Le 17 décembre 2013, la commission parlementaire des transports (TRAN) a adopté tous les compromis dégagés sur les rapports des cinq législations concernées par le 4e paquet ferroviaire.
Les nouvelles règles visent selon le Parlement européen à garantir que les contrats de services publics offrent le meilleur rapport qualité-prix en limitant leur taille et en s'assurant qu'ils ne peuvent être accordés directement sans justification. Elles devraient également faciliter l'entrée sur le marché de nouveaux opérateurs ferroviaires, en leur donnant un accès plus aisé aux infrastructures. Enfin, les règles devraient simplifier les procédures pour la certification en matière de sécurité du nouveau matériel roulant et transférer graduellement les responsabilités de certification à l'Agence ferroviaire européenne.
Les États membres peuvent continuer d'accorder des contrats de service public directement sous certaines conditions, mais le pouvoir adjudicateur devrait justifier en quoi une attribution directe est efficace en matière de ponctualité des services, de rapports coût-efficacité, de fréquence des opérations ferroviaires et de satisfaction des consommateurs.
Si ces conditions ne sont pas remplies, l'organisme de réglementation devrait obliger l'autorité compétente à accorder le contrat via un appel d'offre concurrentiel Les autorités compétentes ont jusqu'à 2022 pour introduire les appels d'offres concurrentiels.
Pour permettre aux nouveaux entrants et aux opérateurs plus petits de répondre aux contrats de services publics, un nombre minimum de tels contrats à accorder dans un État membre doit être déterminé, sur base du volume national du marché sous contrat de services publics.
La fourniture de services ferroviaires sera soumise à un accès ouvert, mais pour les voies couvertes par des contrats de service publics, l'accès peut être limité, si l'organisme de régulation décide, sur la base d'une analyse économique, que cela nuirait à la viabilité du service public. Dans les cas où les États membres choisissent des contrats de service public concurrentiels, les États membres pourraient bloquer l'accès libre aux opérateurs.
Pour réduire les formalités administratives relatives à l'autorisation des de véhicules, après une période de transition de quatre ans, l'Agence ferroviaire européenne sera responsable de l'autorisation de mettre des véhicules sur le marché. Une distribution claire des tâches entre l'agence et les autorités nationales pendant la période de transition devrait être établie. L'agence pourrait déléguer des tâches et des responsabilités spécifiques aux autorités nationales de sécurité sur la base d'arrangements contractuels mais devrait également avoir le dernier mot sur toutes les procédures d'autorisation.
Pour réduire le poids des procédures de certification en matière de sécurité pour les entreprises de transport ferroviaires, l'Agence ferroviaire européenne aurait la responsabilité d'émettre un certificat de sécurité unique à tous les opérateurs ferroviaires à l'exception des "réseaux isolés" (États baltes), après une période de transition de quatre ans. Pendant cette période, elle se chargerait progressivement, à la place des autorités nationales de sécurité, de l'émission des certificats de sécurité. Une division des responsabilités et des tâches de l'agence ferroviaire européenne et des autorités nationales de sécurité serait progressivement mise en place.
Les États membres peuvent choisir entre une structure intégrée avec une seule société holding pour l'opérateur ferroviaire et le gestionnaire d'infrastructures ou une séparation entre les opérateurs et gestionnaires d'infrastructures afin d'éviter des conflits d'intérêts et de garantir un accès équitable aux infrastructures pour tous les opérateurs. Le projet de texte définit également des conditions à remplir notamment en matière de transparence financière et de séparation dans le cas des structures intégrées.
Si ces conditions ne sont pas remplies, la Commission peut lancer une procédure en infraction et les autres États membres peuvent restreindre l'accès au marché aux opérateurs ferroviaires qui enfreignent les règles.
Le mandat reprend dans une large mesure les propositions initiales de la Commission, en ajoutant une dose de flexibilité. Il semble que les députés aient avant tout voté selon des lignes nationales sur le volet politique du paquet que sont l'ouverture du marché et la gouvernance (adopté par 28 voix pour, 11 contre et 6 abstentions).
La date de l'ouverture des marchés domestiques passagers a bien été maintenue à 2019, comme le voulait la Commission, mais des dispositions ont été prévues pour que les zones couvertes par des services de contrats publics soient préservées et puissent même bénéficier de droits exclusifs, cela pour éviter que de nouveaux opérateurs captent avant tout les services rentables en recourant au "cherry picking". Un nouvel entrant pourrait donc être exclu sur base d’une étude d’impact.
En ce qui concerne le modèle de gouvernance, le rapporteur, Saïd El Khadraoui (S&D), a réussi que le mandat prévoie que le holding qui regroupe l’opérateur de services et le gestionnaire d'infrastructure (comme c’est le cas au Luxembourg pour les CFL) et les structures séparées puissent toujours cohabiter, sans mettre en cause la compétition lors de l'ouverture des marchés. Néanmoins, les conditions financières à respecter pour conserver un modèle intégré (comptes séparés entre les entités, pas de flux financiers, etc.) ont été renforcées.
Le rapport de Mathieu Grosch (PPE), adopté par 28 voix pour, 8 voix contre et 9 abstentions, maintient la possibilité d'attribuer directement des contrats publics mais pas à n'importe quelle condition. Les autorités publiques devront justifier leur choix en termes d'efficacité, de fréquence et de ponctualité auprès du régulateur. Si ce dernier estime que les critères ne sont pas remplis, alors un appel d'offres devra être organisé. De plus, le rapporteur a dégagé un compromis pour réorganiser la concurrence en fonction de la taille des pays. La Commission prévoyait en effet que trois contrats de services publics coexistent par pays. Le mandat du PE en prévoit désormais un par très petit pays (moins de 20 millions de trains/km), deux à trois pour les pays comptant de 20 à 200 millions de trains/km et quatre pour les pays comptant plus de 200 millions de trains/km.
Du côté du pilier technique, la refonte des règlements portant sur l'interopérabilité a été adoptée par 40 voix contre 4, la sécurité avec 38 voix contre 4, et l'Agence ferroviaire européenne avec 39 voix contre 5. Si cette adoption s’est passée sans problèmes, la négociation avec le Conseil risque d’être plus compliquée, dans la mesure où les Etats membres sont opposés au transfert graduel des compétences des agences de certification nationales à l'Agence ferroviaire européenne.
Le député européen luxembourgeois Georges Bach (PPE) qui suit de près ce dossier, ne s’est pas montré entièrement satisfait du résultat.
"De mon point de vue, c’est un résultat mi-figue, mi-raisin. Je me félicite des avancées que nous avons obtenues dans les trois textes du soi-disant “pilier technique”, c’est à dire les propositions sur l’interopérabilité, la sécurité ferroviaire en Europe et les compétences de l’Agence ferroviaire européenne. Les accidents ferroviaires récents illustrent le besoin pour plus de sécurité ferroviaire. La proposition sur l´interopérabilité devrait assurer ainsi une mise en place effective du système européen de sécurité ERTMS sur tout le réseau européen. Ces tâches ne peuvent être réalisées d´une manière efficace que par une institution centralisée, comme l´Agence ferroviaire européenne. Sur ce sujet, nous avons trouvé un bon équilibre entre une agence centralisée et le respect des compétences des agences nationales de sécurité. Il était urgent que nous prenions des décisions dans ces questions techniques, qui représentent les conditions nécessaires pour toute création d’un véritable réseau ferroviaire européen."
"C’est pourquoi je pense également que certaines décisions dans les dossiers politiques sur l’ouverture du marché national de voyageurs et sur les contrats de service public sont prématurées. Je critique dans ce contexte l’approche irréaliste et complètement illusoire de la Commission européenne qui essaie d’imposer un seul modèle pour tous les États membres, selon le principe "one size fits all". Or, en tant qu’ancien cheminot, je connais très bien la réalité dans ce secteur et je sais que ces idées ne peuvent pas se traduire dans la réalité, surtout dans les petits et moyens États membres comme le Luxembourg. Comment appliquer les mêmes règles de séparation administrative et juridique en différentes entités sur les petites entreprises et sur les grandes opérateurs en France et en Allemagne?"
Georges Bach explique ses votes: "Pour toutes ces raisons, j’ai finalement voté contre le rapport sur une séparation plus stricte de l´opérateur et de l´infrastructure. Au cas où ces propositions sont adoptées au niveau européen, je crains que les conséquences pour le Luxembourg soient néfastes: une augmentation de la bureaucratie et des démarches administratives qui vont finalement de pair avec une augmentation des coûts. Je pense que la mise en place d´un régulateur fort et doté de nombreuses compétences et d´agences nationales de sécurité, comme l´Administration des Chemins de Fer (ACF) chez nous, suffit largement pour assurer des conditions non-discriminatoires sur le marché."
"J´ai par contre approuvé les propositions sur l´ouverture du marché des services publics, comme l´attribution directe reste possible sous certaines conditions. Les aspects sociaux ont été intégrés ici. Ainsi, les conditions de travail et les accords collectifs doivent être reconnus lors de nouveaux appels d´offres. Le cas du transfert de personnel en cas de changement d´opérateur est également inclus dans le texte. La mise en place de plans de transports au niveau national devrait en plus assurer un niveau de subsidiarité suffisant afin d´adapter les règles aux situations nationales respectives."
"En ce qui concerne la suite du paquet ferroviaire, je pense qu´on n´est pas encore au bout du chemin. Au Conseil, les aspects politiques n´ont pas encore été entamés et même sur les dossiers techniques, les vues sont très divergentes avec celles du Parlement. Je crains que sous ces conditions, un accord durant cette législature n´est pas très réaliste."