En octobre 2008, les banques islandaises, parmi lesquelles la Landsbanki et sa filiale en ligne, Icesave, se sont effondrées. Icesave était particulièrement prisée par des clients néerlandais et britanniques, en tout 340 000 dépositaires, qui avaient 3,9 milliards d’euros sur les comptes d’Icesave.
L'Islande a nationalisé en urgence son système bancaire, et a transféré les dépôts islandais de la Landsbanki vers une nouvelle banque, la "New Landsbanki".
Parallèlement, les Pays-Bas et le Royaume-Uni ont remboursé selon leurs procédures de garantie de dépôt les déposants néerlandais et britanniques d’Icesave. Les deux gouvernements se sont ensuite adressés à l’Islande pour lui demander de leur rendre l’argent versé aux déposants dans leurs pays.
Mais en mars 2010 et avril 2011, les Islandais ont rejeté lors de deux référendums le remboursement par l'Islande de 3,9 milliards d'euros avancés par Londres et La Haye aux 340 000 épargnants britanniques et néerlandais lésés par la faillite d'Icesave en 2008. L’argument des Islandais était qu'il n'y avait pas d'obligation légale pour qu'ils assument les pertes d'une banque privée.
Suite à cela, l’Autorité de surveillance de l’AELE, l’Association européenne de libre-échange, dont l’Islande est membre), l’ESA, soutenue par la Commission européenne a poursuivi l'Islande devant la Cour de l'AELE pour violation de la directive européenne relative aux garanties des dépôts (94/19/CE), qui obligeait en 2008 à garantir un minimum de 20 000 euros aux déposants d'une banque en faillite.
L’ESA est une autorité indépendante qui veille à ce que les Etats membres de l’AELE – l’Islande, le Liechtenstein et la Norvège – respectent leurs obligations dans le cadre de l’accord sur l’Espace économique européen. Par cette fonction, l’ESA est dotée de compétences, qui correspondent à celles de la Commission européenne, avec laquelle elle travaille en étroite coopération.
L'Islande avait le droit, lorsque ses banques se sont effondrées en octobre 2008, de refuser de rembourser les épargnants étrangers, a tranché le 28 janvier 2013 la Cour de AELE, dont le siège est à Luxembourg. Ce jugement était surtout attendu pour savoir si l'argent public doit sauver ou non des banques en faillite. Pour l'Islande, la directive en question oblige un Etat à créer un fonds de garantie des dépôts mais pas à le garantir avec de l'argent public.
Pour la Cour de l’AELE, la directive européenne relative aux garanties des dépôts ne prévoit pas que l’obligation d’un paiement aux déposants des filiales de la Landsbanki aux Pays-Bas et au Royaume Uni doive s’effectuer dans le cadre d’une crise systémique d’une magnitude telle qu’elle s’est produite en Islande. La directive ne contient en fait selon les juges pas de réponse à la question de savoir comment un système de garantie de dépôts peut fonctionner s’il est incapable de pouvoir assumer ses obligations. La seule disposition opérationnelle est inscrite selon la Cour dans l’article 7 (6) qui stipule : "Les États membres veillent à ce que le droit à indemnisation du déposant puisse faire l'objet d'un recours du déposant contre le système de garantie des dépôts." La directive ne prévoit pas d’obligations pour les Etats, et donc pas pour l’Islande en tant qu’Etat. Cela ne veut pas dire que les déposants restent dans ce cas sans protection. Mais la Cour de l’AELE n’avait pas à statuer sur ce problème, mais sur la responsabilité d’un Etat dans le cas d’un événement de cette envergure.
L’autre question était de savoir si le principe de non-discrimination avait été respecté, si donc les déposants avaient été traités selon les règles de la directive, qui interdit la discrimination par le système de garantie de dépôts. Ici, la Cour de l’AELE explique que le transfert des dépôts islandais de la vieille banque Landsbanki vers la nouvelle banque Landsbanki a eu lieu avant la déclaration de l’Autorité de surveillance financière islandaise, appelée Fjármálaeftirlitið, n’ait publié la déclaration qui a déclenché l’application de la directive. Considéré sous cet angle, la directive ne s’est jamais appliquée au cas des déposants des filiales islandaises de la Landsbanki. Peu importe donc si en fin de compte il y a eu traitement inégal ou non, le transfert des dépôts islandais ne sont pas tombés sous la clause de non-discrimination de la directive et il n’y a donc pas eu d’infraction à la directive.
Le traité sur l’AELE interdit lui aussi à l’article 4 toute discrimination à cause de la nationalité. La Cour de l’AELE dit qu’il y a une jurisprudence qui établit que des situations comparables ne doivent pas être traitées de manière différente, mais aussi que des situations différentes ne doivent pas être traités de la même manière. La Cour de l’AELE constate que l’ESA avait avancé qu’il y aurait eu une infraction de la part du gouvernement islandais dans le fait qu’il n’avait pas accordé aux déposants néerlandais et britanniques la compensation minimum prévue par la directive, comme cela a été le cas pour les déposants islandais. Or, comme l’Etat islandais n’est pas tenu en tant que tel à assumer une telle obligation de garantie, il n’y a pas eu de discrimination.
Il faut savoir qu’en vendant les actifs de Landbanski, l'Islande a depuis la fin de 2011 déjà remboursé la moitié des sommes dues aux épargnants lésés, et elle espère avoir réglé la totalité des remboursements d'ici trois ans. Le gouvernement islandais a répété le 28 janvier 2013, après avoir pris connaissance du jugement de la Cour de l’AELE, qu’elle a l’attention de rembourser toutes les créances à l’égard d‘Icesave, et que ses remboursements ont déjà couvert 90 % des sommes avancées par les Pays-Bas et le Royaume Uni pour couvrir les garanties minimales de 20 000 euros. Le parti pris de l’Islande a toujours été d’aller vers une solution négociée des remboursements des déposants, y compris néerlandais et britanniques, mais qu’elle refusait en tant qu’Etat de se soumettre à une obligation qu’elle ne pensait pas être la sienne.
L'Islande s'est en tout cas réjouie du jugement de la Cour de l’AELE, contre lequel un appel n’est plus possible. "Icesave n'est désormais plus un obstacle à la reprise économique de l'Islande", a affirmé le gouvernement dans un communiqué.
Le ministre des Affaires étrangères Össur Skarphedinsson s'est félicité du respect de la souveraineté de l'Islande dans cette affaire. "Nous avions une cause juste", a-t-il déclaré à la presse. "Je pense que la défense dans cette affaire, la plus grande jamais portée devant la Cour de l'AELE, représentera un exemple pour les années à venir dans les annales du droit européen", a-t-il ajouté.
La Commission européenne a réagi en "prenant note" de ce jugement. "Nous avons besoin de temps pour en étudier toutes les implications", a indiqué dans un communiqué Stefaan De Rynck, porte-parole du commissaire chargé des Services financiers, Michel Barnier, un communiqué rapporté par l'AFP. Il indique cependant que "la Commission maintient son interprétation du mécanisme de garantie des dépôts" en vigueur. Le montant de la garantie a été relevé entretemps en 2009, donc un an après les faits, de 20 000 à 100 000 euros par déposant. La Commission dit par ailleurs "se réjouir" du fait que le gouvernement islandais ait indiqué que les remboursements se poursuivraient, indépendamment du jugement.