L’approche de l’UE par rapport à l’Iran reste "double". Elle consiste, d’un côté, à imposer des sanctions et mesures restrictives visant les acteurs économiques iraniens ainsi que les responsables de la répression interne en Iran, et de l’autre, à maintenir un canal de communication avec Téhéran, tout en continuant d’exprimer son soutien aux personnes et à la société civile qui revendiquent leurs droits.
Le Conseil reste préoccupé par le programme nucléaire iranien, notamment suite à l’annonce du lancement de l’opération d’enrichissement d’uranium jusqu’à un niveau de 20 %, en violation de six résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies ainsi que de onze résolutions du Conseil des gouverneurs de l’Agence internationale de l’énergie nucléaire (AIEA). C’est pourquoi le Conseil a décidé de mettre en place un embargo graduel sur le pétrole iranien et sur les produits pétroliers.
Les mesures concernent l’importation, l’achat et le transport de pétrole brut et des produits pétroliers ainsi que les activités du secteur de la banque et des assurances qui s’y rapportent. Le Conseil a aussi décidé de sanctionner la Banque centrale iranienne en interdisant ses avoirs et une partie de ses transactions. Ces nouvelles mesures visent les sources de financement pour le programme nucléaire et complètent les sanctions existantes. La banque iranienne Tejarat, qui a des filiales au Royaume-Uni, en France, et en Allemagne, est aussi visée. L'UE élargit en outre l'interdiction d'investissements dans l'industrie pétrochimique, et suspend les ventes d'or ou d'autres métaux précieux et diamants à l'Iran. L'UE a déjà dans le passé gelé les avoirs de 433 sociétés iraniennes et 113 personnes, interdit l'exportation de nombreux produits sensibles et les investissements dans le secteur des hydrocarbures.
Le ministre des Affaires étrangères, Jean Asselborn, qui a participé à la session du Conseil à Bruxelles, a longuement expliqué et commenté les sanctions prises à l’égard de l’Iran au micro de la journaliste Françoise Medernach de la station de radio 100,7.
En premier lieu, Jean Asselborn explique qu’il "ne s’agit pas de punir le peuple iranien". Si des sanctions sont prises, "c’est pour éviter le pire, c’est-à-dire une guerre".
Le ministre a souligné combien il a été difficile d’arriver à un embargo sur l’importation de pétrole iranien à partir du 1er juillet 2012, tant pour des pays comme la Grèce ou l’Espagne à la fois dépendants du pétrole iranien et le payant à un prix avantageux, que pour des pays comme l’Italie, envers lesquels l‘Iran a une dette qu’il paie en livraisons de pétrole. Bref, il a fallu "beaucoup de solidarité" pour augmenter la pression sur l’Iran. Et des discussions sont d’ores et déjà en cours pour compenser les livraisons de pétrole iranien, par exemple avec du pétrole en provenance des Etats du Golfe arabique.
Le deuxième volet des sanctions – l’interdiction de passer dans le cadre de transactions commerciales par la banque centrale iranienne et l’obligation d’obtenir pour toute transaction commerciale une autorisation dans les Etats membres – est "particulièrement drastique" pour Jean Asselborn. "Il ne s’agit pas encore d’un boycott", précise-t-il, ce pas n’a pas encore été franchi, mais on se rapproche de près de ce que l’on peut appeler un boycott. » Mais après sept ans et demi de discussions, il a fallu en arriver là, pense le ministre.
Pour autant, le chef de la diplomatie luxembourgeoise se veut rassurant : ni le Luxembourg, ni son secteur financier ne seront très touchés par ces mesures, dans la mesure où les relations économiques avec l’Iran ont beaucoup reculé ces dernières années.
Le ministre espagnol des Affaires étrangères José Manuel Garcia Margallo a relevé que son pays faisait là un "très important sacrifice", tout en assurant avoir "trouvé des alternatives". D'autres pays producteurs, dans le Golfe notamment, ont en effet promis de prendre le relais de l'Iran.
Les Grecs, qui obtiennent leur pétrole d'Iran à des conditions très avantageuses, militaient à l'origine pour obtenir un délai d'un an avant de couper les ponts. Compte tenu de la grave crise de leur dette souveraine, ils risquent en effet de se voir exiger des nouveaux fournisseurs des garanties financières que Téhéran ne leur demandait pas. Athènes a levé lundi ses objections en échange de la promesse de ses partenaires européens qu'ils se pencheront à nouveau sur "la question des pays qui importent d'importantes quantités" de pétrole iranien au plus tard en avril.
Ces sanctions sans précédent "ont pour but de faire en sorte que l'Iran prenne au sérieux notre requête de venir à la table des négociations" sur son programme nucléaire, a souligné la chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton.
Avec ces nouvelles sanctions l'UE cherche à "assécher les sources de financement du programme nucléaire iranien", a souligné l'Allemand Guido Westerwelle.
Le Conseil a également abordé la situation actuelle en Syrie, qui reste très préoccupante malgré les sanctions imposées par la Ligue arabe le 27 novembre 2011 et malgré le déploiement de la mission d’observation sur le terrain.
Le Conseil reste vivement préoccupé par la détérioration de la situation en Syrie, les violations systématiques des droits de l’homme et la poursuite de la répression inacceptable exercée par le régime syrien contre la population du pays.
Les ministres ont renouvelé leur appel au président Assad à quitter le pouvoir afin de permettre une transition pacifique et démocratique. Ils ont assuré leur plein soutien aux efforts de la Ligue arabe, notamment en ce qui concerne la prolongation de la mission d’observation déployée en Syrie.
De nouvelles mesures restrictives qui doivent viser la capacité du régime à poursuivre sa répression brutale, ont été prises. 22 personnes responsables de violations des droits de l'homme, ainsi que huit entités apportant un soutien financier au régime ont été ajoutées à la liste des personnes et entités qui font l'objet d'un gel des avoirs et d'une interdiction de pénétrer dans l'UE. Tout cela sur fond d’embargo sur les armes, d’interdiction d'importer du pétrole brut syrien et de procéder à de nouveaux investissements dans le secteur pétrolier de la Syrie.
Les ministres ont appuyé le prolongement de la mission d’observation de la Ligue arabe et une résolution du 22 janvier, dans laquelle la Ligue arabe prévoit un transfert des pouvoirs du président Bachar el-Assad à son vice-président, et un gouvernement d’union nationale. Reste que les Etats du Golfe et l’Arabie saoudite ont d’ores et déjà retiré leurs observateurs.
Jean Asselborn pense néanmoins, comme il l’a déclaré sur les ondes de RTL Lëtzebuerg, qu’une telle mission, composée de 160 observateurs, ne suffit pas, et qu’il faudrait créer des "couloirs humanitaires".
"Le message envoyé par l'Union européenne est clair : la répression doit cesser immédiatement. Nous continuerons de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour aider le peuple syrien à exercer ses droits politiques légitimes", a estimé Catherine Ashton.
"Le président Assad doit partir", a estimé le ministre néerlandais des Affaires étrangères, Uri Rosenthal.
Suite aux évolutions importantes dans le pays et aux visites de plusieurs ministres des Affaires étrangères, le Conseil a fait le point sur les développements récents en Birmanie et a discuté de la réponse commune de l’Union européenne face à ce processus.
Les ministres se sont accordés, en tant que premier pas, pour suspendre les interdictions de visa à l’encontre du président U Thein Sein, du vice-président, des membres du gouvernement et des présidents des deux Chambres parlementaires et ont donné mandat aux groupes de travail d’examiner les prochaines étapes.
Le Conseil a souligné que l’Union désire assister la Birmanie dans ses efforts pour avancer dans le processus de réformes entamé et que l’UE est prête à augmenter son assistance dans le domaine de la lutte contre la pauvreté.
La bonne tenue des élections législatives partielles du 1er avril 2012 devrait ouvrir la voie à des mesures supplémentaires.
Les ministres ont également salué le remarquable programme de réformes entrepris par le gouvernement et le parlement, tout comme la libération de nombreux prisonniers, la reprise du dialogue mené par le gouvernement avec les différents groupes ethniques ou encore le dialogue avec l’opposante et prix Nobel de la Paix Aung San Suu Kyi.