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Commerce extérieur
La Commission européenne institue des droits antidumping provisoires sur les panneaux solaires chinois mais se fait tancer par certains Etats membres
04-06-2013


Commission européenneLe 4 juin 2013, la Commission européenne a publié une déclaration dans laquelle elle communique sa décision "d’instituer des droits antidumping provisoires sur les importations de panneaux solaires, de cellules et de wafers en provenance de la Chine."

Les mesures prises par la Commission

Cette décision intervient après neuf mois d’une enquête, ouverte en septembre 2012, qui a permis à la Commission de constater que certaines sociétés chinoises vendaient des panneaux solaires en Europe à des prix nettement inférieurs à leur valeur marchande normale, au détriment des fabricants de panneaux solaires de l’Union européenne.

À leur juste valeur, les panneaux solaires chinois devraient être vendus en Europe à un prix supérieur de 88 % à celui facturé en réalité. Les produits exportés par la Chine et vendus à des prix de dumping ont exercé abusivement des pressions sur les prix sur le marché de l’Union, portant ainsi gravement préjudice à la situation financière et aux performances opérationnelles des producteurs européens.

Les droits seront institués en deux étapes, à hauteur de 11,8 % pendant les deux premiers mois et de 47,6 % pendant les quatre mois suivants, afin de compenser le préjudice que cause à l’industrie européenne cette pratique commerciale déloyale appelée dumping. Au total, le droit provisoire sera appliqué pendant une période maximale de six mois. Les droits provisoires sont d’un taux nettement inférieur aux 88 % de dumping constatés sur les ventes de panneaux solaires; la raison en est l’application, par l’Union, de la règle dite «du droit moindre», selon laquelle le droit institué doit tout juste permettre de rétablir des conditions de concurrence équitables. La mesure provisoire vise non seulement à restaurer le jeu loyal de la concurrence, mais aussi à permettre au secteur innovant de l’énergie verte de continuer son expansion dans l’Union.

La Commission va poursuivre son enquête et entendre l’ensemble des parties intéressées. Elle reste disposée à intensifier le dialogue avec la Chine en vue d’aboutir à d’autres solutions satisfaisantes par la négociation. Le 5 décembre prochain au plus tard, l’Union devra se prononcer sur l’institution, pour une période de cinq ans, de droits antidumping définitifs.

Le marché des panneaux solaires

Des entreprises très innovantes de l’Union sont, pour l’heure, exposées à un risque de faillite en raison de la concurrence déloyale d’exportateurs chinois, qui se sont arrogé plus de 80 % du marché de l’Union et affichent des capacités de production actuellement égales à 150 % de la consommation mondiale. En 2012, les capacités excédentaires de la Chine avoisinaient le double de la demande totale de l’Union. L’analyse réalisée par la Commission montre que l’institution des mesures provisoires permettra non seulement de préserver les 25 000 emplois existants dans le secteur européen de la production d’énergie solaire, mais aussi d’en créer de nouveaux.

À court terme, des licenciements ne sont pas à exclure dans certaines sociétés installatrices de panneaux solaires. Toutefois, ces emplois perdus pourraient être recréés ensuite, à mesure que la situation des producteurs de l’Union s’améliorera et que les importations d’autres pays augmenteront. Les pertes d’emplois seraient quoi qu’il en soit nettement inférieures aux 25 000 emplois de la filière européenne de la production d’énergie solaire qui pourraient disparaître irrémédiablement si des mesures n’étaient pas prises.

La décision de la Commission devrait en outre contribuer à rétablir, au bénéfice de l’industrie européenne des sources d’énergie renouvelables, des conditions de concurrence équitables sur le marché, qui sont essentielles pour que l’Union puisse atteindre les objectifs qu’elle s’est fixés en la matière. Les pratiques commerciales déloyales concernant les panneaux solaires ne sont pas favorables à l’environnement et sont incompatibles avec une industrie de l’énergie solaire en bonne santé à l’échelle mondiale. Pour la Commission, les importations en dumping risquent d’amener les producteurs locaux à mettre la clé sous la porte et de décourager les fabricants de l’Union de concevoir des technologies de pointe dans le secteur des sources d’énergie renouvelables.

L’enquête

Au cours de l’enquête, la Commission a procédé à une analyse pour déterminer à partir de quel niveau les droits infligés pourraient contrebalancer les effets préjudiciables du dumping. Le niveau des droits n’est donc nullement à caractère punitif: il correspond au taux minimal strictement nécessaire pour rétablir des conditions de concurrence équitables pour les entreprises de l’Union concernées. En appliquant systématiquement la règle du droit moindre, l’Union va au-delà des obligations qui lui incombent dans le cadre de l’OMC. Tel n’est pas le cas d’autres membres de l’Organisation comme la Chine ou les États-Unis, qui se fondent dans chaque cas sur la totalité du niveau de dumping constaté.

L’enquête a tenu pleinement compte des intérêts de toutes les parties concernées. La Commission a envoyé des questionnaires à nombre de ces parties, notamment des producteurs-exportateurs, des producteurs de l’Union, des importateurs, des opérateurs en amont et en aval ainsi que les associations qui les représentent.

Comme dans toute enquête en la matière, la Commission a appliqué le critère dit "de l’intérêt de l’Union". L’Union est le seul membre de l’OMC qui applique systématiquement un tel critère. La Commission a estimé, à titre provisoire, que les éventuels effets négatifs que pourraient avoir les mesures seraient compensés par les avantages économiques qu’en retireront les fabricants de l’Union.

L’enquête va se poursuivre et d’éventuelles mesures définitives devront être instituées dans les quinze mois suivant son ouverture, à savoir au plus tard le 5 décembre 2013. En parallèle, la Commission est disposée à discuter d’autres types de mesures qui équivaudraient au droit de 47 %. Tant les règles de l’OMC que le droit de l’Union prévoient une telle possibilité sous la forme d’un engagement de prix, à savoir la promesse de ne pas pratiquer des prix de vente inférieurs au niveau convenu.

Une enquête antisubventions parallèle, ouverte le 8 novembre 2012, est en cours sur le même produit, à la suite de la plainte déposée par le même intervenant. Les éventuelles mesures antisubventions provisoires devraient, le cas échéant, être décidées au plus tard le 7 août 2013. La décision d’instituer des mesures antisubventions définitives devra être prise d’ici à décembre 2013.

Karel De Gucht se heurte à des résistances au sein de l’UE et en Chine

Karel De Gucht, commissaire européen en charge du commerce, lors de l'annonce des mesures anti-dumping sur les panneaux solaires chinois, le 4 juin 2013 à BruxellesKarel De Gucht, commissaire européen au commerce, a expliqué que la réponse en deux temps de la Commission, qui consiste à exiger d’abord des droits à hauteur de 11,8 % pendant deux mois et ensuite 47,6 % pendant les quatre mois suivants, "permettra à nos marchés de s’adapter en douceur et constitue une offre unique adressée à nos partenaires chinois pour les encourager très clairement à négocier." Pour lui, la mesure prise "est destinée à insuffler, en urgence, une bouffée d’oxygène salutaire à un secteur industriel européen gravement affecté par ce dumping" et il la juge "proportionnée, légale et justifiée au regard des règles commerciales internationales".

Pour Karel De Gucht, les sociétés chinoises "vendent bel et bien leurs panneaux solaires à des prix de dumping en Europe. ( …) La commercialisation de ces panneaux solaires chinois à des prix inférieurs au prix du marché fait du tort à l’industrie européenne des panneaux solaires" et "met en danger au moins 25 000 emplois actuels". Pour le commissaire, "le système redeviendra stable si les sociétés chinoises acceptent de pratiquer à nouveau une politique de prix équitable qui reflète la valeur marchande réelle de ces panneaux solaires."

Karel De Gucht a récusé le reproche d’avoir pris des mesures protectionnistes. Pour lui, la Commission doit faire "en sorte que les règles commerciales internationales s’appliquent aux sociétés chinoises au même titre qu’à l’Union", et de rappeler "qu’actuellement les États-Unis, eux aussi, imposent des droits aux exportations chinoises".

L’agence Chine nouvelle avait en effet réagi très vite et déclaré : "Le protectionnisme de l'Union européenne adresse un mauvais message à la Chine et au monde. (…) Le protectionnisme d'un côté ne peut déboucher que sur du protectionnisme de l'autre côté. L'UE devra porter la responsabilité d'une éventuelle guerre commerciale si une telle hypothèse se réalise". "La Chine s'oppose vigoureusement aux pressions exercées par l'Europe par le biais de ses taxes injustes visant les produits photovoltaïques chinois", avait quant à lui affirmé Shen Danyang, porte-parole du ministère chinois du Commerce, cité par l’AFP.  Mais il aussi dit : "La Chine n'est pas disposée à voir les relations générales entre la Chine et l'Europe se dégrader à cause des frictions commerciales sur le photovoltaïque."

Par ailleurs, le ministre allemand de l'Economie, Philipp Rösler, a rendu patente la désunion au sein de l’UE en qualifiant la décision de la Commission de "grave erreur". 17 autres Etats membres y sont également opposés, mais ces derniers n’ont pas relevé leur position, comme le règlement le leur prescrit. Philipp Rösler a insisté sur le fait que "l'Allemagne a toujours clairement dit que nous, le gouvernement, privilégions le dialogue et non la confrontation" et que l’objectif devrait être "d'empêcher dans tous les cas une guerre commerciale, qui s'étendrait à bien davantage de secteurs que le seul secteur du photovoltaïque." 

Et en effet, le 5 juin, le ministère chinois du Commerce a annoncé que "le gouvernement chinois a lancé une procédure antidumping et anti-subventions visant les vins de l'Union européenne". Il s’agit d’un marché qui est tout sauf anodin. Le montant annuel des exportations de vins et spiritueux européens vers la Chine dépasse 1 milliard d'euros. Selon les douanes chinoises, le premier exportateur européen vers la Chine est la France, avec 140 millions de litres de vin vendus en 2012, pour un montant de 788 millions de dollars.