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Concurrence - Transports
La Commission européenne a présenté un ensemble de propositions pour stimuler la compétitivité internationale du secteur européen de l’aviation selon elle plus durement touché par la récession que celui d’autres régions du monde
26-09-2012


(c) Commission européenneLa Commission européenne a présenté le 26 septembre 2012 un ensemble de propositions dont l’objectif est "de stimuler la compétitivité internationale du secteur européen de l’aviation en entamant des négociations avec des partenaires clés afin d’accéder à des débouchés commerciaux sur des marchés à croissance rapide, en mettant au point de nouveaux outils de lutte contre la concurrence déloyale et en créant un cadre réglementaire propice à la stimulation des investissements."

La Commission européenne est partie de plusieurs constats.

Que représente l’aviation en Europe ?

Le secteur aérien représente 2,4 % du PIB européen, soit 365 milliards d’euros et 5,1 millions d’emplois. Il apporte une contribution essentielle à la croissance économique, à l’emploi, au tourisme, aux contacts entre les individus ainsi qu’à la cohésion régionale et sociale de l’Union. La connectivité est cruciale pour la compétitivité.

Dans l’ensemble, le secteur aérien européen occupe toujours une position de premier plan au niveau mondial en ce qui concerne la construction, les compagnies aériennes, les plateformes aéroportuaires ainsi que la recherche et la technologie en matière de gestion du trafic aérien (avec notamment le programme SESAR). Cependant, cette position est menacée, car de nouveaux défis se posent.

Les transporteurs aériens européens ont été frappés très durement par la récession. L’IATA prévoit que les compagnies aériennes commerciales européennes, dont les bénéfices nets atteignaient 0,5 milliard USD en 2011, enregistrent des pertes nettes de 1,1 milliard USD en 2012.

En dépit de la crise économique actuelle, le transport aérien mondial devrait, à long terme, croître d’environ 5 % par an jusqu’en 2030, soit une augmentation composée de plus de 150 %.

Les trois grands défis du secteur aérien européen

La Commission européenne doit faire dans le contexte de l’aviation un triple constat : la croissance se déplace vers d’autres régions du monde, la concurrence internationale est devenue très intense, et elle n’est pas toujours loyale, et finalement, les installations aéroportuaires européennes souffrent d’un sous-investissement qui a pour conséquence que les plus grands aéroports européens sont encombrés et de moins en moins concurrentiels. 

1. Déplacement de la croissance vers d’autres régions du monde

La demande de transport aérien est tirée vers le haut principalement par la croissance et la prospérité économiques. Étant donné le taux de croissance annuel moyen du PIB européen, prévu à 1,9 %  pour la période de 2011 à 2030 alors qu’il serait, par exemple, de 7,5 % pour l’Inde et 7,2 % pour la Chine, la croissance du secteur aérien devrait connaître un déplacement relatif vers des zones autres que l’UE ; l’Asie et le Moyen-Orient, en particulier, devraient devenir le centre des flux de trafic aérien internationaux.

La moitié de l’augmentation du trafic aérien mondial au cours des 20 prochaines années proviendra de vols à destination ou en provenance de la région Asie-Pacifique, qui passera ainsi devant les États-Unis et deviendra le leader mondial du trafic aérien d’ici à 2030, avec une part de marché de 38 %.

Vu les taux de croissance inférieurs à la moyenne, les transporteurs de l’UE vont perdre des parts de marché face aux compagnies hors UE dans la plupart des régions. En 2003, les transporteurs de l’UE détenaient une part de marché de 29 % de l’ensemble de la capacité intercontinentale dans le monde. D’ici à 2025, cette part devrait tomber à 20 %. Vue cette tendance, si rien n’est fait, les compagnies aériennes seront de moins en moins capables de générer de la croissance pour l’économie européenne.

2. Concurrence internationale intense

Les transporteurs hors UE renforcent leur position mondiale. Par exemple, la croissance la plus rapide du trafic régional dans le monde devrait être enregistrée au Moyen-Orient; les compagnies aériennes de la région représenteront 11 % du trafic mondial en 2030, contre 7 % en 2010.

L’UE considère l’ouverture des marchés comme la meilleure base possible pour le développement des relations internationales dans le domaine de l’aviation ; c’est pourquoi elle soutient la concurrence. Cependant, il est essentiel que cette concurrence soit loyale et ouverte. Par exemple, il est légitime de défendre le secteur contre la concurrence déloyale lorsque, sur certains marchés, les subventions, les pratiques déloyales, l’application incohérente ou discriminatoire des réglementations et le manque de transparence au niveau des informations financières des entreprises sont utilisés pour fausser le marché.

3. Infrastructures et investissements

L’Europe souffre d’un sous-investissement dans les infrastructures aéroportuaires qui a pour conséquence un encombrement croissant de ses plus grands aéroports. Cela empêche les plateformes aéroportuaires européennes de concurrencer les nouveaux grands aéroports qui se développent dans les autres parties du monde. Pour que la compétitivité européenne soit maintenue, il faut donc remédier à la pénurie de capacités des aéroports européens clés.

Les investissements dans les compagnies aériennes sont selon la Commission restreints de façon artificielle. Pour elle, "la plupart des pays conservent encore des règles stipulant que les compagnies aériennes doivent être majoritairement détenues et contrôlées par leurs propres ressortissants, empêchant ainsi les transporteurs aériens de faire appel à d’autres investisseurs et à d’autres marchés de capitaux." La Commission taxe ces règles de "structure artificielle qui n’existe pas dans les autres secteurs". La consolidation transfrontalière, considérée par beaucoup comme un prérequis pour développer une industrie du transport aérien plus durable au point de vue économique, est fortement limitée. Il est donc pour la Commission nécessaire de réformer les règles dépassées applicables aux compagnies aériennes en matière de propriété et de contrôle.

Les propositions de la Commission européenne

Face à ces défis, et dans le but de créer de nouvelles perspectives commerciales sur des marchés en plein essor, la Commission européenne propose une politique extérieure plus ambitieuse dans le domaine de l’aviation, en plaidant pour une approche beaucoup plus coordonnée et résolue visant à renforcer sa capacité de défendre les intérêts européens.

En particulier, elle propose des actions dans trois domaines cruciaux.

1. De nouveaux accords aériens avec les pays voisins et partenaires

Pour donner au secteur aérien de l’UE un meilleur accès aux débouchés qui se présentent sur de nouveaux marchés, la Commission propose :

  • de conclure, au niveau de l’UE, des accords aériens avec des partenaires clés en matière d’aviation dont l’importance va croissant, tels que la Chine, la Russie, les États du Golfe, le Japon, l’Inde et les pays de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (Brunei, Cambodge, Indonésie, Laos, Malaisie, Myanmar, Philippines, Singapour, Thaïlande, Viêtnam)  ;
  • de finaliser d’ici à 2015 les accords aériens avec les pays voisins tels que l’Ukraine, l’Azerbaïdjan, la Tunisie, la Turquie et l’Égypte. Afin d’accélérer ce processus, les États membres devraient accorder à la Commission un mandat général de négociation pour les pays du voisinage restants.

Les avantages économiques apportés par ces accords sont estimés à 12 milliards d’euros par an au total. Ils proviendraient à plus de 70 % de la baisse des prix due à l’accroissement de la concurrence lors de la suppression des restrictions d’accès aux marchés entre l’UE et ces pays partenaires ; la concurrence est actuellement limitée par des accords bilatéraux individuels entre ces derniers et les États membres de l’UE.

La Commission entend proposer aux États membres, début 2013, une liste de priorités pour les mandats de négociation de l’UE en vue de ces accords.

Par ailleurs, des accords industriels et technologiques devraient être signés avec les partenaires clés et d’autres pays dans des domaines comme la gestion du trafic aérien, y compris la coopération avec le programme européen SESAR, et la sécurité, y compris la certification des produits aéronautiques.

2. Des mesures pour renforcer la loyauté de la concurrence

L’UE considère l’ouverture des marchés comme la meilleure base possible pour le développement des relations internationales dans le domaine de l’aviation, et soutient la concurrence. Il s’agit là d’une leçon fondamentale tirée du succès du marché intérieur de l’aviation de l’UE; cependant, la concurrence doit être ouverte et loyale.

Afin de préserver la concurrence loyale, la Commission propose de mettre au point, après concertation avec les parties intéressées, un nouvel instrument, plus efficace, pour protéger les intérêts européens contre les pratiques déloyales. L’application du règlement européen existant en la matière (règlement (CE) nº 868/2004) pose trop de problèmes ; un nouvel instrument, mieux adapté aux réalités du secteur aérien mondial d’aujourd’hui, doit dès lors être mis en place.

L’élaboration du règlement actuel remonte à l’après 11 septembre 2001, alors que l’on craignait que les transporteurs aériens de l’UE ne soient confrontés à un dumping sur le marché transatlantique. Il a été calqué sur les procédures antidumping appliquées au commerce des marchandises. Cependant, il s’est révélé pratiquement impossible d’établir l’existence de pratiques tarifaires déloyales dans l’aviation internationale, entre autres parce qu’il est difficile de comparer les systèmes complexes de tarification appliqués par les compagnies aériennes pour des services de transport aérien similaires.

Dans le marché aérien international d’aujourd’hui, de plus en plus ouvert et concurrentiel, un des objectifs clés de la politique extérieure de l’UE dans le domaine de l’aviation est de garantir une concurrence loyale. À cet effet, un instrument plus efficace et plus dissuasif, à utiliser en dernier recours, est nécessaire pour garantir des conditions de concurrence équitables et, ainsi, préserver la loyauté de la concurrence. Ce nouvel instrument devrait mieux tenir compte des caractéristiques du secteur du transport aérien international et devrait prévoir une procédure efficace pour les cas dûment étayés de concurrence déloyale.

Des "clauses de concurrence loyale" standard sont prévues à titre de mesure de sauvegarde supplémentaire; elles seront élaborées au niveau de l’UE, qui est le plus approprié, et seront insérées dans les accords de services aériens bilatéraux existant entre des États membres de l’UE et des pays tiers. En pratique, dans leurs accords bilatéraux, les États membres de l’UE et les pays partenaires établiraient en commun des procédures visant à préserver la concurrence loyale pour leurs services aériens respectifs.

3. Lutter contre les restrictions archaïques en matière de propriété et de contrôle

Les restrictions actuelles en matière de propriété et de contrôle qui sont appliquées par la plupart des pays empêchent les transporteurs d’accéder à des sources importantes de nouveaux capitaux.

Il est pour la Commission temps d’aborder cette question de manière plus déterminée et de prendre les mesures supplémentaires envisagées dans l’accord UE – États-Unis sur le transport aérien pour libéraliser la propriété et le contrôle des compagnies aériennes afin de permettre à celles-ci de se consolider et d’attirer les investissements dont elles ont besoin.

Cet objectif devrait aussi être poursuivi au niveau de l’OACI, notamment lors de la conférence mondiale du transport aérien de mars 2013. La consolidation transfrontalière, considérée par beaucoup comme un prérequis pour développer une industrie du transport aérien plus durable au point de vue économique, est fortement limitée. Aux États-Unis par exemple, les investisseurs étrangers ne peuvent pas détenir plus de 25 % des actions avec droit de vote d’une compagnie aérienne. Dans l’UE, la part détenue par des étrangers est, en règle générale, limitée à 49 %. Cependant, des exceptions à cette règle peuvent être prévues dans les accords entre l’UE et des pays tiers, ce que l’UE cherche à faire avec ses partenaires clés.

Après consultation des États membres lors du Conseil "Transports" de décembre 2012, la Commission entend aller de l’avant avec ces propositions et notamment établir une liste des priorités relative aux mandats de négociation de l’UE au début de 2013.

Commentaires dans la presse

Nombreux sont les commentateurs, dont l’AFP, qui disent que les propositions de la Commission risquent de se heurter au différend entre l'UE et de nombreux pays dont la Chine, les Etats-Unis et la Russie, qui s'opposent à la taxe européenne sur les émissions polluantes des avions. Et le Financial Times Deutschland évoque le mois d’avril 2013, "l’échéance critique", car à ce moment-là, les lignes aériennes devront présenter leurs certificats d’émission sur 2012 ou bien payer des pénalités.

Sur les raisons qui ont par ailleurs pu pousser la Commission à présenter maintenant ses propositions, ont lit dans le quotidien "Les Echos" du 26 septembre 2012 que ce sont "les inquiétudes des compagnies aériennes européennes Les Echosface à la concurrence pas toujours loyale des acteurs des pays émergents" qui auraient commencé à porter, avec l’idée, selon le journal, "de se doter d'armes efficaces contre les pratiques peu équitables de certains pays, notamment ceux du Golfe Persique" où une source de la Commission parle "d’un faisceau de présomptions". Et il cite un acteur du secteur qui déclare : "Il faut rééquilibrer le paysage concurrentiel et cette prise de position de la Commission européenne, si elle est avant tout politique, constitue un pas important dans cette direction.". L’ouverture du marché unique à ces firmes est donc abordée avec prudence, mais la volonté clairement affichée de la Commission est selon le journal que "plutôt que de laisser les Etats membres continuer à négocier seuls des accords bilatéraux avec des partenaires extérieurs, l'exécutif communautaire voudrait les négocier lui-même."

Face aux propositions de la Commission, "Les Echos" croit savoir que les grands Etats membres comme la France, l'Allemagne, l'Italie ou la Grande-Bretagne restent prudents. Le quotidien cite par ailleurs un diplomate européen : "Il nous faut être certain que nos intérêts seront mieux défendus par Bruxelles. Ce dernier a un peu trop tendance à rechercher la concurrence au profit du consommateur et à oublier le salarié."