La législation espagnole interdit aux transporteurs aériens de facturer l’enregistrement des bagages des passagers au titre d’un supplément de prix optionnel.
Au mois d’août 2010, la compagnie aérienne Vueling a majoré de 40 euros le prix de base des billets d’avion achetés par Mme Arias Villegas (241,48 euros) en raison de l’enregistrement en ligne de deux bagages. Mme Villegas a alors déposé une plainte à l’encontre de Vueling, estimant que le contrat de transport aérien conclu avec cette compagnie était entaché d’une clause abusive. Par la suite, l’Instituto Galego de Consumo de la Xunta de Galicia (institut de la consommation de la communauté autonome de Galice, Espagne) a infligé à Vueling une sanction administrative de 3 000 euros.
Dans ce contexte, le Juzgado de lo Contencioso-Administrativo n° 1 de Orense (tribunal administratif nº 1 d’Ourense, Espagne), saisi de l’affaire, demande à la Cour de justice si cette législation espagnole est compatible avec le principe de la liberté de tarification consacré par le droit de l’Union1. En définitive, il s’agit de savoir dans cette affaire C-487/12 si le droit de l’Union est susceptible de remettre en cause le modèle économique adopté par certaines compagnies aériennes depuis la libéralisation du secteur et, en particulier, des compagnies dites "low cost".
Dans ses conclusions rendues le 23 janvier 2014, l’avocat général, Yves Bot, propose à la Cour de répondre que le droit de l’Union reconnaît aux transporteurs aériens une liberté de tarification recouvrant l’ensemble des services marchands liés à l’exécution du contrat de transport aérien, y compris les services tels que l’enregistrement des bagages.
Dès lors, s’agissant de la tarification des bagages enregistrés, les transporteurs aériens ont le choix d’inclure le coût de ce service dans le tarif de base du billet d’avion ou de le proposer en tant que supplément de prix optionnel.
L’avocat général précise qu’une telle interprétation n’est pas applicable aux bagages à main, le transporteur aérien devant assurer leur gratuité. D’une part, à la différence d’un bagage enregistré, le bagage à main relève de la seule responsabilité du passager. Par ailleurs, il ne s’inscrit nullement dans le cadre des services marchands fournis par le transporteur aérien, car il ne suppose aucun coût lié à son enregistrement, à son traçage et à son stockage contrairement à un bagage enregistré. D’autre part, le fait de pouvoir avoir avec soi et sous sa garde personnelle les objets que l’on considère comme les plus précieux ou les plus indispensables se rattache à la dignité de la personne même.
Par conséquent, l’avocat général estime que la législation espagnole n’est pas compatible avec le droit de l’Union. Il considère que cette législation rétablit une régulation étatique que le législateur de l’Union a pris soin de supprimer dans le cadre de la déréglementation et de la libéralisation du secteur. En effet, à l’exception des lignes aériennes relevant d’une mission de service public et des prélèvements imposés par les pouvoirs publics ou les gestionnaires d’aéroport, les États membres ne disposent plus de droit de regard quant au niveau des prix fixés par les transporteurs aériens, aux conditions tarifaires applicables et à la nature des services susceptibles d’être inclus dans le prix de base du billet d’avion.
Par ailleurs, la législation espagnole remet en cause l’objectif du législateur de l’Union qui tend à assurer une application plus efficace, plus cohérente et plus homogène de la législation de l’Union relative au marché intérieur de l’aviation. Le droit de l’Union vise ainsi, d’une part, à éviter une distorsion de la concurrence résultant d’une application différente des règles au niveau national et, d’autre part, à permettre aux consommateurs de pouvoir comparer effectivement le prix des services aériens. Dans la mesure où le transport aérien est, par nature, un marché international sur lequel agissent des compagnies aériennes de même dimension à travers des outils de réservation qui n’ont aujourd’hui aucune frontière, il est indispensable que l’activité de ces dernières soit effectivement gouvernée par des règles communes à l’ensemble des États membres de l’Union. Or, la réglementation espagnole contrevient manifestement à cet objectif.
Il appartient néanmoins aux autorités nationales compétentes de s’assurer que, dans la facturation de l’enregistrement des bagages, les transporteurs aériens respectent les exigences qui leur incombent au titre de la protection des droits du consommateur. Ainsi, les transporteurs aériens doivent communiquer d’une façon claire, transparente et non équivoque, au début même de la procédure de réservation engagée par le client, les modalités de tarification liées à l’enregistrement des bagages, en permettant au client d’accepter ou de refuser ce service par une démarche explicite d’acceptation.