Le groupe Spinelli, un réseau européen de fédéralistes convaincus soutenu par une centaine d’eurodéputés, a publié le 3 octobre 2013 en collaboration avec la fondation allemande Bertelsmann Stiftung un projet de réforme du traité de Lisbonne. Il appelle à approfondir l’intégration européenne vers la mise en place d’une véritable union fédérale d’Etats et de citoyens.
Dans cet appel à une évolution fédérale de l’UE intitulé "Une loi fondamentale de l’Union européenne", le groupe fondé en 2010, qui revendique quelque 110 soutiens parmi les députés européens au sein de quatre groupes politiques (ALDE, Verts/ALE, S&D et PPE), dit souhaiter "offrir une contribution majeure au débat sur le futur de l’UE".
En 2010, le groupe Spinelli s’était fait connaître en publiant un manifeste en ligne en faveur d’un véritable fédéralisme à l’échelle de l’Union, signé depuis par plus de 5 000 personnes. Hormis Robert Goebbels (S&D), les cinq autres eurodéputés luxembourgeois ont signé ce manifeste (Georges Bach, Frank Engel et Astrid Lulling du PPE, le libéral Charles Goerens et le Vert Claude Turmes).
Le constat du groupe fédéraliste, emmenés par un comité de pilotage composé notamment de l’ancien premier ministre belge, le libéral Guy Verhofstadt (ALDE) et de son collègue britannique Andrew Duff (ALDE), des Verts européens Daniel Cohn-Bendit (France) et Isabelle Durant (Belgique) ou du socialiste allemand Jo Leinen est simple: selon lui, la crise financière et ses conséquences ont montré la nécessité de davantage d’intégration européenne.
Or, "l’architecture institutionnelle actuelle est peu adaptée aux objectifs" de l'UE, notent les auteurs qui évoquent une "dilution" du pouvoir exécutif entre entre la Commission européenne, le Conseil européen, l'Eurogroupe et la Banque centrale européenne et de la responsabilité démocratique entre le Parlement européen et les parlements nationaux.
"Les mesures de crise destinées à juguler l’instabilité financière ont étiré les bases légales des traités actuels jusqu’à leurs limites et ont mis en évidence le manque d’instruments disponibles au niveau européen. Les modalités de l’union économique et monétaire mises en place il y a vingt ans se sont révélées insuffisantes", jugent les auteurs.
Selon le groupe Spinelli, la nécessité de l’approfondissement de l'intégration européenne trouve également sa source dans d'autres domaines politiques, qu’il s’agisse de l'immigration, du contrôle des frontières, de la police, de la justice, de l'énergie, des sciences et de l'environnement. Soit des défis "globaux" pour lesquels "l’unité européenne est indispensable", poursuivent les députés européens fédéralistes. "L’unité de l'Europe est vitale pour faire face aux défis mondiaux et promouvoir les valeurs et les intérêts européens".
Or, selon les auteurs du projet, les gouvernements nationaux ont miné la méthode communautaire en faveur d’une méthode intergouvernementale toujours plus prégnante. "Les politiques nationales ont été coordonnées par un Conseil européen autoritaire et ce de manière toujours plus technocratique, ce qui a conduit à une centralisation excessive et à un manque de légitimité démocratique", poursuivent les eurodéputés, qui soulignent par ailleurs que les Etats ont refusé de doter l’UE de moyens propres dont elle aurait pourtant eu cruellement besoin.
"La crise de la zone euro a montré que la méthode de gouvernance intergouvernementale de l’UE dans une confédération faible d’Etats membres ne peut fonctionner", a appuyé Guy Verhofstadt.
"Les gens se plaignent d’un déficit démocratique de l'UE alors que ce dont elle souffre vraiment, c’est d’un déficit de gouvernement. Le temps est venu d'admettre que la gouvernance de l’UE doit être réformée radicalement […]. Une union budgétaire exige un gouvernement fédéral aux pouvoirs élargis, doté d’instruments plus souples et de ressources propres qui sont le reflet de son ambition politique. Un gouvernement fort signifie aussi une démocratie parlementaire plus forte où les citoyens de l'UE sont en mesure d’exiger des responsables qu’ils rendent des comptes."
Les propositions du réseau fédéraliste européen se veulent dès lors ambitieuses, celui-ci évoquant "une nouvelle loi fondamentale appelée à remplacer les traités existants". Le projet se présente sous la forme d’un livre de 300 pages qui résume les propositions de ce nouveau traité et les décline en textes de loi. Les mesures principales sont les suivantes:
Dans cette union fédérale, la Commission serait ainsi transformée en un "gouvernement constitutionnel démocratique en conservant la méthode introduite par Jean Monnet dans laquelle la Commission dispose de l'initiative législative, les lois étant ensuite adoptées conjointement par le Parlement européen, représentant les citoyens, et le Conseil, représentant les Etats", poursuivent les auteurs.
Dans ce système, la Cour de justice acquerrait les attributs d'une cour suprême sur le modèle des USA, et les compétences de l’UE seraient élargies aux affaires économiques, à l’emploi et aux politiques énergétiques. "Toutes les réformes proposées visent à renforcer la capacité de l'UE à agir efficacement. Le nouveau traité sera davantage permissif et moins prohibitif", notent encore les auteurs.
Le groupe Spinelli espère désormais que soit organisée une Convention - sur le modèle de la Convention sur l'avenir de l'Europe créée à l'issue du Conseil européen de Laeken en décembre 2001 et qui avait conduit, en 2003, à un projet de Constitution européenne - qui réunirait la Commission, les chefs de gouvernement et les parlementaires nationaux et européens pour examiner cette loi fondamentale. Cet organe pourrait commencer ses travaux au printemps 2015, lorsque le nouveau Parlement européen et la Commission seront élus et constitués "et devrait achever ses travaux à temps pour le référendum de David Cameron en 2017", ajoute le réseau fédéraliste.
"L'Union ainsi réformée sera plus efficace, transparente et responsable. Les États qui, comme le Royaume-Uni, pourraient décider de ne pas passer à l'étape fédérale pourront opter pour le statut de membre associé. Il est ironique de constater que l'un des rares dirigeants européens à appeler ouvertement à une union budgétaire (mais sans le Royaume-Uni) est David Cameron. Les autres dirigeants doivent reconnaître que c’est une erreur de continuer à prétendre que l'Europe peut être plus unie sans mise en place d'un gouvernement fédéral fort", concluent les auteurs.