Le 17 janvier 2012, le Parlement européen a élu à sa tête le social-démocrate allemand Martin Schulz, âgé de 56 ans, qui a remporté l’élection au perchoir de Strasbourg dès le premier tour face à une candidate libérale et à un représentant des conservateurs eurosceptiques, et ce avec 387 des 670 suffrages exprimés à bulletin secret (58 %). Le social-démocrate issu du groupe S&D a bénéficié du soutien de son groupe et de celui de la principale formation du Parlement, le PPE (Parti populaire européen), en vertu d'un accord entre les deux partis pour se partager la présidence à mi-terme de la mandature d'une durée de cinq ans.
Une partie des libéraux et des Verts ont aussi voté pour lui, dont le Luxembourgeois Claude Turmes, qui déclare dans un communiqué par lequel il salue cette élection que "Martin Schulz peut être une voix forte qui s’élève contre les tendances à la renationalisation qui sont à l’œuvre dans l’UE." Claude Turmes pense également que "Martin Schulz saura donner plus de poids aux pouvoirs de codécision du Parlement européen dans le cadre de la lutte contre la crise". Le seul élu européen socialiste luxembourgeois, Robert Goebbels a quant à lui mis l'accent sur l'amitié qui le lie à Martin Schulz et "son engagement socialiste, surtout du point de vue internationaliste".
Dans son intervention après son élection, Martin Schulz s’est engagé "à faire clairement entendre la voix de notre Parlement" à un moment où « l'Europe traverse une période agitée» et où "nous n'avons plus la certitude que nos enfants connaîtront des conditions de vie aussi bonnes que les nôtres", de sorte que "la confiance dans la politique et ses institutions ébranle aussi la foi dans le projet européen" et que "l'échec de l’UE apparaît comme un scénario réaliste".
Dans ce contexte, il a fustigé le fait que "depuis des mois, l'Union court d'un sommet de crise à l'autre » et que « des décisions qui nous concernent tous sont prises à huis clos par les chefs de gouvernement", comme au XIXe siècle, lorsque « le principe qui prévalait consistait à imposer ses intérêts nationaux, et ce sans contrôle démocratique ». Pour lui, "l'Europe de l'après-guerre repose, au contraire, sur le constat lucide que nos intérêts ne peuvent plus être dissociés de ceux de nos voisins, sur l'idée que l'Union européenne n'est pas un jeu à somme nulle dans lequel l'un doit perdre pour que l'autre gagne". "C'est exactement l'inverse », lance le nouveau président : "soit nous perdons tous, soit nous gagnons tous". Pour y parvenir, la règle fondamentale est à ses yeux la méthode communautaire. "Ce n'est pas un terme technique, mais l'âme même de l'Union européenne!", a plaidé Martin Schulz. Or, "le projet communautaire mené de manière naturelle et avec succès durant plusieurs décennies a été abîmé" et le Parlement européen écarté "dans une large mesure (…) du processus décisionnel", a-t-il déploré. Dans ce contexte, les citoyens ressentent, selon l’eurodéputé qui voit là "le terreau du ressentiment antieuropéen", "le défaut de légitimité parlementaire des décisions politiques comme un diktat de Bruxelles dont l'Union européenne dans son ensemble paie le prix".
Le Parlement européen doit réagir, plaide Martin Schulz qui a qualifié l'accord interétatique sur une nouvelle Union budgétaire de "premier test". Mais pour l’instant, les députés européens qui demandent "que la discipline budgétaire aille de pair avec le souci de la croissance et de l'emploi » ont « prêché dans le désert".
Martin Schulz veut que le Parlement européen veille à ce que tout nouveau pays qui adhère respecte strictement les critères de Copenhague et que tout Etat membre respecte la démocratie, les libertés et les droits fondamentaux, sous peine de se voir dresser contre lui l’assemblée des élus européens.
En tant que Président du Parlement européen, Martin Schulz veut lutter "contre cette tendance lourde à l'organisation de sommets et à la renationalisation des dossiers" et agir "pour que le Parlement soit plus visible et plus audible comme espace où s'exerce la démocratie et se déroulent des débats contradictoires sur les orientations des politiques de l'UE." Négocier avec le Conseil sur un pied d'égalité sur tous les grands dossiers, exploiter toutes les possibilités qu'offre le traité de Lisbonne, « exercer nos compétences réelles, le cas échéant dans des situations d'affrontement », donner une plus grande visibilité au Parlement, porter un regard critique sur la pratique des accords conclus en première lecture, sont les méthodes qu’ils préconise. Bref, Martin Schulz ne voudra pas être "un président facile, mais un président qui luttera".
Mais se demande-t-il, pourquoi, alors que l’UE est perçue très favorablement en dehors de ses frontières, "avons-nous perdu la capacité d'en être fiers" et"pourquoi acceptons-nous que l'on dénigre cet exceptionnel acquis historique?" Car "nous avons surmonté les épreuves de la guerre et de la faim. Nous avons ouvert les frontières. Nous avons renié le racisme et la xénophobie. Nous vivons aujourd'hui dans une Europe libre et ouverte, une Europe qui peut être fière de sa diversité culturelle." Et de s’engager sur "la promesse d'une patrie européenne forte sur le plan économique, juste d'un point de vue social, libre et démocratique".
Martin Schulz a reçu le soutien du PPE, pour "sa détermination à défendre avec force l'intérêt général européen face à la diversité des intérêts nationaux", comme l’a formulé le président français du groupe, Joseph Daul. Pour le co-président des Verts au Parlement européen, Daniel Cohn-Bendit, "c'est un Européen convaincu" et il est "sûr" qu'il saura, à la présidence du Parlement, "défendre la méthode communautaire face aux tentatives de renationalisation des Etats".