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Economie, finances et monnaie - Fiscalité
La Cour de justice de l’Union européenne estime que les services externalisés de conseil aux fonds d’investissement doivent faire l’objet d’une exonération de la TVA, ce que le vice-président de l'ALFI salue
14-03-2013


CJUELe 7 mars 2013, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu un arrêt qui garantit l’exonération de TVA pour les services externalisés de conseils spécialisés aux fonds d’investissement. La Cour fiscale allemande, le Bundesfinanzhof, avait adressé une requête préjudicielle à la CJUE pour trancher un litige qui oppose la société Gesellschaft für Börsenkommunikation (GfBk) à l’administration fiscale de Bayreuth en  Bavière.

En 1999, la GfBk avait signé un contrat avec une société de gestion de fonds communs de placement, nommée "SPC", aux termes duquel elle s’engageait à conseiller son partenaire"«dans la gestion du fonds commun de placement" et à lui "adresser des recommandations de vente ou d’achat d’actifs sur la base d’une analyse constante de la situation du fonds", comme le rappelaient les conclusions livrées par l’avocat général, Cruz Villalón, le 8 novembre 2012.

La Cour défend le principe de la neutralité fiscale

Jusqu’en 2002, la GfBk avait ainsi fait à la SPC des recommandations ponctuelles d’achat et de vente de titres par téléphone, par télécopie ou par courriel. SPC les analysait pour contrôler qu’elles n’enfreignaient aucune restriction légale, puis les exécutait, souvent dans un délai de quelques minutes après leur réception. La rémunération de GfBk était fixée selon un pourcentage calculé en fonction de la valeur du fonds. Or, cette dernière avait demandé au fisc allemand d’être exonérée du paiement de la TVA en vertu de la directive 77/388/CEE "TVA". Le fisc allemand avait toutefois estimé que les services fournis par GfBk ne relevaient pas de la "gestion de fonds communs de placement" visée par cette exonération.

Dans sa question préjudicielle, le Bundesfinanzhof  se demandait notamment si l’activité de conseil exercée par un tiers pour une société de gestion de fonds communs de placement constitue une "gestion de fonds communs de placement" et si l’exonération s’applique à une activité de conseil.

La Cour explique d’une part que l’application est définie "en fonction de la nature des prestations de services fournies et non en fonction du prestataire ou du destinataire du service". Le fait que ces services soient externalisés n’a donc pas d’incidence. Elle s’appuie sur la jurisprudence créée par l’arrêt rendu dans l'affaire Abbey National du 22 février 2011, dans laquelle elle a admis que certains services fournis par des tiers relevaient de l’exonération mais aussi sur une modification de la directive de 1977, survenue justement en 2002, qui a précisé qu’il y a lieu d’accorder l’exonération aux services fournis par un gestionnaire tiers lorsqu’ils forment "un ensemble distinct, apprécié de façon globale, et sont spécifiques et essentiels pour la gestion de ces fonds".

Toutefois, la République fédérale allemande et la Commission européenne défendaient par l’interprétation que la prestation de conseil et d’information fournie par GfBk n’était pas assez "spécifique et différenciée" pour prétendre à l’exonération, dans la mesure où "la responsabilité finale de la prise de décisions, y compris la responsabilité juridique" revenait à son client et que "les recommandations d’achat ou de vente formulées par GfBk [seraient] de simples indications que la SPC est libre de refuser", comme le résumait l’avocat général dans ses conclusions.

La GfBk et le gouvernement luxembourgeois qui la soutenait défendaient pour leur part "la spécificité et la globalité de la prestation" et la considéraient en conséquence susceptible d’exonération. Ils renvoyaient pour cela à l’arrêt rendu par la Cour dans l’affaire Abbey National.

Or, la Cour estime que la prestation de service de GfBk est suffisamment "spécifique et différenciée". En effet, elle rappelle notamment que, en vertu de la directive 85/611 sur les OPC, les opérations des Organismes de placement collectif de valeurs mobilières (OPCVM) consistent dans le placement collectif en valeurs mobilières des capitaux recueillis auprès du public et que "les fonctions de gestion de portefeuille, les fonctions d’administration des organismes de placement collectif eux-mêmes constituent des fonctions spécifiques aux organismes de placement collectif".

La Cour invoque également le principe de neutralité fiscale selon lequel "les opérateurs doivent pouvoir choisir le modèle d’organisation qui, du point de vue strictement économique, leur convient le mieux, sans courir le risque de voir leurs opérations exclues de l’exonération". "Les investisseurs qui placent directement leurs avoirs en titres ne sont pas assujettis à la TVA" et "l’objectif de l’exonération des opérations liées à la gestion de fonds communs de placement (…) est de faciliter aux petits investisseurs le placement dans des titres au moyen d’organismes de placement collectif en excluant les coûts de la TVA, afin d’assurer la neutralité du système commun de TVA quant au choix entre le placement direct en titres et celui qui intervient par l’intermédiaire d’organismes de placement collectif". Ainsi, fait valoir la cour, "la soumission à la TVA des services de conseil en investissement fournis par un tiers aurait pour effet de favoriser les SPC ayant leurs propres conseillers en investissement au détriment des Sociétés de placement collectif qui décideraient de faire appel à des tiers". 

La Cour dit ainsi "pour droit" que "les prestations de conseil en placement de valeurs mobilières fournies par un tiers à une société de placement de capitaux, gestionnaire d’un fonds commun de placement relèvent de la notion de ‘gestion de fonds commun de placement’ aux fins de l’exonération".

"Une bonne nouvelle pour l'industrie luxembourgeoise des fonds d'investissement et pour les investisseurs"

ALFIDans un tribune publiée dans le Luxemburger Wort le 14 mars 2013, le vice-président de l’Association des fonds d’investissements luxembourgeois (ALFI), Michel Lambion, et son collègue d’Ernst & Young Luxembourg, Olivier Lambert, considèrent que l’arrêt de la CJUE est "une bonne nouvelle pour l’industrie luxembourgeoise des fonds d'investissement et pour les investisseurs, qui, sans cela, auraient vu le rendement de leurs investissements diminués par une charge de TVA non récupérable".

Dans ce texte, les deux experts expliquent pourquoi cet arrêt est particulièrement important pour le Luxembourg, en comparaison avec les autres Etats membres. Ainsi, ils soulignent que le prix de l’expertise dépend de la complexité ou de la spécificité des fonds et "sera sans doute inversement proportionnelle à la taille du fonds". Or, "le Luxembourg, à la différence de la plupart des autres Etats membres, offre une gamme de fonds distribués dans le monde entier et investissant dans des actifs extrêmement diversifiés quant à leur nature et à leur dispersion géographique, ce qui implique de faire appel à une expertise pointue établie pour l'essentiel en dehors du pays".

De surcroît, l’appel à des services externalisés est une réalité décisive de l'industrie des fonds. "Il est difficile, voire impossible, pour un investisseur 'normal' d'évaluer les possibilités de gains et de risques liés à la diversité des investissements possibles (action, obligation, obligations convertibles, dérivés, or, répartition sectorielle ou géographique, etc.). Bénéficier de l'expertise en investissement est donc un élément fondamental qui justifie l'investissement via des OPC au lieu de l'investissement direct."

Les deux experts notent enfin la confirmation par la Cour de l'importance d'assurer la neutralité fiscale en faveur des gestionnaires qui font appel à des tiers, auxquels "refuser d'appliquer l'exonération impliquerait un coût qui viendrait briser la neutralité fiscale en favorisant l'entreprise intégrée", qui ne paie pas de TVA sur les salaires de leurs propres conseillers. Toutefois, Michel Lambion et Olivier Lambert appellent à la prudence afin de "ne pas appliquer l'arrêt à tous les types de services rendus par des tiers à des fonds ou aux sociétés de gestion ou à leurs prestataires".