Le vendredi 27 avril 2012, le gouvernement luxembourgeois a adopté dans le cadre du semestre européen, en même temps que les actualisations du pacte de stabilité et de croissance et du programme national de réforme "Europe 2020" (PNR), le rapport social national de l’année 2012.
Ce rapport social national est élaboré pour la première fois dans le cadre du semestre européen, cela suite à la décision du Conseil "Emploi, politique sociale, santé et consommateurs" (EPSCO) de 2011, qui a invité chaque État membre à remettre, en plus du programme national de réforme, un rapport social national afin de rendre la dimension sociale plus visible en Europe.
Les auteurs du rapport, qui se sont efforcés de montrer la cohérence de ce plan social avec d’autres politiques européennes et nationales, abordent de nombreux sujets.
Un chapitre est consacré à une "politique globale et intégrée d’inclusion sociale". Il y est question de l’inclusion sociale des personnes handicapées, de la promotion des mesures à favoriser la transition des jeunes de la vie scolaire à la vie professionnelle et de nature à les motiver de renouer avec l’école, de l’inclusion active dans le cadre du dispositif d’assistance sociale "Revenu Minimum Garanti", de l’aide sociale dans le cadre des Offices sociaux, du développement des structures d’accueil socio-éducatif pour enfants et de la politique d’accès au logement.
D’autres chapitres sont consacrés aux soins de santé et aux soins de longue durée. Un chapitre est consacré aux "pensions viables et adéquates", notamment à la manière d’assurer des pensions adéquates et d’éviter la pauvreté des retraités et à l’amélioration de la situation des personnes concernées par l’incapacité de travail.
A signaler que le PNR a formulé un objectif chiffré en matière d’inclusion, ou de lutte contre l’exclusion. Les nouveaux chiffres de 2010 montrent que 17,1 % des résidents du Luxembourg sont menacés de pauvreté ou d’exclusion sociale, donc plus de 85 000 personnes. Ce chiffre inclut 14,5 % de la population, qui est menacée de pauvreté pour avoir un revenu inférieur à 60 % du revenu médian, 2,5 % des habitants du Luxembourg qui vivent dans des ménages à basse intensité de travail et 0,5 % de la population qui vit dans une situation de privation matérielle grave. L’UE veut diminuer le nombre de ceux qui seront confrontés au risque de pauvreté et d’exclusion sociale. D’ici 2020, le Luxembourg veut poursuivre l’objectif de réduire le nombre de ces personnes de 6 000.
L'on lit dans le rapport : "L’objectif de l’inclusion sociale et de la réduction de la pauvreté est horizontal et transversal et doit être pris en considération dans tous les domaines politiques pour être atteint. Ainsi, le présent rapport est à la fois en cohérence et complémentaire avec d’autres stratégies politiques et plans d’actions nationaux". Suit une liste qui inclut le Programme national de réforme du Grand-Duché de Luxembourg (PNR), et dans ce cadre plus particulièrement l’objectif qui vise à favoriser l’inclusion sociale en réduisant la pauvreté, l’objectif qui vise à augmenter le taux d’emploi et l’objectif qui vise à améliorer les niveaux d’éducation, le Plan d’action national pluriannuel d’intégration et de lutte contre les discriminations, le Plan national de l’égalité des femmes et les hommes, le Plan National pour un Développement Durable "qui a retenu comme objectif de qualité d’éviter/de réduire la précarisation et d’assurer l’accès à une protection sociale équitable et efficace", le Partenariat pour l’Environnement et le Climat "qui vise notamment à lutter contre la précarité énergétique des propriétaires et locataires", le Plan d’action pour le développement de l’économie solidaire qui vise notamment à rendre plus visible les plus-values sociales générées par l’économie solidaire.
Ce n’est pas par l’UE, mais par la ratification le 26 septembre 2011 de la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées et son protocole facultatif (CRDPH) que le Luxembourg a commencé a développer un plan d’action de mise en œuvre de cette convention qui prévoit comme principales mesures l’extension du champ d’application de la loi sur l’accessibilité des lieux ouverts au public à certains lieux privés ouverts au public, la promotion de l’accessibilité des services et de l’information et de l’accès à la communication, notamment par le recours aux nouvelles technologies ou encore à la langue des signes et au braille, ainsi que la bonne mise en œuvre d’un système scolaire inclusif et l’adaptation de la formation professionnelle aux besoins individuels des enfants et jeunes adultes.
Par ailleurs, la participation de l’Etat aux frais de salaire du salarié handicapé engagé dans un atelier protégé sera dorénavant de 100 %.
La promotion des mesures à favoriser la transition des jeunes de la vie scolaire à la vie professionnelle et de nature à les motiver de renouer avec l’école
Dorénavant, les jeunes à risque pourront être pris en charge dans le cadre d’un programme appelé Service Volontaire d’Orientation (SVO) qui vise "à faciliter l’intégration socioprofessionnelle des jeunes décrocheurs scolaires en les motivant à renouer avec des activités d’éducation et de formation ou à chercher un emploi". Ces jeunes bénéficieront selon le rapport d’un encadrement personnalisé et d’une attestation qui valorisera des compétences acquises dans un cadre informel. Par ailleurs le Service national de la Jeunesse continuera avec ses sessions d’information régionales "Bock Drop" qui s’adressent à des jeunes qui ne sont plus scolarisés et qui ne travaillent pas.
D’autres projets visant à renforcer l’autonomie et le sens de la responsabilité ont été créés autour du service volontaire d’orientation :
Selon le rapport, "la participation à ce genre de projet permet aux jeunes de s’impliquer selon leurs intérêts et compétences sans pour autant disposer de connaissances spécifiques".
Le RMG a mauvaise presse et ses bénéficiaires sont l’objet de nombreux préjugés. Le rapport ne voit pas les choses ainsi. Le RMG est en ligne avec les grandes politiques européennes : "Par la mise en œuvre continue de son dispositif d’assistance sociale "Revenu minimum garanti" (RMG), le Luxembourg répond à l’appel du 17 février 2012 du Conseil EPSCO de lutter contre la pauvreté et l'exclusion sociale par une stratégie d'inclusion active tout comme à l’objectif de la Méthode ouverte de coordination (MOC) en matière sociale qui a trait à la même stratégie." Et il enfonce le clou : "Afin de répondre au caractère multidimensionnel des phénomènes de pauvreté et d’exclusion sociale, le dispositif RMG combine, depuis 1999, trois volets essentiels qui correspondent largement aux trois piliers de la stratégie d’inclusion active tels que retenus par le Conseil EPSCO en date du 17 décembre 2008, à savoir :
Ses arguments :
La garantie d’un revenu minimum par le RMG fait que ce dispositif assure "comme le demande la Commission dans son Examen annuel de la croissance 2012, le rôle de stabilisateur social automatique (…) au bénéfice de populations particulièrement vulnérables". Par ailleurs, "en tant que garantie de ressources, le RMG peut être considéré comme modérateur important de l’intensité du risque de pauvreté", et "en tant qu’expression de la solidarité nationale, il contribue à la cohésion sociale, premier objectif de la MOC sociale".
L’accompagnement vers le marché de l’emploi est assuré par le RMG dans la mesure où ceux de ses bénéficiaires qui peuvent travailler, s’engagent "dans un parcours personnalisé d’activation, rémunéré à hauteur du salaire social minimum et à la signature d’un contrat d’insertion". Cela est "en ligne avec l’appel, dans l’Examen annuel de la croissance 2012, d’améliorer l’efficacité des systèmes de protection sociale tout comme celle des mesures d’activation". S’y ajoute que "l’intégration sur le marché de l’emploi est encouragée par le mécanisme d’immunisation inhérent au dispositif RMG qui permet, dans une logique de ‘make work pay’, un revenu brut à hauteur de 130 % du barème RMG. Autre élément : la loi rend l’engagement de bénéficiaires de l’indemnité d’insertion attractif aux employeurs potentiels par le biais de subsides, ce qui est aussi, insistent les auteurs du rapport, en ligne avec les conclusions adoptées par le Conseil EPSCO en date du 17 janvier 2012.
L’accès aux services de qualité est assuré du fait que "le droit au RMG est associé à des bénéfices connexes tels l’accès aux services de santé, l’accès gratuit aux services de transport public et l’accès à tarif réduit à des cours de langue". Par ailleurs, "les enfants vivant dans des ménages bénéficiaires du RMG ont droit à un accès privilégié et en grande partie gratuit aux structures d’accueil pour enfants par le dispositif du "chèque-service accueil". Pour les enfants bénéficiaires du RMG, 25 heures/semaine sont gratuites, le tarif des 35 heures dépassant les heures gratuites est de 0,50 € par heure, et les repas principaux sont gratuits
Le Gouvernement procèdera avant la fin de la législature à une révision de la loi sur le RMG, "qui constitue", dit avec force le rapport, "un pilier incontesté du système de protection sociale au Luxembourg". Cette révision tiendra compte des nouvelles dispositions en matière d’immigration et d’intégration des étrangers, de personnes handicapées et de politique de l’emploi.
Outre le revenu minimum garanti, l’aide sociale est régie au Luxembourg par la loi du 18 décembre 2009 organisant l’aide sociale. Cette loi a conduit à la création de 30 Offices Sociaux, des établissements publics placés sous la surveillance des communes. Ici, l’aide sociale est placée dans une dynamique préventive pour briser le cercle de l’exclusion sociale. Pour le rapport, "cette législation est également en ligne avec l’Examen Annuel de Croissance qui recommande l’accès à des services sociaux adéquats afin d’éviter la marginalisation des catégories vulnérables". Au cours de l’année 2011, apprend-on, "les 30 Offices Sociaux ont encodé 8.469 dossiers". L’aide s’est portée à 23,9 % au coût du logement, les aides pour les besoins quotidiens de la vie se chiffrent à 18,24 % et les aides pour frais de santé à 13,62 %.
Le rapport signale qu’au Luxembourg, "la situation au niveau de l’éducation et de l’accueil extrafamilial et extrascolaire a évolué de manière impressionnante au cours de la période 2004 à 2011". L’offre de places en services d’éducation et d’accueil et en assistance parentale a presque quintuplé de 2004 à 2011, et est passée de 7 712 places en 2004 à 37 833 places en 2011 (+ 491 %). Le Gouvernement soutient cette évolution. Son projet de loi sur l’enfance et la jeunesse veut aussi "œuvrer pour l’égalité des chances". De nouveau, les auteurs du rapport sont affirmatifs, soulignant que ceci est en ligne avec les recommandations de l’Union européenne qu’ils citent amplement : "L’éducation et l’accueil de la petite enfance constituent un moyen non négligeable de lutte contre le décrochage scolaire, un phénomène étroitement lié aux milieux socio-économiques défavorisés. Des services d’éducation et d’accueil universels de qualité peuvent supprimer l’écart entre les enfants venus de milieux sociaux défavorisés et les autres …, rompant ainsi le cycle des mauvais résultats scolaires et du découragement, souvent propice au décrochage scolaire et à la transmission de la pauvreté d’une génération à l’autre."
Cette politique s’articule autour de deux axes : le Paquet Logement et le Pacte Logement.
Le Paquet Logement a comme objectif de concrétiser les grandes orientations définies par la déclaration gouvernementale de 2009 en matière de politique du logement. Pour le mettre en œuvre, un projet de loi favorisant la promotion du logement et de l’habitat durables est en voie d’élaboration. Son but : créer des quartiers de ville conçus dans l’esprit d’un urbanisme écologique ainsi qu’une mixité sociale et générationnelle ainsi que celle d’une mixité équilibrée des fonctions urbaines. Ses moyens :
Le Pacte Logement vise l’augmentation de l’offre de logements en coopération avec les communes. Jusque fin 2010, 103 communes ont signé la convention relative au Pacte
Logement, qui se sont engagées à faire réaliser sur leur territoire endéans 10 ans quelque 48.000 logements, ceci en vue de rendre possible une augmentation d’au moins 15 % des habitants de leurs communes.
La crise a mis à nu les fragilités des systèmes de santé en Europe. Le Luxembourg a réagi en votant fin 2010 une loi qui a, selon le rapport, "jeté les bases d’une importante réforme du système des soins de santé". Un volet de cette loi "visait le court terme et devait pallier aux effets immédiats et financiers de la crise économique", donc "maintenir l’équilibre financier pour 2011 et 2012 et recadrer les automatismes de croissance des dépenses". Avec l’autre volet a été créée "la base pour une réforme structurelle à moyen et à long terme et prévoit notamment : un financement durable par une meilleure pilotabilité du système ; optimiser qualité et efficience du système de soins ; relever les défis du futur : se préparer aux changements démographiques et à plus de compétitivité dans un contexte interrégional."
Un bilan de l’assurance dépendance introduite en 1999 doit encore être fait. Il "évaluera la qualité des prestations fournies et examinera la viabilité à long terme de l'assurance dépendance". Il s’agira ensuite d’assurer, par une réforme, la viabilité à long terme de l’assurance dépendance, d’anticiper les risques futurs découlant notamment de l’évolution démographique, d’améliorer la coordination des soins entre le secteur du domicile, le secteur stationnaire aigu et celui de longue durée, de promouvoir la qualité et de mettre en place un système de contrôle des prestations et d’amener une transparence dans le financement des prestations de soins de longue durée.
Le rapport évoque ainsi le projet de réforme de l’assurance pension : "Il prévoit d’encourager les assurés à prolonger leur carrière active, dans le but de réaliser le "seuil de bien-être" individuel qu’ils visent à l’âge de la retraite et d’adapter le niveau des contributions en fonction de ces attentes. L’équité et la concordance entre cotisations et prestations impliquent que l’assuré qui décide de partir plus jeune en retraite, et qui en principe touchera moins, mais plus longtemps, devra fournir le même effort contributif et solidaire que celui, qui profitera d’une pension plus élevée suite à une carrière plus longue, mais qui en sera bénéficiaire moins longtemps."
Peu de mots sont consacrés ici aux questionnements européens sur les systèmes de pension basés sur la répartition. On lit que " le projet de réforme se limite à compenser les dépenses liées à l’augmentation de l’espérance de vie par des recettes supplémentaires générées par le prolongement de la vie active", qu’ "indépendamment de la situation financière du régime, les pensions nouvellement calculées seront toujours adaptées pleinement à l’évolution réelle des salaires", que néanmoins "l’adaptation du stock des pensions à l’évolution du niveau de vie, par l’application d’un nouveau facteur de réajustement, dépendra dorénavant de la situation financière du régime", que "le projet de réforme a l´ambition de remédier au défaut d´adéquation inhérent au mécanisme actuel d´ajustement".
Dans le but de mieux protéger le salarié qui n’est plus capable d'exercer son dernier poste de travail, et qui est de ce fait en procédure de reclassement interne au sein de son entreprise ou de reclassement externe sur le marché de l'emploi, le Luxembourg veut créer un statut spécifique. Ce statut devrait garantir le maintien des droits du salarié liés à la décision de son reclassement professionnel et enlever le risque qui est actuellement lié à l’éventuelle perte du nouvel emploi que le salarié aura accepté lors de cette procédure de reclassement. Ce statut prendrait fin dès la récupération des capacités de travail initiales ou dès l’attribution d’une pension, d’une rente ou d’une indemnité de préretraite.
Les travailleurs étrangers sont dans la mire des décideurs, puisque "malgré le principe de la "reconnaissance mutuelle", il n’est nullement assuré que les concernés disposent des mêmes droits aux prestations dans leur pays d’origine, de manière à ce que pour les travailleurs étrangers, en cas d’incapacité de travail, le manque de périodes computables peut être ainsi à l’origine d’indemnités sensiblement moins élevées". La solution proposée : "le salarié en fin de procédure, qui n’a pas pu être reclassé, ni au sein de son ancienne entreprise, ni sur le marché de l’emploi et qui peut se prévaloir d’une aptitude d’au moins cinq ans au dernier poste de travail, se verra attribué, au terme du paiement de l’indemnité de chômage, une indemnité professionnelle, proportionnelle à l´ancien revenu professionnel mensuel moyen cotisable au titre de l’assurance pension, avec application du même plafond qu’en matière de chômage."