En octobre 2011, la Commission présentait ses propositions législatives concernant la réforme de la PAC à partir de 2014. La Cour des comptes européenne a examiné les quatre principales propositions de règlement présentées par la Commission et a publié son avis sur ces textes le 17 avril 2012. Un avis qui soulève nombre de questions et qui sera présenté au Parlement européen à la fin du mois.
La Cour reconnaît les efforts consentis par la Commission pour simplifier les dispositions régissant la PAC et répondre à un certain nombre d’observations formulées par le Parlement, le Conseil et la Cour. Toutefois, la Cour estime que le cadre législatif de cette politique demeure trop complexe. Par exemple, six niveaux de règles distincts régissent les dépenses de développement rural, à savoir : 1) le règlement prévoyant des dispositions communes à tous les Fonds structurels; 2) les dispositions générales s’appliquant au FEAGA et au Feader (arrêtées dans le règlement général concernant la PAC); 3) les règles établies dans le règlement spécifique à un Fonds (en l’occurrence le Feader); 4) les actes délégués; 5) les actes d’exécution; 6) la législation nationale.
S'agissant de la conditionnalité, la Cour considère que la complexité de cette politique continue de poser des difficultés de gestion pour les organismes payeurs et les bénéficiaires, en dépit de la réorganisation proposée.
Malgré l’accent prétendument mis sur les résultats, la politique reste essentiellement fondée sur les dépenses et le contrôle portant sur celles-ci, observent les auditeurs de la Cour, qui en concluent que la PAC privilégie donc la conformité plutôt que la performance.
En particulier, les objectifs spécifiques des paiements directs en faveur des exploitants agricoles ne sont pas précisés dans les articles du règlement correspondant, pas plus que les résultats escomptés ou le type d'indicateur permettant de mesurer ceux-ci. En ce qui concerne le développement rural, la Cour insiste sur l'importance de déterminer les objectifs concrets spécifiques que les mesures proposées sont censées atteindre et de veiller à ce que le soutien soit ciblé sur les zones rurales où les besoins d'aide se font le plus sentir. De même, les objectifs et les résultats qualitatifs et quantitatifs escomptés à la suite de la mise en œuvre des obligations en matière de conditionnalité et de la composante "écologique" des paiements directs ne sont pas définis de manière adéquate. La communication de ces objectifs aiderait à centrer la politique sur l’obtention des résultats souhaités.
La Cour a pris acte de l’intention de la Commission de centrer les aides versées au titre de la PAC sur les "agriculteurs actifs" et de parvenir à une répartition plus équilibrée des paiements directs entre les bénéficiaires. Toutefois, la Cour estime que des paiements risquent de continuer à être versés à des bénéficiaires qui n’exercent aucune activité agricole. Par ailleurs, elle observe que la réduction de l’aide à partir de certains niveaux d'aide ("plafonnement") aura des effets limités sur la redistribution de celle-ci.
En outre, la Cour doute que certaines des mesures proposées puissent être mises en œuvre efficacement sans faire peser une trop lourde charge administrative sur les organismes gestionnaires nationaux et les exploitants agricoles. Pour contourner cette difficulté, la Cour suggère de définir de manière générale et simple ce qui constitue un "agriculteur actif" et de charger la Commission de gérer la mise en œuvre de la réglementation qui en résultera en vue d’atteindre les objectifs ambitieux fixés dans le traité. Ces derniers visent à augmenter la productivité agricole ainsi que le revenu individuel de ceux qui travaillent dans l'agriculture.
La Cour observe que, selon la Commission, la réforme proposée pourrait engendrer une augmentation de 15 % des coûts de gestion du régime des paiements directs, principalement supportée par les États membres. La Cour constate l’absence d’informations sur la mesure dans laquelle ces coûts supplémentaires pourraient être compensés par un gain d’efficience au niveau de la gestion ou de la politique.
La Cour estime que la Commission, responsable en dernier ressort de l’exécution budgétaire, devrait réexaminer, au début de la nouvelle période financière, le fonctionnement des systèmes de gestion et de contrôle des États membres. Une surveillance de cette nature permettrait d’atténuer le risque que la détection de tout manquement soit reportée aux vérifications ultérieures (pouvant entraîner des corrections financières).
Enfin, la Cour souligne que l'efficacité de la réforme dépendra également de la clarté des "règlements d'application" que la Commission doit établir. Un autre facteur déterminant sera la rapidité avec laquelle les organismes payeurs adapteront leurs procédures et leurs systèmes, ce qui pourrait prendre 12 à 24 mois à partir de l’adoption des modalités d'application par la Commission.