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Economie, finances et monnaie - Fiscalité
Luc Frieden et Wolfgang Schäuble ont débattu à Berlin de l’Europe face à la crise de la dette, mais aussi de l’introduction d’une taxe sur les transactions financières
24-04-2012


Le 24 avril 2012, à l’occasion de la visite d’État du Grand-Duc et de la Grande-Duchesse en Allemagne, le Bankenverband a accueilli un débat qui a porté sur l’avenir de l’Europe et de la zone euro, mais aussi sur la taxe sur les transactions financières.

Les ministres des Finances allemand et luxembourgeois Luc Frieden et Wolfgang Schäuble ont ainsi eu une discussion, animée par le rédacteur en chef adjoint de la Börsen-Zeitung, Bernd Wittkowski, qui a été suivie d’une table ronde organisée par l’ABBL à laquelle ont notamment participé le président de la Banque centrale de Luxembourg, Yves Mersch, ainsi que le président de l’ABBL et président du conseil d’administration de la Deutsche Bank Luxembourg SA, Ernst Wilhelm Contzen. Luxembourg for Finance (LFF) en fait un compte-rendu sur son site Internet.

Que faire face à la crise ?

"Peut-on sauver l'Europe, face à une dette record, confirmée par les derniers chiffres d'Eurostat ?", a demandé Bernd Wittkowski. "Oui", lui ont répondu clairement Luc Frieden et Wolfgang Schäuble, comme le rapporte Christiane Kleer dans le Quotidien daté du 25 avril 2012.Bernd Wittkowski, Luc Frieden et Wolfgang Schäuble  © 2012 SIP / Charles Caratini, tous droits réservés

Luc Frieden et Wolfgang Schäuble ont insisté sur la nécessité pour les ministres des Finances européens de parler d’une seule voix lorsqu’ils doivent annoncer des réformes qui peuvent être douloureuses à court terme, mais qui sont inévitables si l’Europe veut devenir plus compétitive.

Le ministre luxembourgeois a souligné la nécessité d’une politique budgétaire rigoureuse, mais il a aussi insisté sur le fait que l’Europe a besoin de plus que ça : "Il nous faut soutenir l’innovation et la technologie, nous devons tirer le meilleur des 500 millions de personnes vivant en Europe", a-t-il déclaré. Pour Luc Frieden, la solution de la crise est dans une croissance économique fondée sur une politique financière stable dans l'ensemble des pays de l'Union européenne. Mais, rapporte Christiane Kleer, Luc Frieden tient à faire la part des choses : "Faire des économies ne veut pas dire qu'un Etat ne dépense plus. Il faut dépenser intelligemment, à chaque Etat de choisir ses priorités. Mais l'idée que l'Etat providence disparaîtra est entièrement fausse", cite en effet la journaliste.

Wolgang Schäuble, qui a défendu la politique budgétaire restrictive de l’Allemagne, a souligné que de plus en plus de pays suivaient désormais l’exemple allemand : "D’abord, tout le monde en Europe s’est moqué du frein à la dette allemand, maintenant, presque tous les pays l’introduisent", a-t-il rappelé, comme le rapporte Claude Kohnen dans un article publié le 25 avril 2012 dans le Lëtzebuerger Journal.

"Nous avons encore un long chemin devant nous, mais il faut aussi voir que l'Europe a déjà fait beaucoup d'efforts afin de limiter les effets de la crise. Le problème est aussi que les marchés sont influencés par la presse pessimiste. Et qu'ils n'ont pas été assez intelligents pour reconnaître le danger des dettes souveraines. Or, nous avons désormais besoin d'un retour à la confiance", a ajouté Wolfgang Schäuble "Il ne faut pas oublier ce qui a été accompli en Europe au cours des soixante dernières années", a-t-il rappelé, insistant sur le fait qu’il ne faut pas "se laisser décourager par des revers de court terme".

Quid d’une taxe sur les transactions financière en Europe ?

"Qu’en est-il d’une taxe sur les transactions financières en Europe ?", a demandé Bernd Wittkowski aux deux ministres. Luc Frieden a expliqué que le sujet était plus complexe et qu’il ne s’agissait pas juste de se prononcer pour ou contre une telle taxe. "Il faut plutôt nous demander quel est l’objectif d’une telle mesure", a-t-il redit. "Voulons lever plus d’argent ou voulons-nous ralentir ou déplacer le développement d’un certain nombre de transactions financières ?", s’est demandé Luc Frieden, ajoutant "si je sais qu’un centre financier comme Londres s’oppose à une telle taxe, je dois me demander par deux fois quels bénéfices en tirera le reste de l’Europe". S’il se dit prêt à débattre d’une TTF, c’est à condition qu’elle soit aussi appliquée aux centres financiers de Londres, New York, Singapour.

Pour Wolfgang Schäuble, cette taxe doit être mise en place au niveau mondial, mais le ministre allemand ne perd pas de vue que pour y parvenir, il faut bien commencer quelque part. "Nous parlons beaucoup de soutenabilité en Europe, et il ferait sens de montrer l’exemple", a-t-il plaidé, appelant les ministres européens des Finances à parler d’une seule voix pour gagner la confiance. "La crise à laquelle nous devons encore faire face a clairement montré que les marchés financiers ont eu besoin d’être secourus, ils n’y seraient pas arrivés sans cela, et ils ont besoin de règles qu’ils n’ont pas réussi à établir par eux-mêmes", a expliqué le ministre.

Car dans la crise actuelle, ce n’est pas seulement l’euro qui est en jeu, mais aussi "la légitimation de notre Etat de droit démocratique", a indiqué le ministre allemand que cite sur ce point Claude Kohnen. "L’exemple des Pays-Bas démontre, après la démission du gouvernement, qu’il ne faut pas se fier à des partis d’extrême-droite ou xénophobes", a-t-il encore déclaré, expliquant qu’une telle stratégie ne paie pas, mais au contraire affaiblit la démocratie comme le rapporte LFF. "Donc ne votez pas pour de tels partis", a-t-il conclu.

Bernd Wittkowski, Carsten Sieling, Yves Mersch, Theodor Weimer et Ernst Wilhelm Contzen  © 2012 SIP / Charles Caratini, tous droits réservésLe député Carsten Sieling (SPD) a abondé dans le sens du ministre Schäuble, insistant sur le fait qu’introduire une taxe sur les transactions financières ne porterait pas préjudice aux petits investisseurs, la TTF visant des investisseurs qui font beaucoup de transactions sur des produits à haut risque.

Mais du côté du secteur financier, Ernst Wilhelm Contzen s’est montré très critique à l’égard de la volonté politique d’introduire cette taxe. "Les politiques veulent une taxe, peu importe laquelle, pour punir les banques qui font office de boucs émissaires de la crise financière", a-t-il dénoncé. Pourtant, à ses yeux, politiques, régulateurs, banques, et même leurs clients avides sont tous responsables de la crise.

 Ernst Wilhelm Contzen a reconnu, comme les deux ministres, la nécessité d’un système de gouvernance européen. "Nous ne pouvons pas avancer sur des décisions importantes, comme des nominations à des postes importants, parce qu’il nous faut attendre le résultat des élections en France", a indiqué le président de l’ABBL qui a émis le souhait que les pays d’Europe évoluent ensemble. "Organiser les élections le même jour dans tous les pays européens pourrait aider à y parvenir", a-t-il suggéré.

Yves Mersch a observé pour sa part un phénomène de renationalisation des marchés financiers depuis le début de la crise, et ce en partie en raison de certaines décisions prises par les régulateurs locaux. Pour faire face à la crise, le rétablissement des finances publiques est pour lui la priorité numéro un parce que la politique budgétaire est "l’ancre de la confiance". Mais il a aussi souligné la nécessité d’avoir un régulateur européen et des grandes banques spécialisées dans les activités transfrontières, qui soient en mesure de faire face aux grandes banques des autres continents. Il faut aussi, en même temps, des banques plus petites qui puissent être supervisées par un régulateur local, a-t-il expliqué, soulignant la nécessité de séparer ces deux types d’institutions financières.