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Justice, liberté, sécurité et immigration
Pour la CJUE, la notion de "conflit armé interne" doit être entendue de manière autonome par rapport à la définition retenue par le droit international humanitaire
30-01-2014


La directive 2004/83/CE protège non seulement les personnes qui peuvent se voir accorder le statut de réfugié, mais également celles qui ne peuvent pas bénéficier de ce statut, mais pour lesquelles il y a des motifs sérieux et avérés de croire qu’en cas de renvoi dans leur pays d’origine ou de résidence habituelle, elles courraient un risque réel de subir des atteintes graves (régime de la protection subsidiaire). Sont notamment considérées comme de telles atteintes les menaces graves et individuelles dirigées en raison d’une violence aveugle contre la vie ou la personne d’un civil dans le cadre d’un conflit armé interne ou international.CJUE

En 2008 et 2010, M. Aboubacar Diakité, un ressortissant guinéen, a demandé à bénéficier d’une protection internationale en Belgique, arguant qu’il avait été victime d’actes de violence en Guinée suite à sa participation aux mouvements de protestation contre le pouvoir en place. L’octroi de la protection subsidiaire à M. Diakité a été rejetée au motif qu’un "conflit armé interne", tel qu’entendu en droit international humanitaire, faisait défaut en Guinée.

Dans ces circonstances, le Conseil d’État (Belgique) a saisi la Cour de justice pour savoir si la notion de "conflit armé interne", prévue dans la directive, doit être interprétée de façon autonome par rapport à la définition retenue en droit international humanitaire et, dans l’affirmative, selon quels critères cette notion doit être appréciée.

S’agissant de la question de savoir si l’existence d’un conflit armé interne doit être appréciée sur la base des critères établis par le droit international humanitaire, la Cour constate, dans son arrêt rendu le 30 janvier 2014, que la notion de "conflit armé interne" est propre à la directive et ne trouve pas directement écho dans le droit international humanitaire, celui-ci ne connaissant que des "conflits armés ne présentant pas un caractère international". Par ailleurs, le régime de la protection subsidiaire n’étant pas prévu en droit international humanitaire, ce dernier n’identifie pas les situations dans lesquelles une telle protection est nécessaire et institue des mécanismes de protection clairement distincts de celui sous-tendant la directive. En outre, le droit international humanitaire entretient des relations très étroites avec le droit pénal international, alors qu’une telle relation est étrangère au mécanisme de protection prévu par la directive. La Cour en conclut que la notion de "conflit armé interne" doit être interprétée de manière autonome.

S’agissant des critères d’appréciation de la notion, la Cour précise que l’expression "conflit armé interne" vise une situation dans laquelle les forces régulières d’un État affrontent un ou plusieurs groupes armés ou dans laquelle deux ou plusieurs groupes armés s’affrontent. La Cour rappelle que, dans le régime institué par la directive, l’existence d’un conflit armé ne peut conduire à l’octroi de la protection subsidiaire que si le degré de violence aveugle atteint un niveau tel que le demandeur court un risque réel de subir des menaces graves et individuelles contre sa vie ou sa personne du seul fait de sa présence sur le territoire concerné. La Cour en conclut qu’il n’est pas nécessaire que le constat de l’existence d’un conflit armé soit subordonné à l’intensité des affrontements armés, au niveau d’organisation des forces armées ni à la durée du conflit.