La Commission européenne ne proposera finalement pas de règles spécifiques pour l’examen des subventions publiques au secteur de l’énergie nucléaire, selon une décision prise par le collège des commissaires le 8 octobre 2013.
Initialement prévue dans le cadre du projet d'orientation de la Commission sur la révision des règles sur le contrôle des aides d'État en matière environnementale et au secteur de l'énergie pour la période 2014-2020, l’introduction de telles règles (qui peuvent être équivalentes à un régime dérogatoire) était vivement critiquée notamment du côté des Verts européens, qui y voyaient un encouragement de la Commission en direction des Etats membres au recours à l’énergie nucléaire.
Le projet de document de la Commission considérait en effet que les mesures de soutien au secteur concourraient à atteindre un objectif commun de l’UE en matière environnementale et de consommation d’énergie. La France et le Royaume-Uni s’étaient d’ailleurs montrés demandeurs d’une évolution des aides d’Etat en la matière.
Lors d'un point de presse, Joaquín Almunia a pour sa part assuré qu’il ne s’agissait pas de parler "de la possibilité ou non d'aider l'énergie nucléaire. On ne parle pas non plus de la possibilité d'encourager ou de décourager les États membres d'utiliser l'énergie nucléaire. Ce n'est pas à nous de prendre ce type de décision, mais aux États membres", rapporte l’Agence Europe. Selon le commissaire à la concurrence, la seule question était de savoir s'il était bon d'appliquer directement les règles issues du traité ou d’introduire des critères préalables sur la base desquels examiner la compatibilité des aides.
C’est la première solution qui a eu la faveur du collège, les investissements dans le secteur seront donc examinés au cas par cas en appliquant directement le traité, soit sans changement par rapport à l’examen actuel des aides d’Etat dans le secteur de l’énergie.
"Je suis très content que la Commission ait pris une direction ‘anti-nucléaire’", s’est félicité l’eurodéputé vert luxembourgeois, Claude Turmes, sur les ondes de RTL, le 9 octobre.
Pour celui qui est aussi porte-parole du groupe Verts-ALE au Parlement européen, "cela a demandé beaucoup de travail pour la faire aller dans ce sens", arguant de la pression mise sur la Commission ces derniers mois par les écologistes. "Il y aura à l’avenir des aides d’Etat pour les énergies renouvelables et pour l’efficacité énergétique mais il n’y aura pas de système de règles de subventions de l’énergie atomique".
Dans un communiqué du groupe écologiste du PE, Claude Turmes détaille sa pensée: "Toutes les modifications apportées aux règles de l'UE relatives aux aides d'État au secteur énergétique ne doivent pas saper la législation européenne existante, notamment la directive sur les énergies renouvelables de l'UE et son régime de soutien."
Le député européen note encore qu’alors que la Commission présentera sa vision sur les aides d’Etat au secteur de l'énergie la semaine prochaine, "en se basant sur les textes des projets, il semble que la Commission a gravement sous-estimé le montant des aides publiques allouées au secteur nucléaire, notamment en minimisant les coûts d'assurance – qui doivent être augmentés. Le projet indique en tout cas clairement où va la fidélité du commissaire Oettinger", accuse-t-il.
La vice-présidente du groupe vert au PE, Rebecca Harms a également dit souhaiter que la décision de la Commission tire un trait définitif sur un "débat douteux sur la facilitation des subventions au nucléaire. Le secteur se repose depuis des décennies sur de lourdes subventions publiques pour garantir son existence. Il ne faut pas lui donner un statut particulier qui lui permettrait de recevoir encore davantage d’argent des contribuables".
Selon l’eurodéputée allemande, il serait injustifié de comparer la situation de l’énergie nucléaire, qui est une technologie établie, et celle des énergies renouvelables, qui ne sont une réalité – de surcroît toujours en plein développement - que depuis quelques années, lorsqu’on parle de systèmes de soutien nationaux.
"L’énergie nucléaire a déjà bénéficié de privilèges massifs par rapport aux autres énergies. Les opérateurs des centrales ne doivent pas se charger de tous les coûts dus aux déchets et à leur retraitement alors qu’il s’agit déjà du seul secteur qui n’est pas responsable pour les coûts de potentiels accidents, comme l’a une nouvelle fois confirmé la catastrophe de Fukushima. Le commissaire Oettinger doit à présent tenir sa promesse de présenter une proposition législative sur la responsabilité nucléaire", a-t-elle poursuivi.