Les ministres de l’Agriculture de l’UE étaient réunis à Luxembourg le 12 juin 2012 pour un Conseil consacré aux questions de pêche. Ils avaient notamment à l’ordre du jour un débat portant sur la réforme de la politique commune de la pêche, l’enjeu étant d’adopter une orientation générale sur une proposition de règlement relatif à la PCP et une proposition relative à une organisation commune des marchés dans le secteur des produits de la pêche et de l'aquaculture.
La Commission a mis sur la table en juillet 2011 une proposition de règlement relatif à la PCP. Ce document s’inscrit dans le cadre de la réforme fondamentale de la PCP jugée nécessaire suite à l’analyse du fonctionnement de cette politique menée en 2009.
Parmi les problèmes identifiés, on pouvait noter, entre autres, que les objectifs de la PCP ne sont pas suffisamment axés sur les impératifs de durabilité environnementale, économique et sociale, mais aussi que les niveaux de rejets, bien trop élevés, étaient inacceptables. De même, la surcapacité de la flotte, la surpêche, la fixation des totaux admissibles des captures (TAC) à un niveau trop élevé et le respect insuffisant des règles, ont entraîné une surexploitation d'une grande majorité des stocks de l'Union. Les questions environnementales n’étaient pas non plus suffisamment intégrées dans la politique menée, était-il observé.
L'objectif général de la proposition est par conséquent de faire en sorte que les activités de pêche et d'aquaculture créent des conditions environnementales durables à long terme et contribuent à la sécurité des approvisionnements alimentaires. Il convient que la politique de la pêche ait pour objectif une exploitation des ressources biologiques marines vivantes qui rétablisse et maintienne les ressources halieutiques à des niveaux permettant d'obtenir le rendement maximal durable, au plus tard en 2015. Il convient que la PCP applique l'approche de précaution et l'approche écosystémique en matière de gestion des pêches.
La proposition mise sur la table entendait donc notamment préciser les objectifs de la PCP, améliorer la cohérence entre les initiatives stratégiques relevant de la PCP, mettre fin aux rejets, ou encore assurer la régionalisation des mesures selon une approche fondée sur les bassins maritimes dans le cadre du pilier de conservation.
A leur arrivée au Conseil, les ministres ont été accueillis par les militants de Greenpeace qui les ont appelés à ne pas affaiblir le projet de réforme mis sur la table par la Commission. "L'Europe a besoin d'objectifs très clairs pour réduire sa flotte de pêche, notamment industrielle, qui est aujourd'hui en mesure de pêcher deux à trois fois plus que le niveau durable", a expliqué à l'AFP Maurice Losch, en charge des Océans à Greenpeace. Greenpeace s'insurge notamment contre le fait que le compromis soumis aux ministres par la présidence danoise propose de repousser de 2015 à 2020 la date-butoir pour avoir régénéré tous les stocks de poissons victimes de la surpêche.
"2020, c'est trop éloigné, nous avons besoin d'agir plus rapidement là-dessus!", a elle aussi déploré la commissaire européenne en charge de la Pêche, Maria Damanaki, à l'ouverture de la réunion. Le texte ne propose "rien de contraignant pour résoudre le problème des surcapacités" de la flotte de pêche, a-t-elle encore déploré.
Et elle a exhorté les ministres à ne pas toucher au "cœur de la réforme", l'interdiction des rejets, cette pratique qui consiste à passer par dessus bord des poissons non commercialisables, et l'obligation de les débarquer au port pour les transformer par exemple en farines de poisson. "Il n'y aura pas de réforme sans une interdiction des rejets", a-t-elle souligné, en estimant que sans calendrier contraignant vers une telle interdiction, on ne ferait que "répéter la situation actuelle". Si plusieurs pays, comme la Grande-Bretagne, l'Allemagne, les Pays-Bas et les pays scandinaves sont favorables à la mesure proposée par Bruxelles, d’autres, comme l’Espagne et la France, s'y opposent de longue date, s’inquiétant notamment d’un rejet zéro immédiat.
Greenpeace Luxembourg a appelé le ministre Romain Schneider à s’engager auprès de ses confrères afin qu’ils refusent la démarche de la Présidence danoise de vouloir faire voter lors de ce Conseil une approche générale relative à la PCP. "Un tel vote finaliserait prématurément les discussions autour de la PCP, déciderait sur un texte de la PCP qui ne permettra pas la régénération des stocks de poissons et compliquerait les possibilités du Parlement européen d'intervenir pour améliorer le texte de la PCP durant cet automne", arguaient les militants luxembourgeois. A leurs yeux, le texte qui était sur la table "manque d’ambitions et d’objectifs clairs pour résoudre ces problèmes clefs de la surpêche".
Le représentant du Luxembourg, qui a appelé à être "ambitieux", mais aussi "réaliste", a fait part de son soutien à la proposition de compromis danoise dès le premier tour de table. Pour le Luxembourg, la durabilité de la pêche est l’aspect le plus important de la réforme de la PCP, et il a donc souligné l’importance des rendements maximums durables (RMD) et des rejets. En matière de RMD, les dates proposées par la présidence, à savoir 2015 là où c’est possible et 2020 sinon sont "acceptables" du point de vue de la délégation luxembourgeoise qui a toutefois prévenu qu’il faut « au moins garder ce niveau d’ambition". "Concernant les rejets, nous sommes d’avis qu’il faut parvenir à une élimination le plus vite possible et à les réduire entre temps", a expliqué le représentant luxembourgeois, conscient toutefois que "les types de pêcheries sont différents", ce dont il faut tenir compte.
Finalement, au terme de longues heures de discussions un accord sur l’approche générale a été trouvé, à la satisfaction de la présidence danoise. Il se base sur trois principes principaux : la mise en œuvre des rendements maximum durables (RMD) d’ici 2015 pour certaines espèces et d’ici 2020 pour toutes les autres, ce rendement étant défini comme le rendement maximum pouvant être pêché sans menacer le stock ; l’interdiction des rejets qui sera mise en place progressivement à partir de 2014 ; moins de micro-gestion de Bruxelles en vue d’une gestion plus flexible et plus régionalisée.