Le 14 janvier 2013, la fédération luxembourgeoise de théâtre, la Theater Federatioun, a lancé un appel à l'adresse des ministres des Finances et de la Culture en faveur de l'abolition de la double imposition des artistes dès 2013. Il s'agit d'"éliminer les obstacles à l'épanouissement du secteur culturel national". La Theater Federatioun relaie ainsi au niveau national la campagne développée à l'échelle du continent par la Ligue européenne des associations d'employeurs des arts du spectacle (Pearle).
Un artiste est soumis à l'impôt sur le revenu dans son pays de résidence. Toutefois, pour un spectacle presté à l'étranger, il doit acquitter l'impôt dans le pays en question, en vertu du modèle forgé par l'OCDE en 1963. "Le but initial visé par le Modèle était d'empêcher la fraude et l'évasion fiscales de vedettes des secteurs artistique et sportif", lit-on dans le communiqué de la Fédération luxembourgeoise. "La violation des règles, avancée alors comme argument, n'est pourtant pas valable pour le groupement d'intérêts Pearle et pour ses membres, car ceci fait de l'exception la règle."
Or, le règlement concernant la double imposition crée "des difficultés majeures" pour les artistes et les groupes indépendants qui désirent se produire à l'étranger. "Dans certains cas, la situation est telle que des artistes déclinent des engagements afin d'éluder les problèmes administratifs qui en découlent pour eux", déplore la fédération. Dans d'autres cas, "les institutions culturelles, dont avant tout les théâtres et les orchestres, se voient confrontées à des difficultés importantes lorsqu'elles envoient des artistes nationaux en tournée à l'étranger et lorsqu'elles engagent des groupes étrangers chez elles."
Ainsi, l'imposition doit souvent faire l'objet de "négociations délicates et laborieuses entre le producteur et l'artiste", lesquelles constituent un "obstacle à la coopération culturelle entre Etats". "A la fin, c'est toujours l'artiste qui paye, au sens propre, car même si de nombreux Etats sont conscients du problème et que des mécanismes destinés à éviter la double imposition existent de fait, ces dispositions sont souvent inefficaces face à des administrations fiscales nationales qui, dans des cas précis, rechignent à reconnaître les avis étrangers."
La fédération de théâtre se préoccupe d'autant plus de cette réalité qu'elle pose problème "surtout pour le Luxembourg, situé au cœur de la grande Région et de l'Europe et au centre de beaucoup de frontières administratives". Le passage à l'action auquel les ministres sont conviés permettrait désormais aux institutions et artistes de "véritablement agir en tant qu'ambassadeurs de la culture luxembourgeoise."
Dans une carte blanche parue le 15 janvier 2013 dans le Lëtzebuerger Journal, le président de la Fédération luxembourgeoise de théâtre, Christian Kmiotek, donne des exemples concrets de la situation. Dans son texte intitulé "Libre circulation des travailleurs dans l'UE : pas pour les artistes", il explique : "Que ce soient des troupes de théâtre, de danse, des orchestres ou des quartettes de jazz, des groupes de rock ou des troupes musicales, des groupes ou des solistes, des stars ou des inconnus : A travers les règles fiscales, une représentation dans un autre pays de l'UE devient un parcours du combattant administratif et financier."
"Si, par exemple, une actrice vivant en Allemagne donne une conférence au Luxembourg, l'organisateur doit garder une partie du cachet pour le transmettre au fisc luxembourgeois ; certes est émis un certificat que la comédienne pourra présenter au fisc allemand à la fin de l'année, par lequel l’impôt luxembourgeois est imputé à l'impôt allemand…", explique Christian Kmiotek. Avant de poursuivre : "On présume déjà quel effort cela implique, particulièrement quand cela se répète au quotidien dans d'autres pays et quand les certificats ne sont pas faciles à obtenir ou ne correspondent pas aux termes des autorités fiscales de l'autre pays. On peut facilement s'imaginer à quel fourbi administratif il faut faire face, quand une coproduction d'un opéra, composée de musiciens, choristes et solistes indépendants de divers pays d'origine, partent en tournée européenne. "
Christian Kmiotek conclut son intervention en pointant les contradictions entre cette situation administrative et l'engagement européen pour la culture : "Le fait est que beaucoup de troupes indépendantes doivent refuser des engagements pour écarter les problèmes administratifs qui en résulteraient. Mais si l'Europe doit devenir une Europe de la culture, alors les spectacles artistiques doivent pouvoir franchir les frontières sans bureaucratie, comme toute banale prestation de service."