La crise financière a montré combien les pouvoirs publics étaient mal équipés pour faire face aux difficultés de banques actives sur les marchés internationaux. Afin d'assurer la continuité de services financiers essentiels pour les citoyens et les entreprises, les États ont été contraints d'injecter des fonds publics dans les banques et de leur accorder des garanties pour un montant sans précédent : entre octobre 2008 et octobre 2011, la Commission européenne a approuvé environ 4 500 milliards d'euros d'aides d'État en faveur des établissements financiers, ce qui équivaut à 37 % du PIB de l'UE. Si elles ont permis d'éviter des faillites bancaires et une désorganisation économique à grande échelle, ces mesures ont pesé sur le contribuable et grevé lourdement les finances publiques, sans régler la question de savoir comment gérer les grandes banques transfrontières en difficulté.
Les propositions que la Commission européenne a mises sur la table le 6 juin 2012, qui prévoient des règles européennes en matière de redressement et de résolution bancaires, devraient changer la donne. Elles donneront aux autorités compétentes les moyens d'intervenir de manière décisive, à la fois avant que les difficultés n'apparaissent et dès le début du processus si elles surviennent néanmoins. En outre, si la situation financière d'une banque devait se détériorer de manière irrémédiable, la proposition prévoit que ses fonctions critiques pourront être préservées, et qu'il reviendra aux propriétaires et aux créanciers de la banque d'assumer les coûts de sa restructuration et de sa résolution, et non au contribuable.
José Manuel Barroso, président de la Commission européenne, y voit "un pas important en direction d’une union bancaire" qu’il appelle de ses vœux. Ce texte, qui s'inscrit dans "le processus en cours de renforcement et d'intégration de nos économies interdépendantes", devrait, espère-t-il, "responsabiliser le secteur bancaire, mais aussi contribuer à renforcer la stabilité et la confiance dans l'Union".
Pour Michel Barnier, commissaire en charge du Marché intérieur, cette proposition est "l'ultime mesure visant à répondre aux engagements que nous avons pris au G-20 en faveur d'une meilleure réglementation financière". "Nous devons doter nos pouvoirs publics d'instruments qui leur permettent de réagir de manière appropriée aux futures crises bancaires", plaide en effet le commissaire qui ne tient pas à ce que les citoyens aient à nouveau à payer la facture pour des banques qui continueraient à agir comme avant.
Ce cadre est fondé sur les mesures récemment adoptées par plusieurs États membres pour améliorer les systèmes nationaux de résolution bancaire. Allant plus loin sur plusieurs aspects fondamentaux, il garantira la viabilité des instruments de résolution dans le marché financier intégré européen.
Les instruments proposés se répartissent en trois catégories : pouvoirs de prévention, pouvoirs d'intervention précoce et pouvoirs de résolution, avec une gradation dans l'intervention des autorités, qui sera d'autant plus "intrusive" que la situation est grave.
1. Préparation et prévention
En premier lieu, le cadre exige des banques qu'elles élaborent des plans de redressement décrivant les mesures qu'elles prendront en cas de dégradation de leur situation financière, afin de rétablir leur viabilité.
Deuxièmement, les autorités chargées de la résolution bancaire ont l'obligation d'élaborer des plans de résolution, avec des options pour gérer des banques qui sont dans une situation critique et ne peuvent plus être sauvées (notamment les modalités de mise en œuvre des instruments de résolution et les moyens d'assurer la continuité des fonctions critiques). Les plans de redressement et de résolution devront être établis aussi bien au niveau du groupe qu'au niveau de chacun des établissements qui le composent.
Troisièmement, si, lors de l'élaboration des plans, les autorités constatent l'existence d'entraves à la résolvabilité, elles pourront contraindre une banque à changer sa structure juridique ou opérationnelle de façon à rendre sa résolution possible avec les instruments disponibles et sans que ses fonctions critiques ne soient compromises, que la stabilité financière ne soit menacée ni que le contribuable ne soit mis à contribution.
Enfin, les groupes financiers pourront conclure des accords de soutien financier intragroupe pour enrayer le développement d'une crise et rétablir rapidement la stabilité financière du groupe dans son ensemble. Sous réserve de l'accord des autorités de surveillance et des actionnaires de chacune des entités parties à l'accord, les établissements du groupe pourront ainsi fournir un soutien financier à d'autres entités du groupe en proie à des difficultés financières (sous forme de prêt, de garanties ou de mise à disposition d'actifs pouvant servir de sûretés dans leurs opérations).
2. Intervention précoce
Les autorités de surveillance pourront intervenir de manière précoce en réagissant aux difficultés financières dès que celles-ci apparaissent. Cette intervention se déclenchera dès lors qu'un établissement ne respecte plus ses exigences de fonds propres ou risque de ne plus les respecter. Dans un tel cas, les autorités pourront exiger de l'établissement qu'il mette en œuvre les mesures prévues par son plan de redressement et qu'il établisse un programme de mesures assorti d'un calendrier de mise en œuvre. Elles pourront imposer la tenue d'une assemblée générale des actionnaires afin d'adopter des décisions urgentes, et obliger l'établissement à élaborer un plan de restructuration de sa dette avec ses créanciers.
En outre, les autorités de surveillance pourront désigner un administrateur spécial pour la banque, mandaté pour une durée limitée, si la situation financière est fortement dégradée et que les instruments décrits ci-dessus ne suffisent pas à rétablir la situation. La fonction principale de cet administrateur spécial sera d'assainir la situation financière de la banque et de rétablir la gestion saine et prudente de ses activités.
3. Instruments et pouvoirs de résolution
La résolution a lieu si les mesures préventives et d'intervention précoce ne permettent pas d'éviter que la situation se détériore au point que la banque fasse défaut ou menace de faire défaut. S'ils constatent qu'aucune autre mesure ne permettrait d'éviter la défaillance de la banque et que l'intérêt public le justifie (du fait de la menace qui pèse sur l'accès à des fonctions bancaires critiques, sur la stabilité financière, sur l'intégrité des finances publiques, etc.), les pouvoirs publics devraient prendre le contrôle de l'établissement et arrêter des mesures de résolution.
Les instruments et les pouvoirs de résolution harmonisés, associés aux plans de résolution préparés à l'avance tant pour les banques transfrontières que celles présentes dans un seul pays, dotent les autorités nationales de tous les pays de l'Union d'une boîte à outils et d'une feuille de route communes pour la gestion des défaillances bancaires. La limitation des droits des actionnaires et des créanciers que ces instruments impliquent est justifiée par la nécessité impérieuse de protéger la stabilité financière, les déposants et les contribuables. Les instruments de résolution prévoient en outre des garde-fous visant à empêcher leur utilisation abusive.
Les principaux instruments de résolution sont les suivants :
Pour faire face aux défaillances de banques européennes ou de groupes transnationaux, le cadre prévu renforce la coopération entre autorités nationales à toutes les étapes de la préparation, de l'intervention et de la résolution des défaillances. Des collèges d'autorités de résolution, placés sous la direction de l'autorité de résolution du groupe et où siégera l'Autorité bancaire européenne (EBA), seront institués. L'EBA facilitera la mise en place de mesures conjointes et assurera une médiation contraignante si nécessaire. Sont ainsi posés les fondements d'une supervision de plus en plus européenne des entités transfrontières, qui pourra donner lieu à de nouvelles évolutions au cours des années à venir dans le cadre de la révision de l'architecture de surveillance de l'Union.
Pour être efficaces, les outils de résolution nécessiteront des financements. Par exemple, si les autorités créent une banque-relais, celle-ci aura besoin de capital ou de prêts à court terme pour son fonctionnement. En l'absence de financement des marchés et pour éviter que les États n'aient à financer les mesures de résolution, des fonds de résolution financés par les banques au prorata de leurs passifs et en fonction de leurs profils de risque seront mis en place. Le montant de ces fonds devra atteindre 1 % des dépôts couverts dans un délai de 10 ans. Ils serviront exclusivement à financer des réorganisations et des résolutions en bon ordre, et jamais à renflouer une banque. Les fonds de résolution nationaux interagiraient entre eux, notamment pour la résolution de banques transfrontières.
Afin d'utiliser au mieux les ressources existantes, la directive proposée prévoit également de recourir aux financements déjà disponibles dans le cadre des 27 systèmes de garantie des dépôts. Ces systèmes, associés aux fonds de résolution, protégeront les déposants de détail. Pour renforcer encore les synergies, les États membres pourront même fusionner les systèmes de garantie des dépôts et les fonds de résolution, dès lors que l'ensemble du mécanisme reste en mesure de garantir le remboursement des déposants en cas de défaillance.
La crise a clairement montré que lorsque des problèmes touchent une banque, ils peuvent s'étendre à l'ensemble du secteur financier et dépasser largement les frontières nationales. Elle a également révélé l'absence de systèmes permettant de gérer les établissements financiers confrontés à des difficultés. Il existe très peu de règles pour déterminer les mesures à prendre par les autorités en cas de crise bancaire. Aussi le G-20 a-t-il convenu qu'il était nécessaire de mettre en place des cadres de prévention et de gestion des crises.
La crise financière a fait apparaître de manière manifeste la nécessité de mettre en place des mécanismes plus solides de gestion des crises au niveau national, mais aussi des dispositifs permettant de mieux gérer les défaillances bancaires transnationales. Les défaillances d'un certain nombre de banques de premier plan au cours de la crise (Fortis, Lehman Brothers, banques islandaises, Anglo Irish Bank, Dexia) ont révélé de graves lacunes dans les dispositions existantes. En l'absence de mécanisme pour organiser une liquidation ordonnée, les pays de l'Union n'ont pu faire autrement que de renflouer le secteur bancaire. La Commission a publié dès 2010 une communication sur les futures politiques à adopter dans ce domaine.