La directive 2004/38/CE accorde aux citoyens de l’Union ainsi qu’aux membres de leur famille le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres. À cet égard, le Raad van State néerlandais (Conseil d’État) a saisi la Cour de justice, par deux renvois préjudiciels distincts, de quatre affaires concernant le refus des autorités néerlandaises d’octroyer un droit de séjour à un ressortissant d’un État tiers, membre de la famille d’un citoyen de l’Union, ressortissant néerlandais. La CJUE s'est prononcée le 12 mars 2014 sur ces deux affaires.
L’affaire C-456/12 concerne des refus d’octroi d’un droit de séjour dans une situation dans laquelle le citoyen de l’Union retourne dans l’État membre dont il possède la nationalité après avoir effectué, avec le membre de sa famille concerné, des séjours de courte durée dans un autre État membre.
M. O., de nationalité nigériane, a épousé en 2006 une ressortissante néerlandaise et vécu en Espagne entre 2007 et avril 2010. Au cours de cette même période, l’épouse de M. O a séjourné deux mois avec son mari en Espagne et a régulièrement passé ses vacances avec lui dans ce pays.
M. B., de nationalité marocaine, a, à compter de 2002, cohabité aux Pays-Bas avec sa partenaire de nationalité néerlandaise. En 2005, il s’est installé en Belgique dans un appartement loué par sa partenaire. Celle-ci a passé chaque week-end avec M. B. en Belgique. En avril 2007, M. B. est rentré au Maroc et en juillet 2007, il s’est marié avec la ressortissante néerlandaise concernée.
MM. O. et B. étant des membres de la famille de citoyens de l’Union, la juridiction de renvoi se demande si le droit de l’Union, notamment l’article 21 TFUE et la directive 2004/38, accorde à de tels ressortissants d’un État tiers un droit de séjour dans l’État membre dont les citoyens en question possèdent la nationalité.
La Cour rappelle tout d’abord que l’article 21 TFUE et la directive 2004/38 n’octroient aucun droit de séjour autonome aux ressortissants d’États tiers. Les éventuels droits de séjour conférés à de tels ressortissants sont des droits dérivés de l’exercice de la liberté de circulation par un citoyen de l’Union.
Elle constate ensuite que la directive 2004/38 ne confère aucun droit de séjour dérivé à un ressortissant d’un État tiers, membre de la famille d’un citoyen de l’Union qui séjourne dans l’État membre dont il a la nationalité. En effet, la directive 2004/38 ne s’applique que lorsqu’un citoyen se rend ou séjourne dans un État membre autre que celui dont il a la nationalité.
Quant à la question de savoir si l’article 21 TFUE accorde un tel droit de séjour dérivé, la Cour explique que le refus de reconnaître un droit de séjour dérivé en faveur d’un membre de la famille d’un citoyen de l’Union, ressortissant d’un État tiers, peut porter atteinte au droit de libre circulation dudit citoyen garanti par cette disposition du traité. En effet, un citoyen de l’Union pourrait être dissuadé de quitter son État membre d’origine s’il n’avait pas la certitude de pouvoir poursuivre, lors de son retour dans cet État membre, une vie de famille qu’il aura développée ou consolidée dans un autre État membre. Toutefois, une telle entrave ne se produira que lorsque le séjour dans l’État membre d’accueil a un caractère effectif, c’est-à-dire lorsqu’il satisfait aux dispositions de la directive 2004/38 relatives à un droit de séjour de plus de trois mois.
Il s’ensuit que, lorsqu’en vertu et dans le respect des dispositions de la directive 2004/38 relatives à un droit de séjour de plus de trois mois, un citoyen de l’Union a séjourné de manière effective dans un autre État membre et qu’une vie de famille s’est, à cette occasion, développée ou consolidée dans cet État, l’effet utile de l’article 21 TFUE exige que la vie de famille menée dans l’État membre d’accueil puisse être poursuivie lorsque le citoyen retourne dans son État d’origine. Cela implique qu’un droit de séjour dérivé soit reconnu dans une telle situation au membre de la famille ressortissant d’un État tiers.
Les conditions d’octroi d’un tel droit de séjour dérivé sur le fondement de l’article 21 TFUE ne devraient pas, en principe, être plus strictes que celles prévues par la directive 2004/38 pour l’octroi d’un droit de séjour dérivé à un ressortissant d’un État tiers, membre de la famille d’un citoyen de l’Union, qui a exercé son droit de libre circulation en s’établissant dans un État membre autre que celui dont il a la nationalité. En effet, même si la directive 2004/38 ne couvre pas le cas du retour du citoyen de l’Union dans l’État membre dont il a la nationalité, elle doit être appliquée par analogie, étant donné que, dans ce cas également, c’est le citoyen de l’Union qui constitue la personne de référence pour qu’un ressortissant d’un État tiers, membre de la famille de ce citoyen de l’Union, puisse se voir accorder un droit de séjour dérivé.
Quant à la question de savoir si l’effet cumulatif de différents séjours de courte durée dans l’État membre d’accueil est susceptible d’ouvrir un droit de séjour dérivé à un membre de la famille ressortissant d’un État tiers lorsque le citoyen de l’Union retourne dans son État d’origine, la Cour rappelle que seul un séjour satisfaisant aux dispositions de la directive 2004/38 relatives à un séjour de plus de trois mois est de nature à ouvrir un droit de séjour dérivé au retour. Elle souligne que, même considérés dans leur ensemble, des séjours de courte durée (tels que des week-ends ou des vacances passés dans un État membre autre que celui dont le citoyen de l’Union possède la nationalité) ne satisfont pas à cette condition.
La Cour relève par ailleurs que M. B. a acquis la qualité de membre de la famille d’un citoyen de l’Union à un moment postérieur au séjour de sa partenaire dans l’État membre d’accueil. Or, un ressortissant d’un État tiers qui n’avait pas, à tout le moins pendant une partie de son séjour dans l’État membre d’accueil, la qualité de membre de la famille d’un citoyen de l’Union n’a pas pu bénéficier dans cet État d’un droit de séjour dérivé en vertu de la directive 2004/38. Dans ces conditions, le ressortissant étranger ne saurait invoquer l’article 21 TFUE pour obtenir un droit de séjour dérivé lorsque le citoyen de l’Union retourne dans l’État membre dont il possède la nationalité.
Sur la base de tout ce qui précède, la Cour dit pour droit que, dans une situation dans laquelle un citoyen de l’Union a, en vertu et dans le respect des dispositions de la directive 2004/38 relatives à un droit de séjour de plus de trois mois, développé ou consolidé une vie de famille avec un ressortissant d’un État tiers à l’occasion d’un séjour effectif dans un État membre autre que celui dont il possède la nationalité, les dispositions de cette même directive s’appliquent par analogie lorsque ledit citoyen de l’Union retourne, avec le membre de sa famille concerné, dans son État membre d’origine.
À l’instar de l’affaire C-456/12, l’affaire C-457/12 concerne le refus des autorités néerlandaises d’accorder un droit de séjour à un membre de la famille de ressortissants néerlandais. Toutefois, à la différence de l’affaire C-456/12, les citoyens de l’Union concernés n’ont pas séjourné avec un membre de leur famille dans un État membre autre que celui dont ils possèdent la nationalité.
Mme S. possède la nationalité ukrainienne. Elle souhaite pouvoir séjourner auprès de son beau-fils qui a la nationalité néerlandaise. Mme S. fait valoir qu’elle s’occupe de son petit-fils. Son beau-fils réside aux Pays-Bas, mais se rend, dans le cadre de son travail salarié pour un employeur néerlandais, au moins une fois par semaine en Belgique.
Mme G., de nationalité péruvienne, a épousé en 2009 un ressortissant néerlandais. Ce dernier réside aux Pays-Bas, mais accomplit un travail salarié pour une entreprise belge. Dans le cadre de ce travail, il effectue des allers et retours quotidiens entre les Pays-Bas et la Belgique.
Dans ce contexte, le Raad van State souhaite savoir, en substance, si le droit de l’Union confère un droit de séjour dérivé à un ressortissant d’un État tiers, membre de la famille d’un citoyen de l’Union, lorsque le citoyen réside dans l’État membre dont il a la nationalité, mais se rend régulièrement dans un autre État membre dans le cadre de ses activités professionnelles.
La Cour confirme que, dans les situations visées par l’affaire C-457/12, les citoyens de l’Union relèvent du champ d’application de la libre circulation des travailleurs garantie par l’article 45 TFUE. En effet, tout citoyen de l’Union qui, dans le cadre d’un contrat de travail, exerce des activités professionnelles dans un État membre autre que celui de sa résidence relève du champ d’application de cette disposition.
La Cour explique ensuite que l’effet utile du droit de libre circulation des travailleurs peut requérir qu’un droit de séjour dérivé soit octroyé sur le fondement de l’article 45 TFUE à un ressortissant d’un État tiers, membre de la famille du travailleur, citoyen de l’Union, dans l’État membre dont ce dernier possède la nationalité.
Il appartiendra ainsi à la juridiction de renvoi de vérifier si, dans chacune des situations visées dans l’affaire C-457/12, l’octroi d’un droit de séjour dérivé au ressortissant de l’État tiers concerné, membre de la famille d’un citoyen de l’Union, est nécessaire afin de garantir à ce dernier l’exercice effectif des droits qu’il tire de l’article 45 TFUE.
Selon la Cour, la circonstance selon laquelle le ressortissant de l’État tiers concerné s’occupe de l’enfant du citoyen de l’Union peut constituer un élément pertinent aux fins d’examiner si le refus de l’octroi d’un droit de séjour en faveur de ce ressortissant de l’État tiers peut avoir un caractère dissuasif sur l’exercice effectif des droits que le citoyen de l’Union concerné tire de l’article 45 TFUE. Toutefois, le seul fait qu’il pourrait paraître souhaitable que l’accueil de l’enfant soit pris en charge par le ressortissant d’un État tiers, ascendant direct du conjoint du citoyen de l’Union, ne suffit pas en soi à constater un tel caractère dissuasif.
L’article 45 TFUE confère donc à un membre de la famille d’un citoyen de l’Union, ressortissant d’un État tiers, un droit de séjour dérivé dans l’État membre dont ce citoyen possède la nationalité, lorsque ledit citoyen réside dans ce dernier État, mais se rend régulièrement dans un autre État membre en tant que travailleur au sens de ladite disposition, dès lors que le refus de l’octroi d’un tel droit de séjour a un effet dissuasif sur l’exercice effectif des droits que le travailleur concerné tire de l’article 45 TFUE, ce qu’il appartient à la juridiction nationale de vérifier.