La Commission européenne a proposé le 25 novembre 2013 des modifications de dispositions législatives clés de l'Union en matière de fiscalité des sociétés afin de réduire sensiblement l'évasion et la fraude fiscale en Europe.
La proposition comblerait selon la Commission les lacunes de la directive "mères-filiales", utilisée par certaines entreprises pour échapper à l'imposition. En particulier, les entreprises ne pourraient plus exploiter les différences entre États membres dans le traitement fiscal appliqué aux paiements intragroupe afin d'éviter de payer le moindre impôt.
Cette initiative aurait selon la Commission pour effet de permettre à la directive de continuer à garantir des conditions de concurrence équitables pour les entreprises honnêtes au sein du marché unique sans pour autant ouvrir la voie à la planification fiscale agressive.
La proposition était prévue dans le plan d'action adopté par la Commission en 2012 pour renforcer la lutte contre l'évasion fiscale et constitue pour la Commission "une importante contribution à la bataille constante menée contre l'évasion fiscale des sociétés tant à l'échelle de l'Union qu'au niveau mondial."
La directive "mères-filiales" a été initialement conçue pour éviter que des entreprises appartenant au même groupe et établies dans des États membres différents ne soient imposées deux fois pour le même revenu (double imposition). Toutefois, certaines entreprises exploitent les dispositions de la directive et les disparités entre les règles fiscales nationales pour éviter toute forme d'imposition dans quelque État membre que soit (double non-imposition). La proposition présentée le 25 novembre 2013 vise à combler ces lacunes.
Premièrement, elle met à jour la disposition anti-abus figurant dans la directive "mères-filiales", c'est-à-dire la mesure de protection contre les pratiques fiscales abusives. Conformément à la recommandation de la Commission sur la planification fiscale agressive du 6 décembre 2012, la proposition veut obliger les États membres à adopter une règle anti-abus commune, ce qui leur permettrait d'ignorer les montages artificiels réalisés à des fins de contournement des règles fiscales et de veiller à ce que l'imposition s'effectue sur la base de la réalité économique des activités.
Deuxièmement, elle veut renforcer la directive de manière à ce que certains montages fiscaux spécifiques (dispositifs de prêts hybrides) ne puissent plus bénéficier d'exonérations fiscales.
Actuellement, en vertu de la directive «mères-filiales», les États membres sont obligés d'accorder aux sociétés mères une exonération fiscale pour les dividendes qu'elles reçoivent de leurs filiales établies dans d'autres États membres. Toutefois, dans certains cas, les États membres dans lesquels les filiales sont établies considèrent ces paiements comme des remboursements d'«emprunts» fiscalement déductibles. Il en résulte que les paiements effectués entre la filiale et la société mère ne sont imposés nulle part. L'exploitation de ces asymétries est à l'origine d'un type particulier de dispositif de planification fiscale, à savoir les dispositifs de prêts hybrides, et la proposition présentée aujourd'hui entend y remédier.
Dans le cadre de la proposition, si un paiement effectué au titre d'un prêt hybride est fiscalement déductible dans l'État membre de la filiale, alors il devrait être imposé par l'État membre dans lequel la société mère est établie. Grâce à cette mesure, les sociétés transfrontières ne pourraient plus planifier leurs paiements intragroupe en vue de bénéficier de la double non-imposition.
La Commission voudrait que les États membres mettent en œuvre la directive modifiée pour le 31 décembre 2014.
La question de l'évasion fiscale des sociétés figure au premier rang des priorités politiques de nombreux pays de l’Union et pays tiers, et la nécessité d’une action pour la combattre a été mise en exergue lors de récentes réunions du G8 et du G20.
Le 6 décembre 2012, la Commission a présenté un plan d’action pour une lutte plus efficace de l'Union contre la fraude et l'évasion fiscales. Ce plan énonce tout un ensemble de mesures destinées à aider les États membres à protéger leurs assiettes fiscales et à récupérer plusieurs milliards d’euros qui leur reviennent légitimement. La révision de la directive "mères-filiales" est l’une des mesures annoncées dans le plan d’action.