Le 24 septembre 2013 aura lieu à Bruxelles une conférence organisée à l’initiative de Dacian Cioloş, commissaire européen à l’agriculture et au développement rural, sur "le secteur laitier de l’UE : évolution au-delà de 2015".
L’abolition du système des quotas laitiers en 2015 créera en effet un nouveau contexte pour les acteurs économiques qui devaient respecter ces quotas dans le cadre de leur travail depuis environ 30 ans. Quelques 400 intervenants représentant des organisations gouvernementales et non-gouvernementales, les institutions de l’UE, ainsi que le secteur de la recherche et des organismes économiques seront invités à examiner certaines questions clés qui ont un impact sur le développement futur du secteur.
Les résultats de cette conférence serviront de base pour déterminer si, dans le cadre du rapport de la Commission sur l’évolution du marché dans le secteur du lait, des mesures supplémentaires sont nécessaires au-delà des propositions appropriées prévues d’ici le 30 juin 2014 par le programme laitier.
Pour préparer cette conférence, la Commission européenne a commandé un rapport et des avis qui soulignent selon l’Agence Europe que "de manière générale les outils prévus dans le cadre du paquet lait et de la réforme de la politique agricole commune (PAC) devraient permettre d'assurer la durabilité des exploitations."
Ils mettent notamment en avant l'assurance-revenu et l'organisation des filières en interprofessions, deux dispositifs qui devraient selon eux protéger l'industrie laitière européenne des crises et lui ouvrir de nouveaux marchés. Autres éléments qui ressortent de ces textes selon l’Agence Europe : "La production devrait continuer de s'intensifier et de se concentrer dans les régions les plus compétitives. Des mesures d'ajustement devront être envisagées pour protéger l'élevage en montagne, où aucune alternative n'existe." Bref, ce ne sera selon ces experts pas nécessaire de mettre en place de nouveaux outils pour protéger le secteur laitier une fois que les quotas de production auront été abolis.
La Centrale paysanne, en ligne avec les positions de la COPA-COGECA, la grande fédération européenne des exploitants agricoles, qui interviendra à la conférence du 24 septembre, a publié dans son organe officiel, le Lëtzeburger Bauer, un éditorial dans lequel elle livre la synthèse de ses positions européennes sur un secteur laitier qu’elle qualifie de "production principale de notre agriculture national"e.
La Centrale paysanne et le COPA-COGECA poursuivent un triple objectif stratégique : une sécurisation durable du revenu des producteurs de lait ; l’atténuation des effets de la volatilité extrême des marchés et des prix et le maintien de la production de lait sur tout le territoire de l’UE, notamment ans dans les régions montagneuses et défavorisées. Mais en parallèle, la Centrale paysanne et ses alliés insistent sur le maintien de régions agricoles dynamiques et le soutien à des exploitations compétitives.
La crise du lait de 2009 a montré selon la Centrale Paysanne que le secteur ne dépend pas seulement des équilibres ou déséquilibres des marchés européens, mais bien mondiaux, et que la solution de ces problèmes ne peut donc pas seulement être une affaire européenne. Elle juge que la situation du secteur laitier européen sur les marchés mondiaux est bonne du fait que la demande pour les produits laitier a augmenté et que les habitudes des consommateurs changent dans le monde. "La part de marché de l’UE sur les marchés mondiaux pourrait atteindre en 2022 32 % pour les fromages et la poudre de lait écrémé", lit-on. Mais il y a un bémol pour le beurre et la poudre de lait entier, une tendance négative à laquelle il faudrait réagir, estime la Centrale paysanne. Un moyen pour y parvenir, ce sont selon elle les accords bilatéraux commerciaux, voire de libre-échange avec des pays tiers dont la négociation est en cours.
La Centrale paysanne veut aller au-delà des interventions publiques sur les marchés et des stockages privés comme moyens pour prévenir les effets de la volatilité des prix et des marchés et assurer le revenu des producteurs. Pour elle, il faut à la fois tenir compte des frais de production, intervenir rapidement sur les marchés et soutenir les exportations des producteurs européens tant que d’autres acteurs sur les marchés internationaux en font de même.
Elle prône aussi la création d’un système d’assurance sur les marges et un marché des dérivés sur les produits laitiers pour prévenir les risques liés aux fluctuations des prix.
Elle est par contre sceptique à l’égard d’un programme de rachat des quotas laitiers comme il a été prôné par le rapporteur de la PAC, le député européen Michel Dantin, un système jugé trop cher et impraticable. Elle préfère un système d’aides à la vente sur le marché intérieur comme sur le marché mondial qui inclue toute la chaîne d’approvisionnement du secteur et veille à une répartition équitable des marges de gain.
Un autre aspect de la démarche de la Centrale paysanne revient enfin : elle revendique des aides à l’investissement pour des exploitations plus productives et plus compétitives aptes à affronter ces grands marchés. Et ce qui vaut pour l’approche européenne vaut aussi pour la loi agraire nationale en gestation : aides aux investissements, aides au marketing, un accès amélioré des producteurs laitiers locaux à la restauration collective subventionnée par le denier public. Bref, dans le débat sur la politique agricole, le facteur économique devrait être plus pris en considération dans un contexte où tout est lié. "Au lieu de donner la priorité à des considérations écologiques, il est nécessaire d’accorder de nouveau à l’approche économique une plus grande importance", conclut l’éditorial du Lëtzeburger Bauer.