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Éducation, formation et jeunesse
Jean-Claude Juncker a parlé à l’Université du Luxembourg de la manière dont les Européens peuvent donner un sens à l’avenir
26-09-2013


uni.luPour la 10e rentrée académique de l’Université du Luxembourg, celle de l’année 2013-14, le Premier ministre Jean-Claude Juncker a donné le 26 septembre 2013 au Campus Kirchberg une conférence intitulée "Redonner un sens à l’avenir".

Le Premier ministre commença par citer le début de la Déclaration Schuman du 9 mai 1950 : "La paix mondiale ne saurait être sauvegardée sans des efforts créateurs à la mesure des dangers qui la menacent." Pour lui, il s’agit d’une « phrase-clé qui a inspiré les générations de l’après-guerre » qui se situe « à la juste intersection entre le passé et l’avenir » qu’il faut trouver pour prendre des décisions politiques qui s’inspirent des leçons tirées du passé pour préparer l’avenir.

L’Europe dans les tendances lourdes de l’histoire

Le Premier ministre a, comme il l’a déjà fait à d’autres occasions avec la même méthode, illustré les tendances lourdes de l’histoire actuelle par des chiffres "qui nous parlent des hommes et de l’humanité". Et cette approche, il l’a placée sous le signe de sa façon de concevoir la paix et des menaces qui la guettent, donc en fin de compte sous le signe du sens de la politique : "La paix, c’est plus que l’absence de guerre, le silence des cimetières où l’espoir n’existe plus. Non, la paix est l’harmonie organisée entre les hommes. Mais cette paix se fragilise chaque jour davantage, et cela peut conduire à une vraie guerre."

Jean-Claude Juncker, lors de son intervention à la Rentrée académique de l'Université du Luxembourg, le 26 septembre 2013Pour Jean-Claude Juncker, le monde a changé en 300 ans. Au début du 18e siècle, le PIB par tête d’habitant était plus ou moins le même sur le globe entier. Ce n’est plus le cas. Avec l’économie de marché et la globalisation, tout a changé. "Nous en bénéficions, mais nous ne la maîtrisons pas." 200 000 enfants naissent chaque jour, l’équivalent d’un Grand-Duché tous les 3 jours, d’une République fédérale d’Allemagne tous les treize mois. Mais la démographie européenne est devenue plus lente. En 2100, les Européens ne formeront plus que 3 à 4 % de la population du globe qui atteindra les 8 à 9 milliards. Les Africains au Sud du Sahara seront presque 4 milliards, au lieu des 900 millions actuellement. Le Nigeria sera un pays avec un milliard d’habitants à ce moment-là.

Actuellement, le continent africain n’a pas accès à la contraception, 1,4 milliard de personnes souffrent de faim dans le monde et ne disposent pas de plus d’un euro par jour. Au même moment, 1,3 milliard d’Occidentaux souffrent d’obésité et jettent plus de nourriture qu’il n’en faudrait pour pallier la faim du reste de l’humanité. 44 % de l’humanité a moins de 25 ans, alors que l’Europe, qui compte actuellement 87 millions de personnes âgées de plus de 65 ans, et 130 millions en 2050, vieillit. Des problèmes non maîtrisés de soins, de dépendance s’annoncent. Il faudra des millions de personnes supplémentaires dans ces domaines.

En même temps, l’inégalité entre riches et pauvres se creuse. 0,5 % de l’humanité concentre 35 % des richesses dans ses mains. Le printemps arabe est d’abord dû à la faim et aux inégalités, pense le Premier ministre, et moins au désir de démocratie. Les fortunes des plus riches ont augmenté de 9,2 % en 2012 alors qu’il y a la crise et que la pauvreté gagne du terrain. Bref, la planète se trouve dans "un état déplorable", de sorte qu’il faut trouver des réponses à "ces catastrophes et injustices pour ajouter une once d’harmonie à ce monde".

Dans ce contexte, l’Europe est le continent le plus exigu, a de nouveau pointé le Premier ministre, et de plus séparé en plus de quarante nations. Mais de l’autre côté, l’UE est la plus grande puissance économique, plus importante que les USA, trois fois plus importante que le Japon, 2,5 fois plus importante que la Chine. Elle représente 25 % de la production globale, mais aussi 50 % de toutes les dépenses sociales de la planète. Mais sa part dans la démographie et dans l’économie recule et reculera, et il faudra voir comment garantir la pérennité de ses systèmes sociaux alors que sa part dans l’économie mondiale s’amoindrit. La part de l’UE dans la valeur ajoutée globale est de 20 %, 80 % vient d’autre part, hors de l’UE. Dans peu de temps, aucune nation européenne ne fera plus partie des grandes nations industrielles, alors qu’actuellement, elles sont encore quatre et siègent dans le G7. En même temps, démographiquement parlant, les Européens constituent "une espèce en voie d’affaiblissement", passant de 11 % des habitants du globe actuellement à 7 % en 2050 et 3-4 % en 2100. En somme : l’Europe est petite et en perte de vitesse économique et démographique, conclut ici le Premier ministre.

Comment donner du sens à l’avenir sous de tels auspices ?

Jean-Claude Juncker a décliné quatre grandes orientations : redonner un sens à la construction européenne ; redonner un sens à l’économie "qui n’est pas un phénomène neutre" ; redonner un sens aux normes et règles qui protègent les petits contre les grands et les faibles contre les forts ; redonner un sens à la nation.

Redonner un sens à la construction européenne

La construction européenne est pour le Premier ministre liée à l’héritage démocratique de la Grèce antique, à l’héritage de Rome, de l’humanisme, des Lumières, de la révolution de 1789, de la Constitution belge de 1830, de la Conférence de La Haye de 1947 qui a mené au Conseil de l’Europe et à la Convention européenne des droits de l’homme, à l’héritage d’une intégration européenne qui a été le fruit du fait que des hommes politiques ont tiré les leçons des "affrontements stupides" des guerres mondiales et voulu empêcher toute guerre future en Europe, et finalement aussi l’héritage de cette époque où la séparation entre l’Europe divisée entre Ouest et Est a pris fin, et cela sans effusion de sang.

Pour Jean-Claude Juncker, il faut donc "mettre un terme à une remise en cause mal avisée de la construction européenne". Celui qui veut redonner du sens à l’avenir doit selon lui rejeter l’idée que le sort des citoyens est mieux assuré s’il est remis dans des mains uniquement nationales. Tout le monde doit savoir que les Européens ne sont plus perçus comme acteur politique global par les autres grands acteurs globaux qu’à travers le cadre de l’UE. Les sociétés occidentales "nombrilistes" doivent dire "non aux égoïsmes de souche et de couche".      

Redonner un sens à l’économie

Jean-Claude Juncker veut ensuite redonner du sens à l’économie qui "n’est pas un phénomène neutre", ce que "nous avons oublié sous les vagues néolibérales qui nous enfoncent dans un malheur renouvelé chaque jour". Il faut de nouveau "dire oui à l’économie sociale de marché", ce qui n’est plus si évident qu’auparavant, mais aussi exporter ses principes. 

Redonner un sens aux normes et règles

Redonner un sens aux normes et règles qui protègent les petits contre les grands et les faibles contre les forts, est un autre axe sur lequel Jean-Claude Juncker a insisté, un axe qui vaut autant pour les hommes que pour les nations. Le Luxembourg est le seul pays de l’UE qui n’ait pas au cours de la crise corrigé vers le bas son budget consacré à la coopération pour le développement. Pour Jean-Claude Juncker, il faut en finir avec la règle de Mao Zedong que le désordre est structurel et permanent et l’ordre provisoire et temporaire. Et en faisant cela, il faut tenir compte du temps propre aux démocraties, qui sont lentes et exigeantes.    

Redonner un sens à la nation

"Les nations ne sont pas une invention provisoire de l’histoire", pense le Premier ministre, convaincu qu’elles sont "faites pour rester". Ce qui importe, c’est "d’ôter le caractère offensif aux nations et d’en faire un élément avant tout constructeur". C’est là pour lui redonner un sens à la nation, l’homme ayant droit à un sens et droit à un avenir.