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La commission des affaires juridiques du Parlement européen adopte à une courte majorité un projet de réforme du secteur de l’audit immédiatement dénoncé comme "nuisible" par le groupe S&D
21-01-2014


Audit - Source: CommissionLe projet d'accord entre le Parlement et le Conseil sur une législation visant à réviser la directive européenne sur l'audit, datant de 2006 et ainsi à réformer un secteur mis en question par la crise, a été adopté par la commission des affaires juridiques (JURI) du Parlement européen le 21 janvier 2014.

Les textes approuvés à une courte majorité de 3 voix pour, 8 voix contre et une abstention se donnent pour objectif d’ouvrir le marché des services d'audit de l'UE au-delà des quatre grandes entreprises dominantes – "les 'Big four'" qui dominent le marché, à savoir Deloitte, Ernst and Young, KPMG et PriceWaterhouseCoopers, explicitement cités dans les documents de la Commission –  et de résoudre les faiblesses de l'audit, révélées par la crise financière.

Il s’agit en particulier d’améliorer la qualité de la pratique de l'audit ainsi que sa transparence, et de prévenir les conflits d'intérêt potentiels entre auditeurs et audités, selon le rapport de l’eurodéputé britannique Sajjad Karim (ECR), en charge du paquet de réformes sur l'audit pour le Parlement européen.

"La réforme du marché de l'audit a tardé et les propositions votées aujourd'hui sont sans précédent. Ce projet législatif aura des conséquences positives, non seulement pour le marché de l'audit mais également pour le secteur financier dans son ensemble. Nous rétablissons la confiance petit à petit", a affirmé le rapporteur.

Le contexte

En novembre 2011, la Commission européenne avait proposé une série de mesures visant à ouvrir le secteur de l'audit à la concurrence, notamment en imposant une rotation entre les sociétés chargées d'auditer une même entreprise et en limitant les activités des plus gros acteurs du secteur.

La Commission, qui soulignait que la confiance en les sociétés d’audit avait été sérieusement ébranlée par la crise, notait que ces "Big four" représentaient plus de 85 % du marché de l'audit dans la majorité des pays européens. A titre d'exemple, parmi les 100 sociétés cotées au Footsie, l'indice de la bourse de Londres, 99 font appel à l'un des quatre grands. C'est aussi le cas de 90 % des sociétés du DAX allemand et de l'ensemble de celles qui sont cotées à l'Ibex de Madrid.

Les propositions de la Commission "s’attaquent aux faiblesses actuelles du marché européen de l’audit, en éliminant les conflits d’intérêts, en garantissant l’indépendance et une surveillance stricte et en renforçant la diversité sur un marché trop concentré, particulièrement au niveau de son segment supérieur", avait à l’époque déclarée Michel Barnier, le commissaire en charge du marché intérieur et des services.

Améliorer la qualité des audits

Le projet de rapport adopté au sein de la commission JURI prévoit que les auditeurs au sein de l'UE seraient tenus de publier des rapports d'audit conformément aux normes internationales en la matière. Pour les auditeurs d'entités d'intérêt public, telles que les banques, les compagnies d'assurance et les sociétés cotées, le texte conclu contraindrait les cabinets d'audit à fournir aux parties prenantes et aux investisseurs un document détaillé reprenant toutes les actions de l'auditeur et assurant, de manière globale, la précision des comptes de l'entreprise.

Ouvrir le marché de l'audit européen à la concurrence et accroître la transparence

Dans le cadre d'une série de mesures visant à ouvrir le marché et à accroître la transparence, projet d’accord interdirait les clauses contractuelles de types "Big Four only" qui exigent que l'audit soit réalisé par l'une des quatre grandes entreprises du secteur.

Les entités d'intérêt public seraient contraintes de lancer un appel d'offres lors de la sélection d'un nouvel auditeur. Afin de veiller à ce que les relations entre l'auditeur et l'entreprise contrôlée ne deviennent trop familières, les députés ont adopté une règle de "rotation obligatoire". Selon cette disposition, un auditeur peut contrôler les comptes d'une entreprise pendant 10 ans au maximum, une période qui peut être augmentée de 10 années supplémentaires si de nouvelles offres sont exécutées, ou de 14 années supplémentaires en cas d'audits conjoints, à savoir lorsqu'une entreprise est contrôlée par au moins deux cabinets d'audit.

La Commission européenne avait proposé une période de 6 ans, "mais une majorité de députés en commission ont jugé qu'il s'agissait d'une intervention onéreuse et indésirable sur le marché de l'audit", peut-on lire dans le communiqué publié sur le site du Parlement européen à ce sujet.

Alliance des libéraux et conservateurs sur un projet nuisible, selon le groupe S&D

Cette décision n’a pas été du goût du groupe des socialistes et démocrates (S&D) au Parlement européens. Sur son site internet, le groupe a publié un communiqué fustigeant l’attitude des libéraux et des conservateurs européens pour avoir fait avancer un projet de réforme du secteur de l'audit jugé "nuisible" car il pourrait "ouvrir la porte à d'éventuels nouveaux abus comme lors des scandales d'Enron ou de Parmalat".

"Comme ces scandales l’ont démontré, les cabinets d'audit qui travaillent pour une entreprise pendant de nombreuses années ont tendance à se rapprocher d’un peu trop près de leurs clients", critique le groupe S&D. "Malgré les preuves, les groupes conservateurs et libéraux européens ont soutenu une proposition visant à permettre aux entreprises de recourir au même auditeur pour une durée maximum de vingt années consécutives et même vingt-quatre années dans le cas d'un audit conjoint, en opposition au maximum de sept ans proposé par le groupe S&D", peut-on lire dans le communiqué.

En outre, les socialistes regrettent que les cabinets d'audit soient également autorisés à l’avenir à fournir "un large éventail d’autres services que la vérification" - tels que la fourniture d'informations financières, l'optimisation de l'entreprise et de la gestion de trésorerie – jugeant que cela pourrait conduire à de graves conflits d’intérêt. Les revenus générés pour les services autres pourraient par ailleurs s'élever jusqu'à 70 % du total des revenus, "faisant potentiellement de l’audit une activité marginale plutôt que leur cœur de métier de ces agences", s’inquiète encore le groupe S&D.

"L'accord va à l'encontre de l'esprit des propositions initiales de la Commission de l'UE pour introduire des règles plus transparentes et une meilleure séparation des services d'audit et de conseil.  Il ne tient pas compte des réformes nécessaires pour promouvoir les audits conjoints et s'appuie sur les comités d’audit des sociétés pour définir la liste noire des services autres que de vérification", a insisté l’eurodéputé espagnol Antonio Masip Hidalgo, porte-parole S&D sur la réforme de l'audit.

Indépendance des services autres que d'audit

Pour éviter les conflits d'intérêt et les menaces à leur indépendance, les cabinets d'audit européens ne pourraient en effet plus, de manière générale, fournir des services autres que d'audit à leurs clients, notamment des services de conseils fiscaux ou autres pouvant avoir pouvant avoir une influence sur le processus de décision ou de management de l’entreprise concernée. Un principe d’interdiction et de liste noire de services toutefois ouvert à dérogations.