Lors de l’accord interinstitutionnel sur la Politique agricole commune (PAC) pour les années 2014-2020, le 26 juin 2013, un certain nombre de questions n’avaient pu être réglées, car elles dépendaient des négociations sur le Cadre Financier Pluriannuel (CFP) pour 2014-2020. Il s’agissait notamment du transfert des fonds entre les paiements directs (premier pilier) et le développement rural (deuxième pilier), de l'allocation des enveloppes nationales pour les paiements directs et le développement rural, des taux de co-financement et de la question du plafonnement et de la dégressivité des paiements.
Ce sont ces points qui devaient trouver un compromis pour un mandat lors du Conseil Agriculture qui s’est tenu les 23 et 24 septembre 2013 à Bruxelles. Mais pour cela, le Conseil a encore dû bouger un peu en direction du Parlement européen. C’est pourquoi Vigilijus Jukna, le ministre lituanien de l'Agriculture qui a présidé le Conseil, avait demandé à toutes les parties "un petit effort supplémentaire" pour conclure l'accord sur la réforme de la PAC.
Sur la dégressivité, le Parlement européen avait proposé le 17 septembre qu'un taux de réduction des paiements directs de 5 % s'applique à partir de 150 000 euros de soutien annuel – un chiffre que le Conseil a lui aussi proposé - mais il a aussi suggéré qu'un taux de 10 % s'applique au-delà de 300 000 euros, afin que la dégressivité soit plus équitable. Or, ce second palier ne figurait pas dans le mandat du Conseil, et l’Allemagne, le Royaume-Uni et la République tchèque s’y sont opposés avec insistance. En guise de compromis, le Conseil a réajusté son mandat dans le sens où il proposera une dérogation à la dégressivité en cas d'utilisation à un certain niveau du paiement 'redistributif', c’est-à-dire la prime aux premiers hectares. Alors que le Parlement européen avait proposé que les pays soient exemptés de la dégressivité à condition d’instaurer le paiement 'redistributif' à hauteur de 10 % de l'enveloppe nationale des paiements directs, le Conseil propose 5 %. Une telle dérogation permettrait notamment aux agriculteurs allemands de ne pas être touchés par la dégressivité.
Sur la flexibilité entre les piliers, le Parlement européen avait proposé de transférer 15 % des crédits du second pilier – le développement rural – vers le premier pilier – les aides directes - pour les pays qui touchent un montant d'aides en-dessous de la moyenne de l'UE et 5 % pour les autres. Pour sa part, le Conseil prévoit la possibilité pour les pays de transférer 25 % des crédits du second pilier (développement rural) vers le premier pilier (aides directes) et 15 % pour ceux qui sont au-dessus de la moyenne. Ici, le Conseil n’a pas bougé sur les pourcentages, mais il a accepté que la répartition du budget pour le développement rural soit incluse dans une annexe du règlement relatif au soutien au développement rural, et que la Commission ait la possibilité d’amender cette annexe par des actes délégués dans le cadre de circonstances bien définies.
Sur le taux de cofinancement pour le développement rural, le Parlement européen avait souhaité faire passer de 75 à 85 % le taux de cofinancement communautaire pour les programmes de développement rural dans les régions les moins développées, les régions ultrapériphériques et les petites îles de la mer Égée. Le Conseil a finalement accepté les 85 %, disant que cette "concession supplémentaire majeure" de sa part serait faite à condition que le Parlement européen comprenne clairement "qu’il lui faudra abandonner toutes ses autres exigences et qu’un accord général était désormais conclu sur la PAC".
Finalement, l’accord entre les institutions européennes sur la PAC a pu être conclu dans la nuit du 24 septembre 2013.En voilà les principaux éléments:
Plafonnement & dégressivité: Un accord a été trouvé sur la dégressivité obligatoire et le plafonnement volontaire. Le montant de l'aide des paiements directs dont peut bénéficier chaque exploitation [sans inclure le paiement lié au verdissement] fera l'objet d'une réduction d'au moins 5 % à partir de 150 000 €. Afin de tenir compte de l'emploi, les États membres peuvent décider de déduire les coûts salariaux de l'exploitation avant d'appliquer ces réductions. Cette réduction n'est pas obligatoire pour les Etats membres qui appliquent le "paiement redistributif" dans le cadre desquels au moins 5% de l'enveloppe nationale sont retenus pour être redistribués sur les premiers hectares de toutes les fermes. N.B.: les fonds "économisés" grâce à ce mécanisme restent dans l'État membre/la région concerné(e); ils sont transférés vers l'enveloppe "développement rural" et peuvent être utilisés sans exigence de cofinancement.
Convergence externe: Les enveloppes nationales réservées aux paiements directs disponibles pour chaque État membre seront progressivement ajustées de sorte que les États membres dans lesquels le paiement moyen (en € par hectare) est actuellement inférieur à 90 % du paiement moyen au niveau de l'Union verront ce paiement progressivement augmenté (d'un tiers de la différence entre leur taux actuel et 90 % de la moyenne de l'Union), avec la garantie supplémentaire que chaque État membre parviendra à un niveau minimal d'ici à 2019. Les montants mis à la disposition des autres États membres qui reçoivent actuellement des paiements au-dessus de la moyenne seront ajustés en conséquence.
Transfert de fonds entre piliers: Les États membres auront la possibilité de transférer au maximum 15 % de leur enveloppe nationale destinée aux paiements directs (premier pilier) vers leur enveloppe «développement rural». Ces montants ne nécessiteront pas de cofinancement. Les États membres pourront également décider de transférer 15 % maximum de leur enveloppe nationale "développement rural" vers leur enveloppe consacrée aux paiements directs ou 25 % maximum pour les États membres qui reçoivent moins de 90 % de la moyenne nationale de l'Union pour les paiements directs.
Allocations nationales: les allocations pour le développement rural par Etat membre sont incluses dans le Règlement de base, mais ces montants peuvent être ajustés par un acte délégué si cela est techniquement nécessaire ou si un acte législatif le prévoit.
Taux de cofinancement: Les taux maximaux de cofinancement de l'Union pour la plupart des paiements seront de maximum 85% dans les régions les moins développées, les régions ultrapériphériques et les îles mineures de la mer Égée, de 75 % dans les régions de transition, de 63% dans les autres régions de transition et de 53% dans les autres régions, mais ils peuvent être supérieurs pour les mesures de soutien en faveur du transfert de connaissances, de la coopération, de la création de groupements de producteurs et des subventions à l'installation de jeunes agriculteurs, ainsi que pour les projets LEADER et pour les dépenses liées à l'environnement et au changement climatique effectuées au titre de diverses mesures.