Dans la bataille juridique qu’ils ont engagée contre la loi sur l’aide financière pour études supérieures, les syndicats LCGB et OGBL ont décidé d’agir tant au niveau national qu’européen. La plainte déposée auprès de la Commission européenne pour non-respect des dispositions communautaires de la loi sur les aides financières pour études supérieures suit son cours depuis l’étape de mai 2011 et la réponse du ministre de l’Enseignement supérieur, François Biltgen, à la lettre de mise en demeure adressée par la Commission
Au niveau national, les syndicats ont invité leurs membres non résidents à déposer d’abord une demande d’aide pour études supérieures auprès du Centre de Documentation et d'Information sur l'Enseignement Supérieur (CEDIES ) pour en contester ensuite le non octroi devant le tribunal administratif. Depuis la fin 2010, les syndicats LCGB et OGB-L ont ainsi porté près de 400 recours (respectivement 145 et 250) devant cette juridiction.
Lors des plaidoiries, survenues le 12 décembre 2011, chacun des quatre avocats de syndicats et organismes avait été tenu de plaider un seul dossier pour exposer ses arguments valables pour l’ensemble des cas. Le 11 janvier 2012, le tribunal administratif a rendu un premier jugement, dans lequel il décide d’adresser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne pour juger du principal argument avancé par l’Etat pour contester tout manquement au principe communautaire de l’égalité de traitement tel qu’énoncé à l’article 7 du règlement européen n°1612/68.
Le tribunal fait ainsi part de son interrogation. "Est-ce que les considérations de politique d'éducation et de politique budgétaire mises en avant par l'Etat luxembourgeois, à savoir chercher à encourager l'augmentation de la proportion des personnes titulaires d'un diplôme de l'enseignement supérieur actuellement insuffisante en comparaison internationale en ce qui concerne la population résidente du Luxembourg, considérations qui seraient gravement menacées si l'Etat luxembourgeois devait verser l'aide financière pour études supérieures à tout étudiant, sans lien aucun avec la société du Grand-Duché, pour effectuer ses études supérieures dans n'importe quel pays du monde, ce qui entraînerait une charge déraisonnable pour le budget de l'Etat luxembourgeois, constituent-elles des considérations au sens de la jurisprudence communautaire ci-avant citée susceptibles de justifier la différence de traitement résultant de l'obligation de résidence imposée tant aux ressortissants luxembourgeois qu'aux ressortissants d'autres Etats membres en vue d'obtenir une aide pour études supérieures?"
L’ensemble de la procédure judiciaire à l’échelon national est donc pour l’heure suspendue à l’arrêt futur de la CJUE. Dans un communiqué du 17 novembre 2011, le LCGB espérait une telle intervention de l’instance européenne dans la procédure nationale. "Ses recours avaient pour but de sauvegarder les intérêts de ses affiliés frontaliers suite aux décisions de refus, par le CEDIES, de leur octroyer une aide financière. Et ils avaient aussi pour objectif de demander au Tribunal administratif de poser une question préjudicielle à la Cour de Justice de l’Union Européenne par rapport aux critères de résidence imposés par la nouvelle loi sur les aides financières pour études supérieures", lisait-on alors.
Dans un communiqué de presse du 12 décembre 2011, diffusé à l’issue des plaidoiries, l’OGBL s’était dit "confiant que justice sera rendue dans ce dossier emblématique en matière de défense de l’universalité des droits sociaux liés au travail". Le communiqué ajoutait : "Il est ressorti des débats, dans lesquels sont intervenus quatre avocats pour les centaines de requérants frontaliers, que la position de l’Etat luxembourgeois et du Ministre de l’Enseignement Supérieur François Biltgen est absolument intenable et que la loi de juillet 2010 constitue une discrimination contraire au droit européen, en particulier à la règlementation sur la sécurité sociale et à la libre circulation des travailleurs".
Dans un communiqué publié le 16 janvier 2012, l’OGBL a fait savoir qu’il estimait "décevant" le jugement prononcé par le tribunal du Luxembourg cinq jours plus tôt, parce que la question préjudicielle du tribunal administratif se concentre d’abord sur "les considérations de politique d’éducation et de politique budgétaire mis en avant par l’Etat luxembourgeois". Mais il relève que le tribunal a "réservé tous moyens de fond des parties, dont implicitement également le moyen principal de l’OGBL concernant la nature de prestation de sécurité sociale de l’aide pour étudiants, et donc le caractère inconditionnel de son octroi à tout travailleur au Luxembourg ou à son enfant".
Le débat politique pourrait rebondir à l’occasion d’une heure d’actualité dont Déi Gréng ont fait la demande le 10 janvier 2012 auprès du président de la Chambre des députés. Les Verts veulent débattre du bilan du nouveau régime d’aide financière pour études supérieures, conformément à la motion adoptée par les députés à l’unanimité, le jour de son vote le 13 juillet 2010.