Un comité de citoyens vient de se constituer pour lancer une nouvelle initiative citoyenne européenne (ICE) d’ores et déjà enregistrée par la Commission sous l’égide : "L'eau et l'assainissement sont un droit humain! L'eau est un bien public, pas une marchandise !" Sur son site comme sur celui de la Commission, l’on découvre que ce comité est avant tout composé de personnalités liées à la Fédération syndicale européenne des services publics EPSU qui compte trois membres au Luxembourg - Landesverband, OGBL, LCGB - , et la campagne est également portée par le Bureau européen de l'environnement (EEB) et la Plateforme sociale européenne. Au Luxembourg, c’est le syndicaliste Justin Turpel qui est le contact national.
Tout citoyen européen qui adhère par sa signature aux objectifs de cette initiative invite la Commission européenne à proposer une législation qui fasse du droit à l'eau et à l'assainissement un droit humain au sens que lui donnent les Nations unies, et à promouvoir la fourniture d'eau et l'assainissement en tant que services publics essentiels pour tous.
Pour les organisateurs de la campagne, "le droit européen devrait exiger des gouvernements qu'ils garantissent et fournissent à tous les citoyens l’assainissement et de l’eau saine et potable en suffisance."
Par conséquent, le signataire de l’initiative peut demander "instamment" que :
S’y ajoute la revendication que l’UE s’engage à œuvrer en faveur de l’accès universel mondial à l’eau et à l’assainissement.
Pour les organisateurs de cette campagne, l’accès à l’eau et à l’assainissement est un droit de l’homme. Ils veulent aussi "faire évoluer la mentalité qui prévaut au sein de la Commission européenne, d'une démarche fondée sur le marché vers une approche basée sur les droits et centrée sur la notion de service public." Pour eux, "l’eau est une ressource naturelle limitée et un bien public fondamental pour la vie et la santé. Il s’agit d’un monopole 'naturel' qui doit être exclu des règles du marché intérieur." Justin Turpel a ainsi déclaré au Quotidien daté du 21 juin 2012 : "Une libéralisation du marché de l'eau aurait des effets désastreux. L'eau potable ne représente aujourd'hui que 0,6 % du réservoir d'eau mondial. Nous sommes donc confrontés à une pénurie. Si l'eau vient un jour à être considérée comme une marchandise, elle peut devenir la cause de nombreuses guerres et autres misères."
Cette approche entraîne plusieurs revendications. Des services d’eau salubre, propre et abordable et d’assainissement doivent être garantis à l’ensemble des populations des États membres de l’UE. L’UE et les Etats membres devraient s’abstenir de transformer les services de l’eau en services commerciaux. L’eau devrait donc être exclue des règles du marché intérieur. Les services d’eau et d’assainissement ne devraient pas être inclus dans des accords commerciaux tels que le CETA (Comprehensive Economic and Trade Agreement) signé avec le Canada qui suscite bien d’autres inquiétudes.
Les initiateurs de la campagne veulent plutôt miser sur des partenariats public-public que partenariat public-privé. Il s’agit pour eux de voir consacré le principe inscrit dans le premier considérant de la directive-cadre sur l’eau, c’est-à-dire que "l'eau n'est pas un bien marchand comme les autres mais un patrimoine qu'il faut protéger, défendre et traiter comme tel", dans toutes les politiques de l’UE portant sur l’eau. Pour eux, le contrôle de l’eau et des ressources en eau doit rester entre les mains du secteur public, et cela doit être inscrit dans les législations.
Ils demandent aussi que soit spécifié que la protection de l’environnement aquatique prévaudra sur les politiques commerciales. D’autre part, ils veulent que soient lancés des programmes de soutien aux personnes qui ne sont pas en mesure de payer leurs factures, afin d’éviter les coupures d’eau pour les usagers.
Depuis l’entrée en vigueur du règlement sur l’initiative citoyenne le 1er avril 2012, 6 initiatives ont été enregistrées par la Commission. Parmi elles, celle sur l’eau et l’assainissement comme droit humain et une autre sur le bien-être des vaches laitières, puis une initiative "Let me vote" qui veut "compléter les droits du citoyen européen énumérés par l’article 20§2 TFUE, par un droit de vote à toute élection politique dans l’Etat membre de résidence dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet Etat", une initiative "Uno di noi" sur les embryons humains, une initiative pour mettre fin au frais de roaming et finalement une dernière, appelée Fraternité 2020 - Mobility. Progress. Europe pour plus de programmes d’échanges en Europe. Trois initiatives dont une sur l’interdiction du recours à l’énergie nucléaire ont été refusées par la Commission et la Commission a publié ses lettres de refus.
Comme le rapporte le site Euractiv dans un article éclairant la collecte en ligne des signatures par les 6 initiatives enregistrées se heurte par ailleurs à de sérieux problèmes techniques et financiers – vu les exigences techniques et de certification de la Commission. Les initiateurs se sont plaints, et ont demandé de l’aide à Bruxelles qui prend leur appel très au sérieux et a déjà prévu des réunions pour aider concrètement avec des experts en TIC. Les initiateurs n’ont en effet que 12 mois pour collecter un minimum d’un million de signatures à partir de l’enregistrement de l’initiative citoyenne européenne.