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Énergie
Claude Turmes a parlé devant le Deutscher Verein du virage et de la question énergétiques en Europe
14-06-2012


Claude Turmes, lors de sa conférence pour le Deutscher Verein, le 14 juin 2012C’est un Claude Turmes heureux d’avoir réussi à négocier un compromis viable comme rapporteur sur la directive sur l’efficacité énergétique qui a pris la parole le 14 juin 2012 devant le Deutscher Verein (DV) sur la question énergétique en Europe. L’énergie est pour l’eurodéputé vert une affaire passionnante, parce qu’elle est au cœur du fonctionnement des sociétés et à l’intersection entre l’homme et sa planète dont les ressources sont limitées. Elle est une affaire pleine de risques – voir le nucléaire, Fukushima -, un enjeu social, car elle doit rester économiquement accessible et ne pas entraîner la pauvreté, et elle doit être partagée à un moment où de nouveaux consommateurs entrants comme la Chine et ses classes moyennes modifient la donne. "Un copy-paste du modèle occidental n’est plus possible", est un des truismes de Claude Turmes, mais qui est moins évident dans la pratique.

L’impact sectoriel du virage énergétique

Le virage énergétique, c’est la réduction des émissions de CO2 de 80 %, et cela concerne les secteurs des producteurs d’énergie, de l’industrie, de la construction et des transports. Des nouvelles technologies s’annoncent, comme enterrer le CO2, mais elles ne sont pas encore au point, met en garde Claude Turmes. Ce qui est central dans l’approche de l’efficacité énergétique, c’est tout ce qui se passe dans la construction. Car dans les transports, on saura devenir plus efficients, mais avec leur augmentation, ils ne vont pas contribuer à la réduction de CO2. Le taux de rénovation de 2 % du bâti existant qui sera induit par la nouvelle directive de l’UE sera décisif, dans la mesure où il va bousculer les cycles de rénovation actuels qui durent actuellement autour de 30 ans. Les nouvelles méthodes de rénovation permettront de miser sur le « l’approche par le passif » dès maintenant et donc de permettre une maîtrise des coûts, qui sont un enjeu majeur.  

La charge financière de l’importation d’énergie

Ce qui importe à Claude Turmes, c’est que l’UE se dégage du piège économique qui l’oblige à débourser bon an mal an autour de 500 milliards d’euros pour importer de l’énergie basée sur des matières qui ont atteint leur pic d’extraction. Pour lui, ce n’est pas un hasard si les pays les plus en crise dans l’UE, l’Espagne, l’Italie, la Grèce et le Portugal, sont aussi les pays les plus dépendants des importations, notamment de pétrole. Le Royaume Uni est lui aussi fortement impacté. Les réponses qui sont déployées pour réagir à cette situation difficile – les forages off-shore, le recours aux sables de schistes, le financement de régimes antidémocratiques et des missions de prospection tous azimuts – resteront aléatoires. Le nucléaire est de son côté, depuis Fukushima, moins que jamais une alternative et il est de plus en plus perçu comme une impasse économique et sécuritaire.

L’UE et la question de l’énergie

L’UE est active dans le secteur de l’énergie depuis plusieurs dizaines d’années, tant par sa législation qui a imposé de nombreuses normes ( par ex. sur les ampoules électriques) et usages pour faire des économies d’énergie que par le marché intérieur de l’énergie, explique Claude Turmes. Mais son budget n’équivaut qu’à un seul pourcent du PIB européen. Cet argent est investi dans le R&D, mais ici plus dans le nucléaire que dans les énergies renouvelables, dans les Fonds structurels, où 3 à 4 % des fonds vont dans des projets liées à l’énergie, mais seulement 0,3 % en Espagne, puis dans le Fonds européen pour la promotion de l’efficacité énergétique (EEEF) lié à la BEI.

De l’autre côté, a souligné Claude Turmes, l’UE a peu d’influence sur les prix de l’énergie, notamment du pétrole et du gaz. Elle est ensuite entrée dans un cycle de réinvestissement des infrastructures liées à l’électricité, et c’est là qu’il faut aider, pense l’eurodéputé, les acteurs à devenir plus efficients. Dans ce contexte, la nouvelle directive va obliger les acteurs à passer collectivement d’une consommation annuelle de1842 Mtoe à une consommation de 1474 Mtoe. Cela aura un impact sur les grandes entreprises dans le secteur de l’énergie, dont le modèle d’affaires ne mise évidemment pas sur un rétrécissement des quantités d’énergie mises sur le marché, mais sur son expansion. Le lobby du gaz a ainsi déployé de nombreuses activités pour empêcher que la directive n’inclue des normes exigeantes dans le secteur de la construction, ou bien de pousser vers des compensations dans le secteur des transports.

Mais l’accord a été conclu en Europe sur cette réduction. Il a fallu cinq ans entre la décision du Conseil européen sur le principe du 20-20-20, c’est à-dire 20 % de moins d’émissions de CO2 et 20 % d’énergies renouvelables dans la consommation finale d’ici 2020 dans l’UE, et le vote de la directive, avec un travail sur la directive elle-même qui a duré entre juin 2011, lorsque la proposition de la Commission a été soumise, jusqu’à juin 2012.

Les énergies renouvelables

Les énergies renouvelables sont la grande aventure énergétique des prochaines décennies. Les grands projets, ce sont les réflecteurs d’énergie solaire, les éoliennes capables de produire jusqu’à 5 mégawatts, un potentiel équivalant à celui de 120 centrales nucléaires, en plus des machines qui auront compensé leur coût énergétique en un à maximum deux ans de fonctionnement. Au niveau local, il sera misé sur une énergie photovoltaïque devenue accessible et elle aussi capable de compenser en un an et demi son bilan énergétique à la production, sur le biogaz et la biothermie aussi. Voilà tout un éventail de technologies capables de capter les énergies renouvelables, et de créer par ailleurs de très nombreux emplois. La Chine, le nouvel entrant sur le marché de l’énergie, investit elle aussi pour ses 1,5 milliards d’habitants dans certaines de ces technologies. Le problème, c’est qu’elle s’approprie le savoir-faire européen sans réciprocité, ce qui est pour Claude Turmes un des problèmes importants à négocier avec les Chinois.       

L’énergie qui doit nourrir les réseaux de distribution d’électricité sera donc de plus en plus faite d’un "mix" de nombreuses sources, de plus en plus renouvelables et de moins en moins conventionnelles et dont l’intensité varie au cours de la journée. Or, un réseau doit distribuer un courant stable. Des études sont donc menées, explique l’eurodéputé, pour trouver des solutions, où les centrales à accumulation, en hauteur comme celle de Vianden par exemple, joueront un rôle essentiel. Par ailleurs, le réseau de distribution doit être complètement repensé et reconstruit, ce qui implique des investissements colossaux qui devront néanmoins générer des rendements pour les investisseurs.

Le Luxembourg et le virage énergétique

Et le Luxembourg ? Le bilan est multiple et contradictoire pour Claude Turmes. Le Luxembourg est le plus grand consommateur de CO2 par habitant. Il pratique les prix de l’énergie les plus bas. Sa politique de l’énergie est pour l’eurodéputé "une politique du chéquier". Mais, reconnaît-il, les nouvelles normes qui obligent les maîtres d’œuvre de bâtiments neufs à construire selon les normes du "bâtiment à consommation d’énergie quasi nulle" dans le secteur public à partir de 2019 et dans le secteur privé à partir de 2021 vont plus loin que les exigences inscrites la directive européenne 2010/31/UE. Reste le grand retard dans le domaine des énergies renouvelables et le chaos qui règne dans les transports et la mobilité.

Des éléments de géopolitique européenne de l’énergie

Claude Turmes, lors de sa conférence pour le Deutscher Verein, le 14 juin 2012Lors de la discussion, Claude Turmes a encore longuement évoqué la géopolitique des nouveaux réseaux de distribution et la nécessité pour l’UE de regagner une partie de sa souveraineté énergétique. Il a fait la part des vrais espoirs – une Grèce et d’autres pays du Sud européens dotés des tenants et des aboutissants d’une industrie solaire - et des grandes illusions – comme cette industrie solaire dans les déserts du Maghreb qui alimenterait l’Europe, alors que l’âge médian de 20 ans d’une population qui explose dans ces régions dit tout des besoins que l’Afrique a pour elle-même. Il a évoqué une France encore toute rivée sur le tout nucléaire et tellement réticente à entrer dans le jeu du virage énergétique qu’elle construit autour d’elle une ceinture de sécurité faite de clients et d’infrastructures qui sont censés l’isoler et protéger de ce que l’Allemagne est en train de tenter. Il a parlé des atouts et  des risques pris par l’Allemagne, de la réticence des investisseurs, des limites de l’économie monétaire dans le domaine énergétique. Pour lui, l’enjeu énergétique, "c’est comme si on était en guerre". Et d’évoquer, à titre de comparaison, Franklin Roosevelt et la conversion forcée de la production de voitures privées en production d’avions pour l’effort militaire. Mais c’est une autre histoire.