera, et finalement, que pour monter une démocratie, il ne s’agit pas de se référer seulement aux valeurs occidentales, mais aussi aux valeurs propres, et que dans tout cela, les droits de l’homme sont essentiels.
Anne Brasseur, qui a été en mission en Tunisie lors des élections législatives d’octobre 2011 s’est dite "pleine d’admiration pour le processus vers la démocratie en Tunisie" et, malgré la victoire du parti islamiste Ennahda, elle se dit "confiante", estimant que ce parti est moderniste, se voit lui-même comme un pendant islamique aux partis démocrates-chrétiens européens et veut une coalition avec d’autres partis. Et elle a rappelé un adage qu’elle a entendu en Tunisie et qui vaut dans toutes les directions : "Faites comme chez vous, mais n’oubliez pas que vous êtes chez nous".
A la fin de la conférence de presse, le secrétaire général, Thorbjørn Jagland, et le vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères du Luxembourg, Jean Asselborn, ont signé l’accord de siège instituant l’établissement à Luxembourg de l’Accord partiel élargi (APE) sur les Itinéraires Culturels. Les Itinéraires culturels constituent un outil idéal pour favoriser l’échange et l’enrichissement des cultures coexistant en Europe par delà les frontières et les siècles.
Alors que le programme des Itinéraires Culturels existe au sein du Conseil de l’Europe depuis 1987, un accord politique bilatéral entre le Conseil de l’Europe et le Grand-Duché a officiellement confié en 1997 le développement de ce programme à l’Institut européen des Itinéraires culturels (IEIC), installé au Luxembourg. Le 8 décembre 2010, un Accord Partiel Elargi (APE) du Conseil de l’Europe sur les Itinéraires culturels a vu le jour, permettant la participation d’Etats membres du Conseil de l’Europe ou d’Etats tiers. A ce jour, 14 Etats sont membres: Autriche, Azerbaïdjan, Bulgarie, Chypre, France, Grèce, Italie, Luxembourg, Monténégro, Norvège, Portugal, Russie, Slovénie et Espagne. L’objectif de 20 Etats membres fixé pour 2012 pourrait être atteint avec l’intérêt déjà manifesté de la Serbie, l’Allemagne, Saint-Marin, le Saint Siège et la Roumanie.
La mention d’Itinéraire culturel a dès lors été octroyée à 29 itinéraires, dont, entre autres, les chemins de Saint Jacques de Compostelle, la Via-Francigena ainsi que les Itinéraires Vauban et Wenzel, ou encore Transromanica et l’Itinéraire européen du patrimoine juif.