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Statistiques - Economie, finances et monnaie
La croissance potentielle du Luxembourg serait plus élevée que les prévisions de la Commission européenne selon le Statec qui souligne les limites de l’application de la méthode communautaire à une économie nationale "petite et très ouverte"
23-01-2014


STATECAlors que le nouveau traité sur la stabilité financière, la coordination et la gouvernance dans l'Union économique et monétaire, aussi connu sous le nom de "Traité budgétaire", qui sera transposé en droit national dans les prochaines semaines, contraint les Etats membres à mener des politiques prudentes en se référant au solde structurel des finances publiques, l’institut national de statistiques luxembourgeois, le Statec, a publié le 23 janvier 2014 une étude sur le sujet.

Se penchant sur ce concept qui prend désormais une importance primordiale dans l’analyse et la surveillance de la situation des finances publiques dans la zone euro, le Statec s’est intéressé aux dynamiques de la productivité et de la croissance potentielle du Luxembourg. L’analyse du Statec décortique ainsi la méthode utilisée par la Commission européenne, l’applique aux données luxembourgeoises et la compare avec la méthode traditionnelle utilisée par le Statec dans ses prévisions. Elle met "en évidence les limites de l’application de la méthode communautaire pour le calcul des soldes structurels au niveau luxembourgeois", peut-on lire dans le document.

Le Statec rappelle tout d’abord que le PIB potentiel, l’écart de production ("output gap") et le solde structurel du secteur public ne sont pas des éléments "directement observables mais découlent d’un modèle complexe faisant intervenir l'emploi et le stock du capital physique". L’écart de production permet ensuite de calculer le solde structurel du secteur public, c’est-à-dire la partie du solde qui ne fluctue pas avec la conjoncture économique.

Selon le Statec, cette étude met en évidence une série de problèmes dans l’application de la méthode communautaire au cas de l'économie luxembourgeoise. "Les particularités d’une petite économie motivent la recherche d’une méthode plus adaptée à la situation luxembourgeoise", écrivent les auteurs. Les principales différences méthodologiques relevées sont le poids des salaires dans le revenu total, la mesure du stock de capital et la prise en compte explicite du grand nombre de travailleurs frontaliers.

Le document de travail de l’institut national de statistique met également en lumière plusieurs différences dans les données utilisées par la Commission européenne par rapport à celles disponibles au Statec:

  • La part des salaires estimée à l'aide des moyennes historiques du Luxembourg s'élève à 0,52, alors que la valeur adoptée par la Commission pour tous les Etats membres est de 0,65;
  • les données disponibles au Statec comprennent des prévisions jusqu'en 2016 alors que la base de données AMECO - qui couvre la période 1960-2014 et contient des séries macroéconomiques pour les Etats membres, les pays candidats et d'autres pays de l'OCDE - sur laquelle se base la Commission européenne ne comprend des prévisions que jusqu'en 2014;
  • le concept de "gross capital stock" adopté au Statec pour le calcul du TFP (total des facteurs  de productivité) correspond au stock de capital brut, tandis que la Commission utilise le stock net de la base AMECO;
  • les taux de participation (soit la proportion de personnes qui sont employées ou cherchent activement un emploi dans la population totale) sont également différents. La méthode de calcul adoptée par le Statec prend en effet explicitement en compte la présence de travailleurs transfrontaliers dans le calcul du "travail potentiel", l’article soulignant dès lors les difficultés conceptuelles de la notion de travail potentiel appliqué au Luxembourg.

Ces différences méthodologiques génèrent une dynamique de la productivité et de croissance plus élevées que celles calculées actuellement par la Commission, estime le Statec. "Les résultats en termes de prévisions de  croissance potentielle sont plus optimistes que les estimations de la Commission pour les années 2013 à 2016. En conséquence, l'écart de production devient positif, (la production observée devient supérieure à la production potentielle). Ce résultat est attribuable à une dynamique moins négative du TFP que prévue par la Commission. Il est également attribué à des différences dans les prévisions de variables pour la période 2013-2016."

Globalement, le Statec estime donc que cette étude jette un doute sur l'approche "one size-fits-all" choisie par la Commission, "d’autant plus à la lumière du caractère particulier de l'économie luxembourgeoise, une petite économie très ouverte et un centre financier de premier plan".

"Les résultats doivent donc être interprétés avec prudence en raison de la complexité des techniques économétriques utilisées et des difficultés objectives posées par l'évaluation de la croissance potentielle. La recherche scientifique sur la question doit être poursuivie tout en fournissant des indications utiles pour la conduite de la politique budgétaire", estime l’institut de statistiques

Une prudence dans l’interprétation est également justifiée par "la forte volatilité des données luxembourgeoises, et à la lumière des révisions fréquentes et importantes de ces données", conclut le Statec.