Après près d’une semaine pleine de révélations et de rebondissements dans l’affaire de la viande de cheval retrouvée dans des lasagnes surgelées distribuées par Findus alors qu’elles étaient censées contenir de la viande de bœuf, les ministres de l’Agriculture des pays à ce jour concernés par ce scandale d’ampleur européenne se sont retrouvés le 13 février 2013 pour une réunion informelle qui s’est tenue à Bruxelles à l’invitation du ministre irlandais de l’Agriculture et de l’Alimentation, Simon Conveney. Le ministre Romain Schneider y représentait le Luxembourg.
C’est en Irlande qu’a été découvert pour la première fois, le 15 janvier 2013, le premier élément de ce qui est depuis devenu un scandale d’ampleur européenne : un hamburger étiqueté comme contenant de la viande de bœuf s’est avéré contenir de la viande de cheval. Le Royaume-Uni a découvert dans les semaines qui ont suivi une fraude du même ordre dans des lasagnes surgelées distribuées par la société suédoise Findus. D’autres préparations culinaires à base de viande de bœuf sont entre-temps concernées, et il s’avère que la viande de cheval proviendrait de Roumanie, aurait été vendue par l’intermédiaire de sociétés chypriote et néerlandaise à une entreprise française, Spanghero, qui fournissait un sous-traitant de Findus basé à Metz, Comigel, lequel faisait fabriquer les fameuses lasagnes par la société luxembourgeoise Tavola, basée à Capellen… Entre-temps, il semblerait que l’Allemagne, et notamment la Rhénanie-Palatinat, ainsi que la Suisse, soient elles aussi concernées.
Autour de la table de la réunion informelle, on retrouvait par conséquent les ministres de l’Agriculture irlandais, britannique, suédois, luxembourgeois, français, chypriote et roumain. Le commissaire en charge de la Santé et de la Protection des Consommateurs, Tonio Borg, était lui aussi présent.
Le premier message qui ressort de cette réunion, c’est que ce scandale ne relève pas à ce stade d’un problème de santé alimentaire, mais qu’il s’agit clairement d’une fraude à l’étiquetage à grande échelle.
Une précision répétée à de nombreuses reprises dans le courant de la semaine par la Commission, mais aussi au Luxembourg par exemple, où le Ministère de la Santé soulignait dès le 11 février, par voie de communiqué, qu’il s’agissait "d’un cas de tromperie inacceptable du consommateur, sans aucune incidence sur la santé publique, ce qui explique l’absence d’alerte sanitaire immédiate à l’adresse du consommateur". C’est aussi ce qui ressort clairement du résumé que Romain Schneider a fait de la réunion sur les ondes de RTL Radio Lëtzebuerg le 14 février 2013 : il s’agit "clairement d’une fraude commerciale et que logiquement, c’est avant tout la confiance vis-à-vis de la consommation, mais aussi du commerce, ainsi que de la production, qui est menacée'.
Comme l’a souligné Romain Schneider, le système européen de traçabilité a fonctionné puisqu’il a été très vite possible de retracer le parcours pourtant complexe suivi par la viande incriminée, de sa production à sa distribution, en passant par sa transformation.
Il n’en reste pas moins que la fraude à l’étiquetage qui a été identifiée est jugée " inacceptable" et il s’agit désormais de découvrir qui en est responsable, comment elle a pu être effectuée, et de mettre en place un système pour éviter que cela ne puisse se reproduire. Il revient aux Etats membres de mener les enquêtes sur ces fraudes, et certains d’entre eux sont déjà très avancés dans leurs investigations.
De ce point de vue, la réunion a permis de décider d’attribuer à Europol une mission de coordination de ces enquêtes menées dans différents Etats membres et d’en collecter et centraliser les différentes données.
“Je pense que dans les prochains jours et les prochaines semaines, on verra clairement d’où est venue cette escroquerie à l’étiquette”, espère Romain Schneider.
Autre avancée, la Commission a indiqué vouloir présenter, dès le 15 février, au Comité permanent sur la chaîne alimentaire et la santé animale une initiative qui devrait concerner tous les Etats membres et qui entend leur recommander de mener entre le 1er et le 31 mars prochain deux séries de tests, comprenant 2500 tests ADN dans l’UE sur des produits contenant de la viande de boeuf et 4000 tests qui seront menés dans les abattoirs, pour vérifier que la viande de cheval provenant de l’UE mais aussi de pays tiers ne contient pas de phenylbutazone, un anti-inflammatoire qui rend la viande impropre à la consommation. Les résultats seront communiqués le 15 avril et la Commission propose de cofinancer les tests à hauteur de 50 %.
Après une première analyse de cette proposition au niveau du comité permanent, les ministres de l’Agriculture des 27 discuteront de ce sujet dès le Conseil du 25 février 2013. L’objectif de la Commission est en effet de restaurer la confiance des consommateurs, et d’avoir les éléments nécessaires pour voir comment agir à l’avenir.
Au fil des différents rebondissements du scandale qui se sont fait jour, la question des règles portant sur l’étiquetage était soulevée par différents acteurs. En effet, aujourd’hui, l’indication du pays d’origine de la viande n’est pas obligatoire pour les plats cuisinés. Et l’affaire a donc permis de mettre cette question sur la table. Mais comme l’a glissé le ministre irlandais, il s’agit d’un sujet à part, puisque le scandale résulte là d’une fraude. Le 12 février 2013, le porte-parole du commissaire Tonio Borg avait expliqué qu’il était "prématuré d'envisager un étiquetage obligatoire sur les produits transformés en ce qui concerne la viande", annonçant toutefois que la Commission menait une réflexion sur la nécessité de revoir l’étiquetage sur les produits transformés.
Au Luxembourg, Déi Gréng ont pris position dès le 12 février en demandant une heure d’actualité sur le sujet à la Chambre. Ils entendent demander si les contrôles ne devraient pas porter, au-delà des analyses sanitaires, sur le contenu des produits et si la législation européenne ne devrait pas être adaptée pour protéger les consommateurs et la crédibilité des lieux de production.
Au cours de la réunion informelle, plusieurs ministres, parmi lesquels le Français Stéphane Le Foll, ont demandé à la Commission de faire de la réforme des règles sur l’étiquetage une priorité. Et la Commission s’est engagée à accélerer le processus, qui sera notamment basé sur un rapport analysant le fonctionnement du système.