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Agriculture, Viticulture et Développement rural
L’Observatoire de l’environnement naturel a présenté les conclusions d’une étude dans le cadre d’une reforme générale de la Politique agricole commune (PAC) en 2014
16-04-2012


Camille Gira et Nadja Kasperczyk (IFLS) lors de la présentation de l'étude de l'Observatoire de l'environnement naturel, sur la biodiversité dans le cadre de la PAC, le 16 avril 2012Le député vert Camille Gira a présenté le 16 avril 2012 en sa qualité de président de l’Observatoire de l’environnement naturel, de concert avec Nadja Kasperczyk, de l’Institut für ländliche Strukturforschung (IFLS) de Francfort, les conclusions d’une étude sur la manière de soutenir la biodiversité par différents instruments dans le cadre de la reforme générale de la Politique agricole commune (PAC) en 2014 que l’IFLS a élaborée pour cet observatoire. Il s’agissait d’identifier des pistes et possibilités permettant de mieux aligner les aides et subsides agricoles avec les objectifs de protection de la nature tels qu’énoncés par le Plan national concernant la protection de la nature.

Comme l’a rappelé Camille Gira, les principales missions de l’Observatoire, définies par la loi du 3 août 2005 sont :

  1. de constater l'état de conservation de la diversité biologique;
  2. de proposer des recherches et études en matière d'environnement naturel; 
  3. de proposer un programme d'actions concrètes à réaliser par l'Etat et les syndicats;
  4. d'évaluer les mesures réalisées par l'Etat et les syndicats; 
  5. de rédiger tous les deux ans un rapport circonstancié sur la politique en matière d'environnement naturel et sur la mise en ouvre de cette politique au niveau étatique et communal; 
  6. de suivre la mise en œuvre du plan national concernant la protection de la nature;
  7. de saisir le Ministre des projets, actions ou mesures susceptibles de promouvoir la protection de l'environnement naturel.

L’étude menée par l’IFLS s’insère dans le cadre des missions 1 et 3 de l’Observatoire. Elle dresse selon Camille Gira de nouveau le constat que "la biodiversité est sous pression" sous les coups de l’émiettement territorial et de la politique agricole, y compris de la PAC qui est encore en cours. C’est pourquoi il a mis positivement en exergue l’intention de la Commission européenne de pousser le "greening" ou "verdissement" de l’agriculture dans le cadre de la nouvelle PAC 2014-2020. Cette option, qui pourrait changer la donne de la biodiversité, crée pour lui la possibilité d’y intégrer la stratégie 2020 pour la biodiversité que la Commission a présentée en mai 2011. Finalement, l’étude de l’observatoire s’insère dans le contexte de la révision du plan national de protection de la nature 2007-2011 en 2012.   

La biodiversité sur le recul

Nadja Kasperczyk (IFLS) lors de la présentation de l'étude de l'Observatoire de l'environnement naturel, sur la biodiversité dans le cadre de la PAC, le 16 avril 2012Nadja Kasperczyk a, dans son exposé, souligné que le paysage luxembourgeois, qui héberge une faune et une flore importante pour toute l’Europe, a vu celles-ci reculer sous les coups de l’urbanisation, des constructions de routes et de l’intensification de l’agriculture. Le paysage luxembourgeois s’uniformise et est frappé par le degré d’émiettement le plus élevé d’Europe. En 50 ans, les zones humides ont presque toutes disparu, les vergers et les arbres solitaires à plus de deux tiers, les pelouses sèches et les haies et rangées d’arbres ont diminué d'un tiers. Certains oiseaux sont menacés de disparition, et pour survivre, et en général pour que la biodiversité puisse être garantie, 10 % des terres arables et 10 % des surfaces vertes devraient être soumises à des régimes d’agriculture extensive.

L’impact de la PAC en cours sur la biodiversité

Pour l’étude, la Politique agricole commune (PAC) est l’instrument politique et financier communautaire dont l’impact sur la conservation de la biodiversité en Europe est le plus direct et le plus massif. Sous le régime actuel de la PAC, ce sont les crédits du FEADER et Natura 2000. Mais la grande ouverture pourrait être la mise en commun de la PAC avec les efforts liés à la stratégie 2020 de l’UE pour la biodiversité. Tant dans le cadre de l’actuelle que dans le cadre de la nouvelle PAC, il faudrait veiller, recommandent les auteurs de l'étude, à ce que les agriculteurs qui prennent des mesures de protection de la nature sur des surfaces classées comme surfaces agricoles ne subissent pas de pertes dans le cadre des paiements directs liés au premier pilier de la PAC, qui sont calculés sur base des surfaces agricoles, et non sur la base de surfaces qui sont l'objet de mesures de protection de la nature. Cela est juridiquement possible, à condition que les administrations nationales connaissent et appliquent la jurisprudence de la CJUE. L’étude conclut ici que le gouvernement luxembourgeois pourrait plus fortement faire valoir cette position au sein du Conseil de l’UE.

L’impact du Plan de développement rural

Dans son analyse de la répartition du budget du Plan de développement rural (PDR 2007-2013) luxembourgeois, un budget de plus de 393 millions d’euros fondé sur 23 mesures, l’étude, qui regrette le manque de transparence dans ce domaine, montre que le gros des crédits va à la modernisation des exploitations (43 %), à la prime de compensation (28 % ) et ensuite seulement aux mesures environnementales dans l’espace rural (23 %).

La conséquence des crédits destinés à la modernisation est que les exploitations, notamment laitières, s’agrandissent et que l’agriculture doit devenir de plus en plus intensive pour dégager des fonds suffisants pour le service de la dette sur les investissements. Dans son commentaire de ce phénomène, Camille Gira a parlé d’une "hypercapitalisation des exploitations qui crée de la pression pour toujours plus de performance".  

Les crédits compensatoires - qui tiennent compte du fait que 96 % des surfaces agricoles luxembourgeoises sont considérées comme des "zones défavorisées" -  ne poursuivent selon l’étude pas d’objectif environnemental et sont donc neutres de ce point de vue là.

En 2009, seuls 14,8 millions de crédits ont  été affectés à des mesures qui ont un impact sur la biodiversité.

La prime pour l’environnement a, avec 10,9 millions, profité à 1900 exploitations et 95 % de la surface agricole, avec des effets positifs sur la qualité de l’eau et des terres, mais avec un effet limité sur la biodiversité.

Certaines mesures environnementales spécifiques, qui ont bénéficié de 2,6 millions d’euros de subventions, ont touché 750 exploitations et 9,6 % des terres agricoles, environ 12 000 hectares. Le bilan est mitigé : les mesures prises contre l’érosion des sols et la réduction du bétail par surface de pâturage ont été bien acceptées. Les mises en jachères, l’entretien des vergers, etc. sont restés en-deçà des objectifs. Difficile d’intégrer les mesures à fort impact positif pour la biodiversité dans les opérations quotidiennes des exploitations, constatent les auteurs de l’étude. Ils proposent donc de renforcer les ressources en conseils pour ces agriculteurs et aussi de renforcer ces primes.

Le passage à l’agriculture biologique – qui est lui aussi soutenu par les primes de soutien à des mesures environnementales spécifiques - est lui aussi plus lent au Luxembourg que dans le reste de l’Europe, une sorte "d’enfant pauvre" du système, avec seulement 5 à 6 reconversions par an. Là aussi, l’étude suggère plus de soutiens financiers, une aide pour commercialiser les produits de viande et laitiers, et une formation à la base. 

La prime pour la biodiversité - 1,3 millions par an - a bénéficié à 4 100 hectares, mais seuls 18 des plus de 4000 hectares concernés étaient des surfaces agricoles. L’étude demande que cette prime soit ajustée aux modalités de la prime pour certaines mesures environnementales spécifiques.

Les propositions de l’étude

Pour faire avancer la biodiversité dans un contexte où le monde agricole se montre très réticent, l’étude propose qu’un dialogue plus ouvert s’ouvre entre l’agriculture et les tenants de la protection de la nature, deux mondes complémentaires entre lesquels les relations sont "médiocres", par exemple à travers une table-ronde où les deux parties participeraient à pied d’égalité.

Même si l’étude apprécie que le verdissement de l’agriculture prenne une place importante dans la nouvelle PAC 2014-2020, elle trouve que les objectifs ne sont pas assez ambitieux en ce qui concerne la diversification des cultures. L’idée par contre de créer des espaces écologiques prioritaires sur 7 % des surfaces agricoles est jugée "très prometteuse" en termes de biodiversité. Mais tout dépendra de sa mise en œuvre.

Dans ses conclusions, l’étude, qui est basée selon Camille Gira sur une large consultation des acteurs sur le terrain, demande

  • que plus d’importance soit accordée à une agriculture durable et écologique dans le plan de développement rural ;
  • qu’il y ait un équilibre entre les soutiens financiers accordées aux investissements et ceux accordés à des prestations écologiques ;
  • que les primes soient liées à des critères écologiques ;
  • que les programme agraires concentrés sur l’environnement soient mieux soutenus et promus auprès des agriculteurs ;
  • que la prime sur la biodiversité soit renforcée et celle sur les mesures environnementales basée sur des critères plus ambitieux ;
  • que le Luxembourg soutienne au sein du Conseil de l’UE l’idée d’une part minimale de surfaces écologiques prioritaires.

Pour Camille Gira, il ne s’agit pas de faire ici des économies budgétaires, mais de veiller à ce que l’argent public soit mieux utilisé par le renforcement à la fois du revenu des agriculteurs et des critères écologiques dans la pratique agricole.

Lors de la discussion, le président de l’observatoire s’est également inscrit en faux contre le préjugé selon lequel de nouveaux critères écologiques aggraveraient l’impact des charges administratives qui grèvent d’ores et déjà la journée de travail des agriculteurs. Il a également rejeté l’idée selon lui "reçue", mais démentie par la réalité sur le terrain, que le recoupement des mesures de verdissement et des règles de protection de la nature et de l’eau réduirait de plus en plus les surfaces agricoles et enfermerait les exploitants dans un jeu de règles de plus en plus inextricable qui les empêcherait d’exercer leur profession sur leurs terrains. La clé est pour lui la simplification administrative des paiements directs qui devraient concerner toute les surfaces agricoles, exploitées ou "verdies", ce qui pourrait ouvrir aussi la porte à des alternatives pour des exploitants qui voudraient échapper au piège de l’investissement et de l’endettement.