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Droits fondamentaux, lutte contre la discrimination - Traités et Affaires institutionnelles
Pas d’inscription d'office des ressortissants communautaires sur les listes électorales pour les élections communales au Luxembourg, où le vote est obligatoire pour tous les électeurs inscrits
L’inscription d’office est exclue parce que contraire à la directive 94/80/CE
08-06-2012


www.chd.luLe député CSV Serge Wilmes a posé une série de questions au ministre de l'Intérieur Jean.-Marie Halsdorf concernant l'inscription d'office des résidents communautaires sur les listes électorales des élections communales et la complication que pourrait soulever l’obligation de vote inscrite dans le code électoral luxembourgeois.

Le député constate que tous les citoyens de l'Union, qu’ils soient ou non ressortissants de l'État membre de résidence, peuvent y exercer leur droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales dans les mêmes conditions que les nationaux de l'État membre considéré. La directive 94/80/CE  prévoit qu’un "traitement spécifique des citoyens non nationaux ne se justifie qu'exceptionnellement, dans des circonstances particulières qui distinguent les non-nationaux des nationaux". D’autre part, le député constate que le Luxembourg est un des rares États membres de l'Union européenne à appliquer l'obligation de vote à ses nationaux. Le droit de vote et son corollaire, l'obligation de vote, dérivent donc directement de l'inscription d'office des ressortissants luxembourgeois sur les listes électorales.

La directive 94/80/CE tient compte de cette obligation de vote. Le paragraphe (2) de l’article 7 de la directive dit que si le vote est obligatoire dans l'Etat membre de résidence, cette obligation est également applicable aux élections visées, donc les élections communales. Enfin, le paragraphe 3 stipule que "les États membres dans lesquels le vote n'est pas obligatoire peuvent prévoir une inscription d'office sur la liste électorale des électeurs".

Pour le député, ces dispositions ne sont pas sans difficultés d'interprétation. "Est-ce que la directive 94/80/CE interdit l'inscription d'office des citoyens communautaires dans l'hypothèse où le vote est obligatoire, ou faut-il déduire du paragraphe (3) de l'article 7 que l'inscription d'office sur les listes électorales est un corollaire de l'obligation de vote et que les pays qui ne connaissent pas une telle obligation peuvent néanmoins recourir à l'inscription d'office ?"

Et de préciser son intention politique et l’esprit de sa question : "Nul ne doute de l'importance de la participation des ressortissants communautaires aux élections municipales afin d'assurer la légitimité démocratique des conseils des bourgmestres et échevins. Il paraît évident que l'inscription d'office sur les listes électorales pourrait à l'avenir faciliter la participation des résidents communautaires au processus démocratique."

A partir de là, Serge Wilmes adresse quatre questions au Ministre de l'Intérieur :

  1. S'il est d'avis que l'inscription d'office des ressortissants communautaires pourrait faciliter la participation des ressortissants communautaires aux élections communales ?
  2. S'il estime qu’il faudrait interpréter l'article 7 paragraphe (2) de la directive 94/80/CE dans le sens que cette disposition s'opposerait à l'inscription d'office des ressortissants communautaires ?
  3. Dans l’affirmative, ne faudrait-il pas intervenir auprès des autorités communautaires pour permettre l'inscription d'office des résidents communautaires dans les Etats qui pratiquent l’obligation de vote?
  4. Si jamais le droit communautaire s'opposait à l'inscription d'office couplée à l'obligation de vote, ne serait-il pas possible de prévoir, comme règle générale, un mécanisme d'inscription automatique qui faciliterait les démarches administratives des ressortissants communautaires tout en leur permettant de notifier aux autorités leur intention de ne pas participer au vote ?

Le gouvernement du Grand-Duché de LuxembourgDans sa réponse, le ministre de l'Intérieur et à la Grande Région, Jean-Marie Halsdorf, explique que la transposition de la directive 94/80/CE dans la législation luxembourgeoise a tenu compte de la spécificité que le vote obligatoire est ancré dans la loi électorale du pays. Ainsi, les ressortissants étrangers qui se sont fait inscrire sur une liste électorale y sont maintenus, dans les mêmes conditions que les électeurs luxembourgeois, jusqu'à ce qu'ils demandent à être rayés ou jusqu'à ce qu'ils soient rayés d'office parce qu'ils ne répondent plus aux conditions requises pour l'exercice du droit de vote.

A partir du moment où un ressortissant communautaire a été inscrit sur la liste électorale pour les élections communales suite à sa demande expresse, il est obligé de participer au vote comme le prévoit la loi. Pour le ministre, le texte de la directive, du moins dans la version linguistique qui concerne le Luxembourg, est plutôt clair et ne laisse guère de grande latitude d'interprétation. Aux termes du paragraphe (2) "si le vote est obligatoire dans l'État membre de résidence, cette obligation est également applicable aux électeurs visés à l'article 3 qui s'y sont inscrits sur la liste électorale". Les citoyens d'un Etat membre remplissant les conditions d'accès au droit de vote définies à l'article 3 peuvent donc être soumis à l'obligation de vote à condition de s'être inscrits sur la liste électorale.

L'inscription volontaire constitue dès lors une condition préalable à l'obligation de vote. Cet état de choses est corroboré selon Jean-Marie Halsdorf par le texte du paragraphe (3) qui autorise l'inscription d'office uniquement dans le cas où l'Etat membre concerné ne pratique pas le vote obligatoire : "Les États membres dans lesquels le vote n'est pas obligatoire peuvent prévoir une inscription d'office sur la liste électorale des électeurs visés à l'article 3."

Et répondant donc plus directement aux questions du député, Jean-Marie Halsdorf dit : "Au Luxembourg, où le vote est obligatoire pour tous les électeurs inscrits sur les listes électorales, l'inscription d'office des ressortissants communautaires sur les listes électorales pour les élections communales est donc exclue parce qu'elle serait contraire à la directive 94/80/CE, alors qu'une inscription d'office des ressortissants communautaires obligerait automatiquement tous ces ressortissants à participer au vote et leur enlèverait la liberté de choisir s'ils veulent oui ou non exercer leur droit de vote lors des élections dans leur commune de résidence."

Il rappelle ensuite que le Luxembourg "non seulement applique le droit de vote actif et passif au niveau communal de la manière la plus large et la plus libérale de tous les Etats membres de l'UE, mais qu'il multiplie par ailleurs les démarches pour inciter les résidents non-luxembourgeois à s'inscrire". Et de renvoyer à sa circulaire n° 2908 du 29 mars 2011 relative à l'inscription des ressortissants non-luxembourgeois sur les listes électorales dans laquelle il a entre autres, invité les autorités communales "à favoriser les inscriptions sur les listes électorales des nouveaux résidents de nationalité étrangère en donnant instruction aux services communaux d'informer de manière systématique tous les ressortissants étrangers, au moment de leur inscription sur les registres de la population, sur les conditions de l'exercice du droit de vote".