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Institutions européennes - Justice, liberté, sécurité et immigration
Europol dévoile l'existence d'un vaste réseau criminel actif dans le trucage des matches de football et responsable de la manipulation de 380 rencontres jouées sur le sol européen entre 2008 et 2011
04-02-2013


© EuropolLe 4 février 2013, Europol a dévoilé qu'une enquête dirigée par ses soins, en collaboration avec les polices de 13 pays européens, a permis de mettre au jour l'existence d'un vaste réseau criminel impliqué dans le trucage de matchs de football. Un total de 425 personnes, fonctionnaires de clubs, arbitres joueurs et criminels confondus, originaires de plus de 15 pays, sont suspectés d'avoir pris part à des tentatives pour truquer 380 matchs de football professionnel jouées sur le sol européen entre 2008 et 2011. Ces activités ne seraient qu'une partie d'une opération sophistiquée du crime organisé. Elles auraient généré plus de 8 millions d'euros de bénéfice à ses organisateurs et impliqué plus de 2 millions d'euros de paiements aux personnes impliquées directement dans les rencontres.

Pour mener l'enquête, une équipe d'investigation conjointe (JIT), qui s'est donnée le nom de code Opération VETO, a été mise sur pied en juillet 2011. Menée par Europol, l'Allemagne, la Finlande, la Hongrie, l'Autriche et la Slovénie, elle a aussi été supportée par Eurojust, Interpol ainsi que des enquêteurs de huit autres pays européens.

Cette enquête a occasionné de nombreuses instructions de police à travers l'Europe et fut facilitée par les rapports de renseignements d'Interpol. Ces derniers ont exploité les informations révélées par l'analyse d'un matériel dense, parmi lesquels 13 000 emails, qui permettent d'identifier les liens entre les matchs et les suspects mais aussi de révéler la nature du réseau de crime organisé derrière ces activités illégales. L'enquête a déjà eu pour conséquence des poursuites judiciaires dans les pays impliqués. En Allemagne, 14 personnes ont déjà été confondues puis condamnées à un total de 39 ans de prison.

"Europol et ses partenaires sont impliqués dans la poursuite de criminels, partout où ils opèrent"

“C'est une triste journée pour le football européen et une preuve de l’accroissement de l'influence corruptrice du crime organisé sur la société. Mais cette enquête prouve également la valeur de la coopération policière internationale pour lutter contre les criminels impliqués", a déclaré le directeur d'Europol, Rob Wainwright, lors de la conférence de presse consacrée à l'enquête. "Europol et ses partenaires sont impliqués dans la poursuite de criminels, partout où ils opèrent. Malheureusement, cela inclut aussi maintenant le monde du football, où des profits illégaux sont faits à une échelle et d'une manière qui menacent la structure de ce sport. Tous les responsables devraient prendre en compte les signaux d'alarme tirés par cette affaire", a-t-il poursuivi. Les résultats de l'enquête seront partagés avec Interpol d'une part mais aussi le président de l'Union européenne des associations de football (UEFA), Michel Platini, d'autre part. 

Parmi les 380 rencontres sur le sol européen identifiées dans cette affaire figurent des rencontres de qualification à la Coupe du monde, mais aussi deux matches de la Ligue des champions de l'UEFA et plusieurs grands matchs joués dans des championnats nationaux. De plus, 300 autres rencontres suspectes ont été identifiées hors d’Europe, principalement en Afrique, Asie, Amérique du Sud et Amérique du Nord. Ces 680 rencontres ont toutes eu lieu entre 2008 et 2011. La plupart des rencontres européennes suspectes ont eu lieu dans les championnats allemand, suisse et turc. Toutefois, des enquêtes sont également menées en Espagne, aux Pays-Bas et en Grande-Bretagne.

"Nous avons des preuves pour 150 de ces [matches]. Les opérations étaient gérées depuis Singapour avec des dessous de tables atteignant jusqu'à 100 000 euros par match. Deux matchs de qualifications pour la Coupe du monde disputés en Afrique, et un en Amérique centrale, sont même suspectés", a dit le membre de la police de Bochum, Fridhelm Althans, en sa qualité de porte-parole de l'équipe d'investigation conjointe.

"Le groupe criminel derrière la plupart de ces activités a essentiellement parié sur le marché asiatique. Les chefs sont d'origine asiatique, travaillant étroitement avec des facilitateurs européens. Les enquêteurs ont également constaté des liens avec des organisations criminelles russophones et autres", explique Europol.

Cette enquête, présentée comme "la plus grande investigation" du genre jamais entreprise en Europe, viendrait légitimer le renforcement des coopérations judiciaires internationales. “Le trucage des matchs est un problème mondial exigeant de solides partenariats aux niveaux, national, régional et international, pas seulement pour repérer et démanteler les réseaux criminels générant des millions par des profits illicites, mais pour mettre en place des programmes d'entraînement pour mieux protéger tous ceux impliqués dans le football,” a déclaré pour sa part Gianni Baldi, directeur de l'unité Drogues et Crime organisé à Interpol.

Europol a souligné que le caractère international du trucage des matchs constitue un "défi majeur" pour les enquêteurs et juges d'instruction. Pour cause, un match truqué peut impliquer jusqu'à 50 suspects dans dix pays, enjambant différents cadres juridiques et des définitions diverses de trucage et de fraude au pari.

Michèle Coninsx, Présidente d'Eurojust, a déclaré : “La coopération internationale fut la clé du succès de cette affaire transfrontalière impliquant plus de 30 pays. Les rencontres de coordination à Eurojust, incluant des conférences vidéo avec les homologues asiatiques, ont facilité l'ouverture de nouvelles investigations et la résolution de problèmes judiciaires complexes." Le succès de la JIT Veto prouverait la valeur ajoutée d'Eurojust.

La députée luxembourgeoise, Anne Brasseur, appelle les décideurs politiques européens à soutenir une "convention internationale contre la manipulation des résultats sportifs"

Le Luxembourg, pour sa part, ne figure pas dans l'enquête, comme l'a révélé la radio 100,7 le 5 février 2013, après avoir interrogé le porte-parole d'Europol. Interviewé par la radio, l'avocat et vice-président de la Fédération luxembourgeoise de football (FLF), Jean-Jacques Schonckert a déclaré, sans pouvoir en dire plus, qu'il y avait eu quelques soupçons sans qu'ils ne se soient confirmés par la suite. Il a également déclaré que les responsables des différentes divisions se verront proposer dans les prochaines semaines des changements statutaires suite à cette enquête.

"Certes, je ne connais pas de cas au Luxembourg, mais nous ne sommes pas à l'abri, d'autant plus que les manipulations ont lieu la plupart du temps dans les championnats plus petits, moins médiatisés", a déclaré la députée, Anne Brasseur, ainsi que le rapporte le Tageblatt dans son édition du 5 février 2013. Chargée d'un rapport sur la manipulation des résultats sportifs en tant que députée de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, Anne Brasseur fait remarquer que ces investigations dévoilées par Europol sont "les séquelles de l'affaire" traitée en 2009 par le parquet de Bochum. En novembre 2009, ce dernier avait indiqué que, selon une de ses enquêtes, au moins 200 matches avaient été truqués dans neuf pays européens, dont 32 avaient été disputés en Allemagne.

Anne Brasseur profite également des révélations d'Europol pour appeler les décideurs politiques européens à soutenir les travaux du Groupe de rédaction d'un projet de "convention internationale contre la manipulation des résultats sportifs", mis en place par le Conseil de l’Europe. "Nous ne sommes plus à l’heure des hésitations. Le monde du sport ne peut gagner seul ce combat ; à nous, les décideurs politiques européens, de nous donner les moyens de prévenir, détecter et sanctionner efficacement toute manipulation de résultats sportifs", a-t-elle déclaré sur le site du Conseil de l'Europe.

Le soutien des décideurs serait d'autant plus précieux qu'il existe des divergences entre les pays, lesquels connaissent différents concepts et différentes sanctions pour le trucage et la manipulation. Ainsi, dans certains pays, la fraude sportive est une infraction pénale. Dans d'autres, elle ne l'est pas encore. "Il est possible que nous devions améliorer notre législation, comme d'autres l'ont fait", a déclaré Anne Brasseur à la radio 100,7. Jean-Jacques Schonkert a confié à la radio 100,7 qu'il croyait davantage à une action de terrain, menée par la FLF, laquelle est favorable à la prévention, d'un côté, et au renforcement des sanctions, de l'autre.