Le 9 novembre 2011, le député Marc Angel (LSAP) - qui est rapporteur pour le projet du projet de loi 6306 - a présenté en commission des Affaires étrangères et de l’Immigration de la Chambre des Députés du Grand-Duché de Luxembourg (CHD), des modifications pour la loi du 29 aout 2009 afin de transposer la directive 2009/50/CE aussi fidèlement que possible.
Ce projet de loi permettrait la création d’un titre de séjour sous la forme d’une "carte bleue européenne" qui pourrait être délivrée aux ressortissants d’un Etat tiers autorisés au séjour. En plus de cette carte de séjour, le projet de loi prévoit qu’un ressortissant d’un pays tiers, éligible à exercer un emploi hautement qualifié sur le territoire luxembourgeois, aura droit à une rémunération au moins égale à un seuil salarial d’une fois et demie le salaire annuel brut moyen ayant cours au Grand-Duché
Selon le communiqué de presse de la Chambre des députés, le nombre insuffisant de travailleurs hautement qualifiés entraîne un sérieux problème de compétitivité dans une économie globalisée. Comme le montrent de nombreuses statistiques, l’UE n'est pas très compétitive en matière d’attraction de tels travailleurs car ceux-ci préfèrent actuellement des destinations comme les Etats-Unis, le Canada, l’Australie ou encore la Suisse.
Pour la Chambre des députés, l’objectif est donc de devenir plus attractif afin d’attirer ces travailleurs hautement qualifiés. Dans cette optique, le Luxembourg transposera sous peu en droit national la directive 2009/50/CE du Conseil du 25 mai 2009 établissant les conditions d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d’un emploi hautement qualifié.
La loi luxembourgeoise du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration permettait déjà le recrutement de travailleurs hautement qualifiés sans que ceux-ci soient soumis à la procédure habituelle des travailleurs salariés (vérification de la priorité d’embauche et soumission de la demande à une commission consultative) le rappelle la Chambre.
La première proposition du projet de loi 6306 a été déposée par le ministre du Travail et de l’Immigration, Nicolas Schmit le 18 juillet 2011. Ce projet a fait l’objet de trois avis différents provenant des organes suivants : le Conseil d’Etat, la Chambre de commerce et la Chambre des salariés.
Le projet a été critiqué principalement par l’avis du Conseil d’Etat et par l’avis de la Chambre des salariés pour de nombreuses raisons.
Dans son avis du 11 octobre 2011, le Conseil d’Etat explique qu’au vu de la concurrence internationale dans le cadre des travailleurs hautement qualifiés, il indique sa préférence pour une durée de validité de trois ans pour la carte bleue européenne, en tenant compte que la directive permet d’opter pour une période de un à quatre ans. Le Conseil d’Etat concède que la fixation d’un quota maximal d’admission de ressortissants de pays tiers n’est pas nécessaire dans les conditions actuelles, mais indique cependant qu’il aurait été plus prudent de prévoir une telle disposition.
Dans le projet de loi à proprement dit, le Conseil d’Etat a approuvé la plupart des dispositions du projet de loi, respectivement a renoncé à formuler des observations particulières.
Dans son avis très détaillé, publié le 22 août 2011, la Chambre de Commerce (CCL) a déploré que la condition du salaire brut minimal à accorder au travailleur hautement qualifié ne soit pas connue actuellement. Elle salue que le gouvernement ait renoncé à la définition de volumes d’admissions mais regrette, contrairement au Conseil d’Etat, que le projet de loi ne prévoie pas une disposition relative aux offres d’emploi fermes.
De surcroît, la CCL critique l’exigence de la preuve d’un logement approprié, le fait que seul le travailleur hautement qualifié, et non l’employeur, est autorisé à introduire une demande de carte bleue, et finalement la durée de validité de la carte bleue européenne, qui selon la Chambre de Commerce devrait idéalement se situer à quatre ans.
Dans son avis du 11 octobre 2011, la Chambre des Salariés (CSL)a constaté qu’il manque une évaluation circonstanciée au niveau des Etats membres et de l'Union européenne sur l’emploi des ressortissants de pays tiers dans l’Union, le nombre d’autorisations de séjour accordées et rejetées, ainsi qu’une description des emplois qualifiés concernés et des raisons de la pénurie de main d’œuvre.
De nombreuses interrogations sont soulevées par la CSL à savoir, quelles sont les raisons pour cette pénurie de main d’œuvre dans l’UE et le Luxembourg et dans quels domaines en particulier. Une discrimination positive envers les travailleurs hautement qualifiés par rapport à ceux des pays tiers serait-elle envisageable ?
La CSL craint que "les autorisations de séjour à des ressortissants de pays tiers ne soient accordées de façon arbitraire et risquent de mettre en danger les acquis sociaux au Luxembourg comme dans les autres Etats membres" et conclut "qu’elle marque son désaccord avec le projet de loi".
Les nouvelles propositions du député socialiste Marc Angel en ce qui concernent le projet de loi 6306, qui font suite aux différents avis émis par la Conseil d'Etat, la Chambre de commerce et la Chambre des salariés, seront soumises rapidement au vote des députés réunis en session plénière.
La Chambre explique dans son communiqué que l’introduction de la "carte bleue" européenne s’inspire de la "green card" américaine. Ce titre de séjour pourra être délivré au ressortissant d’un pays tiers autorisé au séjour, sous condition que celui-ci puisse prouver qu’il dispose d’un logement approprié.
La durée de validité de la "carte bleue" européenne sera de 2 ans, sinon pour la durée du contrat de travail plus 3 mois, lorsque la durée du contrat de travail est inférieure à 2 ans. Les dispositions du projet de loi 6306 offriront aussi une meilleure mobilité aux travailleurs hautement qualifiés à l’intérieur de l’UE. Le droit de pouvoir se rendre dans un autre Etat membre en vue d’y exercer est prévu après 18 mois de séjour légal dans un premier Etat membre. Des conditions plus favorables au regroupement familial seront également instaurées.
Enfin, le ressortissant d’un pays tiers, éligible à exercer un emploi hautement qualifié sur le territoire luxembourgeois, aura droit à une rémunération au moins égale à un seuil salarial d’une fois et demie le salaire annuel brut moyen ayant cours au Grand-Duché. La détermination de ce seuil salarial se fera par règlement grand-ducal.