Rendue publique en mai 2012, validée par les membres des deux coopératives en juin 2012, notifiée à la Commission européenne en août et autorisée par cette dernière le 28 septembre 2012, la fusion entre la coopérative latière internationale Arla Foods et son homologue rhénane Milch Union Hocheifel (MUH) est devenue réalité le 1er octobre 2012.
Produisant désormais dans douze pays et exportant dans plus de cent, la coopérative Arla Foods devrait assurer la transformation et la vente de 12 milliards de kilos de lait issu de quelque 12.300 producteurs laitiers danois, suédois, allemands, belges mais aussi luxembourgeois.
Cette fusion est une nouvelle étape d'un long processus de concentration entamée en 2000 par la fusion de la suédoise Arla et de la danoise MD Foods. Arla Foods s'était ensuite étendue en 2003 au Royaume-Uni par le rachat d'Express Dairies plc puis sur le marché finlandais en 2006 en acquérant le fournisseur finlandais de produits laitiers, Ingman Foods.
Son implantation sur le territoire allemand n'est intervenue qu'à partir de 2011, année du rachat de la Hansa Milch dans le Nord de l'Allemagne et du fromager bavarois Allgäuland. Avec l'acquisition récente de la MUH, sa filiale Arla Deutschland devient la troisième plus grande entreprise laitière d'Allemagne.
Arla Foods avait notifié à la Commission européenne, le 24 août 2012, sa volonté de racheter la Milch Union Hocheifel. Après avoir étudié "les répercussions de l'opération envisagée sur plusieurs marchés de produits laitiers dans différents pays où les activités des parties à la concentration se chevauchent", selon les termes employés dans son communiqué de presse, la Commission européenne n'a trouvé aucune distorsion de concurrence répréhensible dans cette fusion. Elle a fait valoir qu'elle "ne modifierait pas de manière significative la structure du marché et que l’entité issue de la concentration resterait confrontée à une concurrence suffisante".
"Ni la fourniture de lait frais en Allemagne, ni le lait de longue conservation (en Allemagne, Danemark, Suède et Royaume-Uni), de crèmes laitières, lait condensé et crème pour le café de longue conservation (UE, Allemagne, Danemark et Grèce) et de boissons lactées aromatisées de longue conservation (UE, Allemagne, Danemark et Suède)" ne seront affectés selon les termes du règlement européen sur les concentrations.
La seule réserve aurait pu concerner le marché du lait de longue conservation, en ce qui concerne une deuxième opération de rachat par Arla, celle qui doit intégrer Milk Link, 4e acteur au Royaume-Uni. La Commission européenne n'a toutefois pas émis davantage d'objections dans ce dossier qu'elle a étudié puis accepté simultanément au rachat de la Milch Union Hocheifel.
Il faudra pour cela qu'Arla Foods tienne ses engagements de cession des activités de Milk Link concernant les boissons lactées et le lait de longue conservation, sans quoi la fusion, réunissant les deux principaux fournisseurs de lait de longue conservation au Royaume-Uni, "générant ainsi des parts de marché très élevées", n'aurait pas été autorisée.
La direction de la MUH conçoit sa fusion avec Arla Foods comme le prolongement d'une stratégie d'internationalisation. Coopérative de producteurs allemands fondée en 1966, basée à Pronsfeld dans la circonscription Bitburg-Prüm de l'Eifel, la Milch Union Hocheifel était active dans la production d’une gamme de plusieurs produits laitiers de longue conservation. Elle ne possédait aucune installation de transformation du lait en dehors de l’Allemagne. Elle générait toutefois des revenus grâce à ses exportations et possédait des filiales, dédiée aux ventes en France, dédiées aux achats au Luxembourg et en Belgique. Avec 1000 collaborateurs et 2700 membres en Belgique, au Luxembourg et en Allemagne, la coopérative MUH distribuait et transformait 1,3 milliard de kilo de lait par an.
Cette nouvelle économique touche de près un tiers du millier de producteurs laitiers luxembourgeois qui livrent leur lait à la MUH. A l'heure de célébrer cette fusion, le directeur de l'Arla Foods, Tim Ørting Jørgensen, s'est engagé à investir à Pronfeld, dans ce qu'il considère comme "une des unités de production laitière les plus modernes et efficaces en Europe", apprend-on dans une communication publiée sur le site internet de la MUH.
La stratégie consiste à faire de Pronfeld un "centre de compétences des produits laitiers longue conservation". Une nouvelle unité de fabrication du beurre et une installation de pulvérisation et de séchage devraient être mises en service à la fin de l'année 2013. "Avec cela, nous établissons les bases pour des activités d'exportation renforcées sur des marchés éloignés en pleine croissance", a dit le directeur.
Alors que ses principaux marchés se situent jusqu'ici en Scandinavie, en Allemagne et au Royaume-Uni, Arla Foods devrait commencer dès le mois d'octobre avec l'exportation de produits longue conservation vers la Chine. Durant l'été, Arla Foods a en effet signé un accord avec la China Mengniu Dairy Company Limited, numéro un chinois, pour l'introduction de la marque Arla dans neuf catégories de produits.
"Nous entamons ensemble une nouvelle ère, la grande quantité de lait et la large palette de produits nous ouvrent de nouvelles possibilités sur le marché allemand", a par ailleurs déclaré le directeur d'Arla Foods.
Cette fusion ne devrait donc rien changer dans l'immédiat pour les producteurs laitiers luxembourgeois. Toutefois, interrogé par l'Essentiel online, quand le projet de fusion fut connu au mois de mai 2012, Fredy de Martines, le président du Luxembourg Dairy Board (LDB), en pointe des grèves de 2008 et 2009 concernant le prix du lait, avait déjà émis quelques réserves.
"Cela nous pose problème de voir que les laiteries deviennent si grandes, car ensuite le prix du lait sera l’objet de négociations commerciales qui devront être durement menées", avait-il alors déclaré. "En tant que producteurs laitiers, nous devons nous allier au-delà des frontières, afin d'éviter que les grandes laiteries ne poussent pas trop les prix vers le bas."
Alors que la MUH avait pu offrir des prix plus importants que par le passé, la situation s'était finalement inversée les dernières années, depuis que la coopérative allemande opérait avec des Discounter allemands, selon les confidences faites par le leader des producteur laitiers.
Arla Foods s'invite désormais sur le marché luxembourgeois, à la formation des prix duquel il participe en compagnie de la laiterie nationale Luxlait et du français Lactalis. Luxlait qui exporte 60 % de sa production, fera désormais face à une concurrence très puissante, et ce alors que les quotas laitiers disparaîtront en 2015.