La publication de cette étude survient en amont de la conférence "Le multilinguisme en Europe", que la Commission européenne organise dans la ville chypriote de Limassol, du 26 au 28 septembre. Elle fait état de la poursuite d'une évolution favorable et toujours plus précoce de la connaissance des langues étrangères par les élèves européens. L'objectif visé par la Commission européenne, notamment consigné lors du Conseil de Barcelone de 2002, est une Europe où chacun apprend, dès le plus jeune âge, au moins deux langues en plus de sa langue maternelle. C'est ce qu'elle appelle "l'objectif langue maternelle + 2".
Le rapport constate que l'anglais est la langue étrangère la plus enseignée dans la quasi-totalité des 32 pays et que c'est "une tendance de plus en plus prononcée depuis 2004/2005", lit-on dans le résumé de l'étude publié à cette occasion. Cette augmentation est observée à tous les niveaux d'éducation. Dans l'enseignement secondaire général, le taux d'élèves apprenant l'anglais dépasse les 90 % (il atteint 74.9 % dans le secondaire technique). Toutefois, c'est dans le primaire qu'on observe la tendance à la hausse la plus forte. En 2009-10, 73 % des élèves du primaire apprenaient l'anglais.
L'allemand et le français arrivent en deuxième position, loin toutefois derrière l'anglais. Alors que l'allemand est "particulièrement populaire" en Europe centrale et en Europe de l'Est, le français est principalement appris dans l'Europe du Sud.
L'espagnol arrive en quatrième position dans un "nombre significatif de pays" pour le secondaire supérieur. Il est suivi de l'italien, représenté dans un plus petit nombre de pays. Le russe est important en Lettonie, Lituanie et Bulgarie, pays dans lesquels il est la deuxième langue étrangère la plus enseignée.
En 2009/10, le pourcentage d'élèves apprenant d'autres langues que l'anglais, le français, l'allemand, le russe et l'espagnol, se situait sous la barre des 5 % dans la plupart des pays et même sous les 1 % dans bon nombre d'entre eux.
Les auteurs du rapport constatent par ailleurs que le niveau élevé de l'apprentissage de l'anglais comme langue étrangère dans le secondaire est indépendant du caractère obligatoire ou facultatif de son enseignement. "En revanche, rendre l'allemand ou le français obligatoire a un impact clair sur la proportion des étudiants qui l'apprennent."
Il n'y a qu'à Malte et au Royaume-Uni que les élèves de l'enseignement général, ces deux dernières décennies, n'ont pas tous nécessairement appris une langue étrangère. D'autre part, le Royaume-Uni est le seul à avoir baissé le nombre d'années d'apprentissage de langues étrangères.
La pratique la plus partagée à travers l'Europe est que tous les étudiants doivent apprendre au minimum deux langues étrangères pendant au moins une année durant le cursus scolaire obligatoire. Le Royaume-Uni et l'Irlande sont les seuls territoires sur lesquels il n'y a pas d'obligation pour les écoles d'accorder à leurs élèves la possibilité d'apprendre deux langues étrangères dans leur cursus. Ce constat va à contre-courant d'un autre phénomène mis en avant par le rapport : "Le pourcentage d'élèves apprenant deux langues étrangères augmente en particulier dans le secondaire inférieur." Ainsi, en 2009/10, 60,8 % en moyenne des étudiants de l'enseignement secondaire inférieur étudiaient deux langues étrangères ou plus – ce qui représente une augmentation de 14,1 % par rapport à 2004/05.
L'étude souligne aussi que l'apprentissage d'une langue étrangère est à l'école de plus en plus précoce. En effet, au cours des 15 dernières années, la majorité des pays ou régions ont abaissé l'âge de début de l’apprentissage obligatoire des langues étrangères, cependant que "le temps consacré à cet enseignement n'a pas augmenté de manière significative et reste plutôt réduit par rapport à d'autres matières". Désormais, la plupart des élèves commencent à apprendre une langue entre 6 et 9 ans.
Entre 2004 et 2010, la proportion d’élèves de l’enseignement primaire qui n'apprenaient pas de langue étrangère s’est réduite de 32,5 % à 21,8 %.
A noter encore, qu'en la matière, la Communauté germanophone de Belgique fait figure de pionnière, en étant la seule région ou pays à proposer l'apprentissage des langues dès le préscolaire (3 ans).
Le rapport s'intéresse également aux enseignants. Il constate que le programme européen de formation des enseignants à l'étranger, Comenius, suit la même tendance que l'apprentissage des élèves quant au choix des langues : En 2009, les formations en anglais (76.4 % des demandes) arrivaient largement en tête des demandes devant le français (11.3 %), l'allemand et l'espagnol (tous deux autour de 5 %).
Le document souligne encore que "rares sont les pays qui exigent de leurs futurs professeurs de langues de faire un séjour en immersion à l'étranger". De ce fait, "seulement 53,8 % des professeurs de langues étrangères qui ont participé à la récente enquête européenne sur les compétences linguistiques ont déclaré avoir étudié pendant plus d'un mois dans un pays où est parlée la langue qu'ils enseignent." Toutefois, il existe en la matière de fortes disparités selon les pays, entre par exemple les enseignants espagnols qui sont 79,7% à déclarer l'avoir fait, les 11 % d'enseignants estoniens qui ont suivi la même voie.
Pour cause, "seuls quelques systèmes éducatifs", parmi lesquels les systèmes français, allemand, luxembourgeois, wallon et britanniques, disposent de recommandations spécifiant que les aspirants enseignants sont obligés de passer une certaine période dans le pays où leur langue d'enseignement est parlée, avant de terminer leur qualification.
En matière de formation à l'étranger, "la situation du Luxembourg est unique dans le mesure où les candidats font leurs études d'enseignant à l'étranger et les dispositions spécifient qu'ils doivent étudier dans le pays de la langue qu'ils veulent enseigner".
Tout au long du rapport, le Luxembourg, dans lequel tout élève commence à apprendre l'allemand comme matière obligatoire à six ans, et le français à sept ans, occupe parmi les 32 pays soumis à étude, une position particulière.
Un paradoxe de la situation de Luxembourg est ainsi que l'anglais n'y est pas la langue la plus enseignée. Certes, dès douze ans, dans certaines filières, les élèves doivent apprendre l'anglais comme troisième langue, qui devient obligatoire pour chaque élève atteignant 14 ans. L'obligation d'apprendre l'anglais court alors jusqu'à l'âge de 19 ans. Toutefois, dans le secondaire inférieur, 100 % des élèves apprennent l'allemand et le français tandis que 53,7 % apprennent l'anglais. Dans le secondaire supérieur, 84,7 % des élèves apprennent le français, 79,4 % l'allemand, 70,9 % l'anglais et 2 % l'espagnol.
La Communauté flamande de Belgique, Chypre et le Luxembourg sont d'ailleurs les trois seuls pays ou communauté qui comptent un taux d'apprentissage du français supérieur à 90 % dans le secondaire inférieur.
Le Luxembourg est aussi le pays qui propose le moins de différence dans le volume d'enseignement entre la première et la deuxième langue étrangère, toutes deux, française et allemande, étant des langues d'instruction.
Si beaucoup de pays font commencer une seconde langue étrangère trois ans ou moins après la première, le Luxembourg partage avec l'Islande la particularité d'introduire cette seconde langue, seulement un an après la première. "Le Luxembourg et l'Islande sont les seuls pays dans lesquels tous les élèves dans l'éducation classique (générale) doivent apprendre trois langues", note par ailleurs le rapport.
Mais la durée d'enseignement diffère beaucoup. Au Luxembourg, l'apprentissage simultané des trois langues dure cinq années (entre 14 et 19 ans) contre un an en Islande (entre 17 et 18 ans). Dans le secondaire inférieur, le Luxembourg est le pays qui a la plus grande moyenne de langues étrangères enseignées (2.5), devant les Pays-Bas (2.2) et la Finlande (2.2).
Par ailleurs, le Luxembourg, le Liechtenstein et l'Islande sont les trois seuls pays dans lesquels des élèves peuvent avoir à apprendre jusqu'à quatre langues étrangères.
Le Luxembourg appartient aussi au lot de pays ou régions qui, entre 1993/94 et 2010/11, n'ont pas abaissé l'âge de début de l'apprentissage obligatoire d'une langue étrangère par l'ensemble des élèves. Mais il se distingue dans ce groupe avec Malte, pour avoir déjà avant 1994 enseigné une langue étrangère dès la première année d'école.
Le Luxembourg apparaît en toute logique en tête en termes de part du temps consacré à l'apprentissage des langues. Alors qu'il est en moyenne inférieur à 10 % pour l'enseignement primaire parmi les 32 pays étudiés, ce taux atteint 40.5 % du temps dans les écoles luxembourgeoises. Le Luxembourg est encore une fois suivi par la Communauté germanophone de Belgique (14.3 %) et Malte (15.2 %).
Pour ce qui est du secondaire, les écarts sont moins grands. Le Luxembourg reste en tête avec plus de 40 % du temps consacré à l'apprentissage des langues, contre environ 27 % à Malte et dans les lycées allemands, autour de 20 % en Estonie, France, Islande et Liechtenstein.
Le Luxembourg et Malte ont le plus grand nombre d'heures d'enseignement consacrées aux langues étrangères. Luxembourg recommande 408 heures par an dans le primaire et 423 dans le secondaire (127 et 199 heures pour Malte).
Parmi les domaines à développer, le rapport constate qu'il n'y a que peu de pays qui proposent l'enseignement d'une manière non linguistique dans une langue étrangère. La communauté germanophone de Belgique, le Luxembourg et Malte sont les seuls pays à le proposer dans toutes leurs écoles.
Enfin, le Luxembourg est aussi le pays qui fait atteindre à ses élèves le plus haut niveau de compétences en langue. "Ce haut niveau est atteint en raison des circonstances particulières liées à l'usage linguistique au Luxembourg où l'allemand et le français sont des langues d'instruction", souligne une énième fois le rapport.
"La diversité linguistique et culturelle est l'un des principaux atouts de l'Union européenne. L'apprentissage des langues facilite la communication entre les peuples et les pays et stimule la mobilité transfrontalière et l'intégration des migrants.", a déclaré Androulla Vassiliou, membre de la Commission européenne chargée de l’éducation, de la culture, du multilinguisme et de la jeunesse, lors de la présentation de cette étude riche en enseignements.
La commissaire européenne a également encouragé à voir " plus loin que les langues les plus fréquemment utilisées afin de pouvoir apprécier l'incroyable diversité linguistique de l’Europe" et de ses 23 langues officielles.
Pour encourager les progrès vers la réalisation de l'objectif "langue maternelle + 2", la nouvelle stratégie «Repenser les compétences» de la Commission, qui devrait être adoptée en novembre, proposera des critères de référence pour l'apprentissage des langues. Cet objectif a été fixé par les chefs d'État et de gouvernement européens au sommet de Barcelone en mars 2002, lequel avait notamment appelé à la création d'un indicateur sur les compétences linguistiques.
Cette stratégie insistera également "sur la nécessité de remédier aux disparités géographiques dans l'éducation". En 2013, la Commission devrait présenter des conseils stratégiques aux États membres sur les moyens d'améliorer l'équité dans les systèmes d'éducation et de formation. Un deuxième rapport sur les inégalités géographiques en matière d'éducation dans l'UE sera alors publié, après celui présenté le 14 septembre 2012.
La nouvelle stratégie s'intègrera à la suite de la communication de la Commission européenne baptisée Multilinguisme: un atout pour l'Europe et un engagement commun (2008) et la résolution du Conseil sur une stratégie européenne pour le multilinguisme.
"L'encouragement de l'apprentissage des langues est l'un des principaux objectifs de la stratégie de la Commission dans le domaine de l’éducation et de la formation ("Éducation et formation 2020"), et il est également indispensable pour stimuler la mobilité transfrontalière des citoyens de l'UE, qui est l'un des objectifs de la stratégie Europe 2020 pour l'emploi et la croissance", conclut la Commission européenne dans son communiqué.