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Marché intérieur - Traités et Affaires institutionnelles
L’appel de David Cameron à renégocier les termes du partenariat UE-Royaume-Uni avant de soumettre à référendum l’appartenance de son pays à l’UE ne manque pas de susciter de vifs commentaires dans l’UE comme au Luxembourg
23-01-2013


Le 23 janvier 2013, le Premier ministre britannique, David Cameron, a tenu un discours attendu sur l’avenir de l’Europe, dans lequel il promet notamment, s’il devait être réélu en 2015, d’organiser un référendum dans lequel les citoyens pourront se prononcer sur le maintien du Royaume-Uni dans l’UE ou sur sa sortie. Mais ce référendum se fera, assure-t-il, sur la base de nouvelles conditions qu’il entend négocier avec ses partenaires.Le Premier ministre britannique David Cameron tenant son discours sur l'avenir du Royaume-Uni dans l'UE le 23 janvier 2013

L’objectif de l’UE n’est plus de faire régner la paix, mais d’assurer la prospérité, estime David Cameron

Pour David Cameron, l’objectif de l’UE n’est plus de faire régner la paix, mais d’assurer la prospérité, et ce dans le contexte d’une course mondiale que se livrent aujourd’hui les nations pour le bien être et l’emploi de demain.

Défendant l’état d’esprit pragmatique, la sensibilité indépendante, mais aussi l’ouverture des Britanniques face à une UE qui n’est pas “une fin en soi”, mais un moyen de parvenir à la prospérité et la stabilité, David Cameron ne s’en sent pas moins Européen. "Je ne suis pas un Britannique isolationniste", affirme le Premier ministre qui se targue de défendre "une vision positive de l’avenir de l’UE, un avenir dans lequel le Royaume-Uni veut et devrait vouloir jouer un rôle engagé et actif".

Le Premier ministre britannique identifie trois défis auxquels l’Europe et le Royaume-Uni doivent faire face. Premièrement, "les problèmes dans la zone euro sont à l’origine de changements fondamentaux en Europe". Deuxièmement, "il y a une crise de la compétitivité européenne". Et enfin, "il y a un fossé entre l’UE et ses citoyens qui s’est dramatiquement creusé ces dernières années et qui représente un déficit de responsabilité démocratique et de consentement que l’on sent particulièrement au Royaume-Uni". Si l’on ne fait pas face à ces défis, le risque est aux yeux de David Cameron que "l’Europe échoue et que le peuple britannique dérive vers la sortie", une issue qu’il ne souhaite pas, assure-t-il.

David Cameron veut refonder l’Europe sur la base de la compétitivité, de la flexibilité, d’un retour de certaines compétences aux Etats membres, de la responsabilité démocratique et de l’équité entre membres de la zone euro et autres pays de l’UE

Il aspire donc à un changement fondamental, développant sa vision d’une nouvelle UE sur la base de cinq principes.

Le premier, c’est la compétitivité, et le Premier ministre se fait là le défenseur d’un Marché unique qu’il s’agit d’achever en mettant fin au "processus de décision sclérosé et inefficace qui nous retient", en créant une Union "moins bureaucratique". "Dans une course mondiale, pouvons-nous vraiment justifier l’immense nombre d’institutions européennes périphériques qui coûtent cher?", s’interroge David Cameron qui se demande aussi pourquoi il n’existe pas de Conseil "Marché intérieur".

Le second principe avancé par David Cameron, c’est la flexibilité. Il aspire à une UE capable d’agir avec "la rapidité et la flexibilité d’un réseau, et non la lourde rigidité d’un bloc". Il s’agit pour lui d’admettre la diversité des visions qui font l’UE, et de faire le choix d’une coopération souple entre Nations libres plutôt que d’une Union politique plus centralisée.

Troisième principe défendu par le Premier ministre britannique, les Etats membres doivent pouvoir se voir rendues certaines compétences, conformément à la déclaration de Laeken. Il s’agit d’examiner en profondeur ce que doit faire l’UE et ce qu’elle doit cesser de faire. De son point de vue par exemple, pour un marché unique qui fonctionne, tout ne doit pas être harmonisé et il appelle à se pencher notamment sur des domaines comme l’environnement, les affaires sociales ou pénales.

La responsabilité démocratique apparaît dans le discours de David Cameron comme le quatrième principe sur lequel doit se fonder la refondation de l’UE. "Il n’y a pas de peuple européen unique", affirme-t-il en plaidant pour renforcer le rôle des parlements nationaux.

Enfin, David Cameron demande l’équité en guise de cinquième principe, et il explique que quelles que soient les nouvelles décisions qui seront prises au niveau de la zone euro, il importe qu’elles fonctionnent de façon équitable pour ceux qui en font partie et pour les autres. Le Premier ministre britannique, qui rappelle que la participation au marché unique et la capacité de participer à en fixer les règles sont les principales raisons de l’adhésion de son pays à l’UE, souligne donc à quel point il est vital à ses yeux de protéger l’intégrité du marché unique. Car il n’y a pas à ses yeux de raison économique impérieuse qui ferait que la monnaie unique et le marché unique ou encore Schengen et le marché unique doivent partager les mêmes frontières.

David Cameron veut renégocier un nouveau contrat avec ses partenaires européens avant d’organiser un référendum sur l’avenir de la Grande-Bretagne dans l’UE

David Cameron décrit ensuite les désillusions du peuple britannique à l’égard d’une UE qui prend une direction qu’ils n’ont jamais actée, d'une UE qui est en train de prendre la voie d’un niveau d’intégration politique qui est "loin de la zone de confort du Royaume-Uni". Ce sujet, que d’aucuns jugent irresponsable d’aborder dans la mesure où il crée de l’incertitude pour les affaires et remet en question la place du Royaume-Uni dans l’UE, David Cameron estime au contraire que l’ignorer serait plus risqué et rendrait plus probable une éventuelle sortie : demander aux britanniques d’accepter une Europe sur laquelle il n’ont eu que peu de choix est le chemin le plus sûr pour qu’ils rejettent l’UE le jour où la question leur sera posée, estime en effet le Premier ministre britannique. Il se dit donc en faveur d’un référendum, de façon à débattre de ce sujet. Mais il ne s’agit pas de le faire maintenant, car ce n’est pas le bon moment, estime-t-il, ni pour le Royaume-Uni, ni pour l’Europe dans son ensemble.

L’UE qui va émerger de la crise de la zone euro sera un organe très différent, estime David Cameron et le choix que feront les Britanniques n’aura de sens à ses yeux qu’après que l’on aura "saisi la chance de revoir la relation entre UE et Royaume-Uni". Il s’agira de choisir de partir ou de faire partie d’un nouvel accord dans lequel la relation entre l’UE et la Grande-Bretagne sera définie selon les principes qu’il a énoncés, à savoir d’opérer "un vrai choix entre rester ou faire partie d'une nouvelle relation dans laquelle le Royaume-Uni modèle et respecte les règles du marché mais est protégé par des garanties équitables et débarrassé de la réglementation fallacieuse", "dans laquelle le Royaume-Uni est aux avant-postes de l'action collective sur des questions telles que la politique étrangère, le commerce et qui laisse la porte résolument ouverte à de nouveaux membres".

Pour pouvoir acter ce nouveau contrat et les réformes qu’il appelle de ses vœux, David Cameron confie sa préférence pour un nouveau traité. Mais comme il y a peu d’appétit pour un nouveau traité, il promet que le prochain programme des conservateurs pour 2015 prévoira que le peuple britannique donne mandat au futur gouvernement conservateur de négocier un nouveau contrat avec ses partenaires européens. Et c’est une fois que les termes de cet accord auront été négociés que sera organisé un référendum dans lequel il s’agira de se prononcer pour rester dans l’UE ou en sortir.

Il s’agira de bien examiner ce qui sera dans l’intérêt du Royaume-Uni, a poursuivi David Cameron, qui a eu beau jeu de montrer un certain nombre des désavantages qu’il y aurait à sortir de l’UE, en termes de perte d’influence sur la scène internationale, mais aussi au sein du marché unique puisqu’il ne serait plus possible alors de participer aux décisions qui seraient prises dans l’UE.

"Je crois que la Grande-Bretagne devrait vouloir rester dans l’UE et que l’UE devrait vouloir que nous restions", conclut David Cameron, conscient que l’UE pourrait être "grandement diminuée" par une sortie du Royaume-Uni. Il assure ainsi qu’à l’heure du référendum, si un accord a pu être négocié, il fera campagne de tout son cœur et de toute son âme en sa faveur. Car il est convaincu que l’intérêt national britannique sera mieux servi dans une UE flexible, capable de s’adapter et ouverte, et qu’une telle UE sera mieux avec le Royaume-Uni dedans.

Un discours qui a suscité de vives réactions à travers l’UE

Les réactions à ce discours qui devait originellement être tenu le 18 janvier 2013 et qui avait été reporté en raison de la prise d’otage d’In Amenas ont été nombreuses et virulentes, tant au Royaume-Uni que dans l’UE.

"L'Europe, elle doit se prendre telle qu'elle est. On peut la faire évoluer demain, mais on ne peut pas l'abaisser, la diminuer, sous prétexte de proposer d'y rester", a ainsi déclaré le président français François Hollande. "Le Royaume-Uni peut parfaitement décider par un référendum de rester ou de quitter l'Union européenne, c'est la décision et des gouvernants de ce pays et des Britanniques eux-mêmes", a-t-il estimé. Mais ce que je dis au nom de la France, en tant qu'Européen, c'est qu'il n'est pas possible de négocier l'Europe pour faire faire ce référendum", a-t-il enchaîné.

"On ne peut pas faire l'Europe à la carte", avait auparavant lancé le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius. "Admettons que ce soit un club de football : on adhère à ce club, mais une fois qu'on est dedans, on ne peut pas dire on joue au rugby", a-t-il ajouté.

Son homologue allemand, Guido Westerwelle, a utilisé les mêmes mots, soulignant que "choisir à la carte n'est pas une option". Il a mis en garde contre la facilité qu’il y a à porter préjudice à l’UE par la critique, alors qu’il est si difficile de la construire. La chancelière allemande, Angela Merkel, s'est toutefois dite "prête à discuter des souhaits britanniques", mais elle a bien insisté sur la nécessité "in fine d'un compromis équilibré".

 Aux Pays-Bas, le Premier ministre libéral Mark Rutte a salué l'appel de son homologue à des réformes au sein de l'UE.  "Le débat est positif, mais ce qui ne serait pas positif, ce serait que la Grande-Bretagne quitte l'UE. Ce serait mauvais pour la Grande-Bretagne et mauvais pour l'Europe", a-t-il assuré.

Le Premier ministre irlandais Enda Kenny a affiché lui aussi son souhait que le Royaume-Uni continue de jouer un rôle central pour l’UE.

 En Finlande, le ministre des Affaires étrangères Alexander Stubb a expliqué qu’au cours des quarante dernières années, "le Royaume-Uni a malheureusement été une épouse un peu réticente". Pour autant, a-t-il affirmé, "nous avons besoin que le Royaume-Uni soit en Europe et je pense que le Royaume-Uni a besoin de l'Europe aussi, en particulier du marché unique".

Le président du Parlement européen, Martin Schulz, a dit suspecter David Cameron "de jouer un jeu dangereux avec cette proposition de référendum pour des raisons tactiques et de politique intérieure".

"Un grand pays qui abandonne la cabine de pilotage n’en deviendra que plus petit", observe Jean-Claude Juncker, qui s’oppose à l’idée d’une "Europe à la carte"

Dans ce concert de réactions et de commentaires, les dirigeants luxembourgeois ne sont pas en reste.

À commencer par le Premier ministre Jean-Claude Juncker qui déplore, ainsi qu’il l’a confié à la rédaction du Luxemburger Wort, que "David Cameron réduise l’UE au marché intérieur", alors que l’UE est à ses yeux bien plus qu’une simple organisation économique et monétaire.

"Si les pays de l’UE exaucent les vœux britanniques, alors David Cameron plaidera pour rester dans l’UE lors du référendum de 2017, mais il ne dit pas ce qui va se passer si les Etats membres ne répondent pas à ses attentes", a encore commenté Jean-Claude Juncker.

Le Premier ministre a aussi relevé que son homologue britannique n’avait pas clairement indiqué quelles compétences il voudrait voir rendues à son gouvernement. Dans cet incessant débat sur les compétences qu’il conviendrait de rendre aux Etats membres, Jean-Claude Juncker glisse pour sa part qu’il faudrait aussi discuter des compétences supplémentaires dont aurait besoin l’UE pour ne pas perdre d’influence dans le monde. Il a résumé à la rédaction du Tageblatt l’intention de David Cameron : renégocier le rôle du Royaume-Uni dans l’UE et veiller à ce que l’UE ne conserve des compétences que dans le domaine du marché intérieur, sans prendre les conséquences collatérales d’un marché unique en matière de règles sociales par exemple.

"Il ne peut pas imaginer que tout le monde va se plier aux exigences britanniques sans mot dire et que l’on va octroyer au Royaume-Uni, et peut-être à d’autres, une place à part", a ajouté Jean-Claude Juncker à l’attention du Tageblatt. "Cela ferait de l’UE un patchwork", imagine-t-il, refusant l’idée d’une "Europe à la carte", ainsi qu’il l’a formulé sur les ondes de RTL Radio Lëtzebuerg.

Comme nombre de ses pairs, Jean-Claude Juncker est convaincu qu’une sortie du Royaume-Uni de l’UE ne serait une bonne solution ni pour l’Europe, ni pour le pays lui-même. "Un grand pays qui abandonne la cabine de pilotage n’en deviendra que plus petit", observe Jean-Claude Juncker qui note que cela ne saurait être dans l’intérêt du Royaume-Uni.

Par ailleurs la perspective d’une sortie britannique de l’UE ne servirait que l’incertitude dans le système décisionnel européen, estime le Premier ministre luxembourgeois qui met en garde le Royaume-Uni contre toute idée de chantage. Il ne considère pas la manière de procéder de David Cameron comme une tentative de chantage, mais comme "une attitude qui porte en elle un certain potentiel de chantage", a-t-il précisé à l’agence de presse DPA. Pour autant, il le met en garde en expliquant que ce n’est pas en mettant un revolver sur la tempe des autres pays qu’il parviendra à ses fins dans une négociation. "Si les pays de l’UE commencent à se faire du chantage mutuellement, alors ce sont des temps difficiles qui nous attendent", se désole le Premier ministre luxembourgeois.

Pour Jean Asselborn, les citoyens britanniques auront le choix, lors des prochaines élections entre un homme d’Etat et un politicien de province sans vision

Le vice-Premier ministre Jean Asselborn, qui est aussi le chef de la diplomatie luxembourgeoise, s’est montré tout aussi critique à l’égard d’un discours dont il ressort que seuls comptent les intérêts britanniques, au détriment de l’intérêt européen. Pour sa part, il estime que les citoyens britanniques auront le choix, lors des prochaines élections, entre "être dirigés par un homme d’Etat, à l’image de Winston Churchill, ou par un politicien de province sans vision qui n’a compris ni l’histoire britannique, ni l’histoire européenne".

Pour autant, Jean Asselborn ne semble pas inquiet, car il est "sûr à 99 %" que David Cameron ne pourra pas imposer ses revendications : "Je ne peux pas m’imaginer que l’Allemagne et la France, ou n’importe quel autre petit Etat membre comme le Luxembourg, accepteront de se contenter des miettes", a-t-il déclaré. Il se demande d’ailleurs ce que le Royaume-Uni pourrait obtenir de plus de la part de l’UE.

Certes, il admet que l’Europe ne jouerait plus dans la ligue des champions si le Royaume-Uni devait sortir de l’UE à l’issue d’un référendum. Mais il n’a pas manqué de rappeler lui aussi que l’Europe est bien plus qu’une association dans laquelle chacun n’a en tête que son intérêt national.