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Institutions européennes
Dans un rapport, la Cour des Comptes de l’UE estime que les agences de l’UE qu’elle a auditées "ne géraient pas les situations de conflit d’intérêts de manière appropriée"
11-10-2012


Ces dernières années, la presse s’est fait l’écho d’un certain nombre de cas supposés relever de conflits d’intérêts qui impliquaient des agences de l’UE, ce qui a suscité des inquiétudes au sein du Parlement européen.

En 2011, ce dernier a invité la Cour des comptes européenne à «entreprendre une analyse globale des approches adoptées par les agences pour gérer les situations de conflits d’intérêts potentiels».

L’audit a consisté en une évaluation des politiques et des procédures de gestion des situations de conflit d’intérêts dans quatre agences sélectionnées qui prennent des décisions cruciales pour la sécurité et la santé des consommateurs:

  • l’Agence européenne de la sécurité aérienne (EASA),
  • l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA),
  • l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et
  • l’Agence européenne des médicaments (EMA).

La Cour des comptes européenne a estimé, en conclusion d’un rapport publié le 11 octobre 2012, qu’aucune des La Cour des Comptes européenneagences auditées ne gérait les situations de conflit d’intérêts de manière appropriée. Un certain nombre de lacunes, de gravité variable, ont été relevées dans les politiques et les procédures spécifiques des agences, ainsi que dans leur mise en œuvre.

"Après avoir examiné la situation dans ces agences, nous avons établi une liste de recommandations générales et spécifiques qui, si elles sont correctement mises en œuvre, permettraient d’améliorer considérablement la gestion des situations de conflit d’intérêts non seulement au sein des agences sélectionnées, mais dans l’ensemble des institutions et organismes décentralisés de l’UE", a déclaré Igors Ludboržs, membre de la Cour des comptes européenne responsable de ce rapport.

Le rapport comporte des encadrés qui relatent des exemples de problèmes rencontrés.

A l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA) par exemple, les déclarations d'intérêts étaient certes exigées des experts, mais étaient conservées dans des enveloppes scellées sans être ouvertes par l'administration de l'agence. Or, un haut fonctionnaire de l'ECHA y déclarait louer son appartement à une entreprise sollicitant un grand nombre d'autorisations auprès de la même agence. Ou bien un haut fonctionnaire y avait déclaré que dans le passé, il avait travaillé dans une grande compagnie qui sollicitait de nombreuses autorisations auprès de son unité. Un jeune fonctionnaire avait de son côté déclaré qu’il avait travaillé dans des projets financés par une compagnie qui avait adressé de nombreuses demandes en traitement à l’ECHA et que son épouse y travaillait toujours.

A l'Agence européenne du médicament (EMA) ou à l'Agence de sécurité des aliments (EFSA), les déclarations d'intérêts des experts divergeaient parfois d'une année à l'autre sans que l'administration ne s'en inquiète ou ne leur demande des clarifications. Ou bien, comme à l’ECHA, un employé n’a pas déclaré tous ses emplois des derniers cinq ans, comme c’est requis, et personne n’a comparé CV et déclaration d’intérêts.

A l’EMA, l’agence a relevé un conflit d’intérêts chez un membre du comité scientifique et avait conclu que l’expert ne pouvait plus en faire partie. Pourtant, ce dernier a continué à participer aux réunions du comité et son mandat a même été renouvelé par la Commission européenne pour trois ans. Par la suite, sa déclaration d’intérêts mise à jour ne mentionnait plus les données qui avaient mené à la conclusion qu’il se trouvait en situation de conflit d’intérêts.

A la même EMA, deux membres du comité scientifique se sont vus classés comme des personnes présentant un risque très bas en termes de conflit d’intérêts, alors qu’elles avaient travaillé pour des compagnies pharmaceutiques, ce qui aurait dû conduire à ce qu’on les classe à un niveau de risque plus élevé selon les règles qui ont cours au sein de l’EMA et à certaines restrictions de leur travail d’experts. L’erreur a néanmoins été corrigée ensuite.

A l'EFSA, explique l’AFP, deux membres du conseil d'administration, dont sa présidente Diana Banati, ont démissionné du fait de leurs responsabilités au sein de l'ILSI, un lobby de l'industrie agroalimentaire où sont notamment représentés les groupes Monsanto et Syngenta, très actifs dans le secteur des OGM. Mais cela n'a pas été le cas de six autres experts de l'EFSA qui ont aussi des liens avec cette organisation, et qui ont continué de siéger au comité scientifique ou au conseil de surveillance de l'agence européenne, a relevé la Cour des Comptes qui s'inquiète de cette "différence de traitement".

S’y ajoute pour l’EFSA que la majorité des membres d’un groupe d’experts scientifiques de l’agence ont à travers des publications et la participation à des ateliers été les défenseurs de concepts qui ont été soumis à l’analyse par ce même groupe d’experts.

Dans un autre cas, deux experts de l’EFSA conseillaient des organisations privées sur des concepts alors qu’ils examinaient ces mêmes concepts pour l’EFSA. Dans les deux cas, l’EFSA avait conclu à la non-existence d’un conflit d’intérêts.

Aucune procédure particulière n'est par ailleurs prévue en cas de fausse déclaration d'intérêts dans les quatre agences auditées. Ces dernières ont promis de "prendre en compte la plupart de nos recommandations et, depuis, la plupart ont changé leurs règles", s'est réjoui le rapporteur de la Cour Igors Ludborzs lors de la conférence de presse à Bruxelles.

La dernière de la classe est clairement l'Agence européenne de la sécurité aérienne, qui "ne dispose pas d'une politique ni de procédures spécifiques relatives aux conflits d'intérêts", souligne la Cour.

Dans un communiqué, l'EFSA a assuré que beaucoup des recommandations ont "déjà été intégrées dans les processus de travail" de l'agence, tout en promettant de se pencher "attentivement sur toute recommandation qui resterait encore en suspens".