Pour pouvoir être considéré comme étant à charge d’un citoyen de l’Union, un descendant de plus de 21 ans, ressortissant d’un pays tiers, ne doit pas établir qu’il a essayé par tout moyen d’assurer sa subsistance, selon l’arrêt dans l'affaire C-423/12 Reyes / Migrationsverket (Office des migrations, Suède) adopté par la Cour de Justice de l’Union européenne, le 16 janvier 2014. Selon la CJUE, un État membre ne peut dès lors pas exiger, pour l’octroi d’un permis de séjour, que le descendant prouve qu’il a vainement tenté de trouver un travail ou de recevoir une aide à la subsistance dans son pays d’origine.
Dans son arrêt, la CJUE, qui répondait à une question préjudicielle de la Migrationsöverdomstolen (Cour administrative d’appel de Stockholm statuant en matière d’immigration, Suède) au sujet du rejet de la demande de Flora May Reyes visant à obtenir un titre de séjour en Suède, précise ainsi que le "droit de l’Union étend le droit de tous les citoyens de l’Union de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres aux membres de leur famille quelle que soit leur nationalité. Sont considérés comme membre de famille, notamment, les descendants directs qui sont âgés de moins de vingt-et-un ans ou qui sont à charge du citoyen de l’Union".
Mme Flora May Reyes, née en 1987 et ressortissante des Philippines, a été confiée à sa grand-mère maternelle à l’âge de 3 ans, sa mère s’étant installée en Allemagne pour y travailler. Cette dernière a obtenu la nationalité allemande. La grand-mère maternelle de Mme Reyes l’a élevée pendant toute son enfance et adolescence. Entre l’âge de 17 ans et celui de 23 ans, Mme Reyes a suivi une formation supérieure de 4 ans comportant des stages et elle a obtenu la qualification d’infirmière auxiliaire diplômée/aide-soignante. Mme Reyes n’a jamais occupé d’emploi et n’a pas demandé le bénéfice d’aides sociales auprès des autorités philippines.
Sa mère n’a pas cessé de garder des liens étroits avec les membres de sa famille aux Philippines en leur envoyant tous les mois de l’argent pour subvenir à leurs besoins et financer leurs études, ainsi qu’en leur rendant visite tous les ans. En 2009, cette dernière s’est installée en Suède avec un ressortissant norvégien avec lequel elle s’est mariée en 2011. Depuis 2009, celui-ci envoie aux Philippines régulièrement de l’argent à Mme Reyes ainsi qu’aux autres membres de la famille de son épouse.
En 2011, Mme Reyes est entrée dans l’espace Schengen. Elle a demandé un titre de séjour en Suède en qualité de membre de la famille de sa mère en déclarant qu’elle était à sa charge. Sa demande a été rejetée au motif qu’elle n’avait pas démontré que les sommes qui, incontestablement, lui avaient été versées par sa famille avaient servi à assurer ses besoins essentiels de logement et d’alimentation ainsi que d’accès à un système de soins aux Philippines.
De même, elle n’aurait pas établi de quelle manière le système d’assurances et de protection sociale de son pays d’origine pouvait assister des personnes dans sa situation. En revanche, elle aurait justifié être diplômée dans son pays d’origine et y avoir suivi des stages. Par ailleurs, pendant son enfance et adolescence, elle aurait été à la charge de sa grand-mère maternelle.
L’affaire a été portée devant la Migrationsöverdomstolen qui a demandé à la CJUE si un État membre pouvait exiger, que, pour pouvoir être considéré comme étant à charge et relever ainsi de la définition de la notion de "membre de la famille", le descendant en ligne directe âgé de 21 ans ou plus doive établir avoir vainement tenté de trouver un travail ou de recevoir une aide à la subsistance des autorités du pays d’origine et/ou essayé par tout autre moyen d’assurer sa subsistance. Elle demandait également si le fait qu’un membre de la famille est considéré comme ayant des chances raisonnables de trouver un emploi et entend travailler dans l’État membre d’accueil a une incidence sur l’interprétation de la condition d’être "à charge".
Dans son arrêt du 16 janvier 2014, la Cour rappelle que, pour qu’un descendant direct d’un citoyen de l’Union, qui est âgé de vingt-et-un ans ou plus, puisse être considéré comme étant "à charge" de celui-ci, l’existence d’une situation de dépendance réelle doit être établie.
Afin de déterminer l’existence d’une telle dépendance, l’État membre d’accueil doit apprécier si, eu égard à ses conditions économiques et sociales, le descendant en cause ne subvient pas à ses besoins essentiels. La nécessité du soutien matériel doit exister dans l’État d’origine ou de provenance d’un tel descendant au moment où il demande à rejoindre ledit citoyen. En revanche, il n’est pas nécessaire de déterminer les raisons de ladite dépendance, et donc du recours à ce soutien.
Or, le fait qu’un citoyen de l’Union procède régulièrement, pendant une période considérable, au versement d’une somme d’argent à ce descendant, nécessaire à ce dernier afin de subvenir à ses besoins essentiels dans l’État d’origine, est de nature à démontrer qu’une situation de dépendance réelle de ce descendant par rapport audit citoyen existe, selon la Cour.
Les juges soulignent dès lors qu’il ne saurait être exigé du descendant que, en plus, celui-ci établisse avoir vainement tenté de trouver un travail ou de recevoir une aide à la subsistance des autorités du pays d’origine et/ou essayé par tout autre moyen d’assurer sa subsistance. La Cour estime que l’exigence d’une telle démonstration supplémentaire, qui n’est pas facile à effectuer en pratique, serait susceptible de rendre excessivement difficile la possibilité pour ce même descendant de bénéficier du droit de séjour dans l’État membre d’accueil.
Au demeurant, poursuit l’arrêt, il n’est pas exclu qu’une telle exigence implique la nécessité d’effectuer des démarches plus compliquées, telles que celles d’essayer d’obtenir différentes attestations certifiant qu’aucun travail n’a été trouvé et qu’aucune allocation sociale n’a été obtenue, que la démarche consistant dans l’obtention d’un document de l’autorité compétente de l’État d’origine ou de provenance attestant l’existence d’une situation de dépendance, au sujet de laquelle la Cour a déjà jugé que celle-ci ne peut constituer une condition de la délivrance du titre de séjour.
La Cour conclut donc que le droit de l’Union ne permet pas à un État membre d’exiger que, pour pouvoir être considéré comme étant à charge et relever ainsi de la définition de la notion de "membre de la famille" d’un citoyen de l’Union, le descendant en ligne directe âgé de vingt-et-un ans ou plus doive établir avoir vainement tenté de trouver un travail ou de recevoir une aide à la subsistance des autorités du pays d’origine et/ou essayé par tout autre moyen d’assurer sa subsistance.
Elle ajoute que le fait qu’un membre de la famille, en raison de circonstances personnelles telles que son âge, ses qualifications professionnelles et son état de santé, est considéré comme ayant des chances raisonnables de trouver un emploi et, en outre, entend travailler dans l’État membre d’accueil n’a pas d’incidence sur l’interprétation de la condition d’être "à charge".