Fredy de Martines, le leader du syndicat de producteurs de lait Luxembourg Dairy Board ( LDB), a donné avec ses compagnons une conférence de presse sur la nouvelle marque de produits laitiers "Fair Mëllech" et sur la situation sur le marché laitier de l’UE.
La marque "Fair Mëllech" est en fin de compte un produit dérivé des grèves des producteurs de lait de l’UE en 2008 et surtout en 2009. Alors que la crise du lait faisait chuter les prix du lait en-dessous des frais de production, a relaté Fredy De Martines, des consommateurs ont approché les agriculteurs pour leur demander comment ils pouvaient les soutenir. Partant de là, les producteurs ont songé à mettre sur le marché un lait dont le bénéfice leur reviendrait, et ce sous le sigle de "Fair Mëllech". Cette marque appartient à l’European Milk Board (EMB) dont le LDB fait entretemps partie. Elle a été lancée en Autriche, en Allemagne et en Belgique. Depuis un an, le Luxembourg est le quatrième pays où elle s’est implantée. La France s’y prépare.
Mais les choses n’ont pas été faciles, d’après le récit de Fredy De Martines, d’autant plus que les rayons des supermarchés sont remplis à ras bord par des produits laitiers de toute origine. Le Ministère de l’Agriculture a accordé aide et soutien technique. Le Ministère du Développement durable a aussi accordé une petite aide, vu que des éléments de durabilité jouent un rôle dans le projet. Le Ministère de l’Economie solidaire a reconnu "Fair Mëllech" comme un exemple d’entreprise solidaire, mais de là, par manque de budget, une aide n’a pas encore pu venir. La BGL est devenu le sponsor du projet et a livré un soutien technico-financier. Luxlait a accepté de faire office de laiterie et de s’occuper du "packaging" et a conseillé pour la distribution. Quant aux commerces, ils n’ont pas au début reçu les gens du LDB à bras ouverts, vu la pléthore de produits laitiers sur le marché. Finalement, toutes les chaînes de supermarchés sauf une ont joué le jeu et mis les produits de "Fair Mëllech" dans leurs rayons. Dans un deuxième temps, les sociétaires du LDB ont démarché les petits commerces. 110 magasins vendent entretemps leur petite gamme de produits.
Mais pour faire les choses correctement, le LDB a séparé ses activités politiques et son nouvel engagement économique en créant la coopérative Fairkoperativ. Celle-ci compte actuellement 45 producteurs sur les à peu près 800 entreprises laitières actives au Luxembourg. Depuis le 1er avril et jusqu’au 1er juillet, les adhésions sont de nouveaux ouvertes. Pour cela, l’entreprise candidate doit remplir plusieurs conditions :
La coopérative a mis son premier produit sur le marché il y a un an. Le lait frais étant une affaire trop risquée au début, Fairkoperativ a opté pour un lait UHT à 3,5 % de matière grasse, avec autour de 400 000 litres vendus sur un an. Le deuxième produit est un lait UHT à 1,5 % de matière grasse sur le marché depuis novembre 2011. Le produit n’a pas fait concurrence au premier, marche bien, et le beurre mis sur le marché depuis avril 2012 a vu partir 8000 portions vers les consommateurs. Le tout sans aucune publicité, car la coopérative n’a pas de budget pour cela. Elle a engagé une personne sur une base horaire pour la facturation. Toutes les autres activités - démarchages des clients, stands aux braderies, foires agricoles et autres événements publics – sont faites par les producteurs eux-mêmes. Fin 2011, 716 euros ont pu être versés à chaque membre, "un petit 13e mois", comme l’a exprimé Fredy De Martines.
"Mais ce n’est pas l’aspect pécuniaire qui compte", a insisté le leader du LDB. "Ce qui importe, c’est le contact direct de nous comme groupe de professionnels, avec les consommateurs et le commerce". Un nouveau produit est dans les tuyaux pour l’automne ou l’hiver 2012: un lait frais "mais quelque chose d’inédit sur notre marché national".
Il est "de nouveau difficile, car saturé", a expliqué Fredy De Martines, qui pouvait annoncer que le matin même de ce 13 juin, MUH annonçait un prix en baisse de 3 cents, un prix de base de 27 cents. En 2009, le prix de base était descendu à 21 cents et ne permettait plus de financer les frais de production. Mais, depuis 2009, a donné à penser le syndicaliste, les frais de production ont augmenté avec les prix des fourrages, de l’engrais, de l’énergie, de 4 cts le litre. Bref, il faut retrancher ces 4 cents des 27 cents du prix de base actuel, et la différence avec les 21 cents de 2009 se réduit comme peau de chagrin. "Les variations des prix sur le marché sont rapides et dues à des dépassements de quotas minimes", a déclaré Fredy De Martines.
D’où une entrevue avec le Service d’économie rurale (SER) pour réfléchir à l’après-2015, quand les quotas de production de lait auront été supprimés dans l’UE. Actuellement, les quotas pour les producteurs luxembourgeois sont particulièrement bas, et les super-amendes pleuvent. Mais après 2015, la situation sur le marché n’aura pas fondamentalement changé selon Fredy De Martines. Si ni les quantités ni le chiffre d’affaires ne changeront, les choses seront positives, mais il n’en faudra pas moins se donner les moyens pour réagir à d’éventuelles difficultés. La Commission ne veut d’intervention pour sortir les excédents du marché que si le prix du litre passe en-dessous des 21 cents. Pour le syndicaliste, il faut éviter d’emblée les surproductions. D’où l’idée d’une instance de contrôle incluant les producteurs de lait, les laiteries, le commerce, les consommateurs et la politique pour suivre l’évolution des marchés et de la production, et donc la formation du prix. L’idée serait ici de fixer un prix-corridor qui évoluerait dans une fourchette de 6 cents, et de miser sur un système de quotas volontaires en fonction de la situation, à travers lequel les producteurs qui l’auraient accepté seraient dédommagés en cas de sortie des prix du corridor fixé. Mais, a admis Fredy De Martines, c’est un modèle, et pas la fin des discussions avec la Commission, le Parlement européen et les autorités nationales.